Mon Père, je vous pardonne - Daniel Pittet

Je voulais écrire sur ce livre que je viens de finir. Mais je n'y arrive pas très bien. Je m'y suis repris à plusieurs fois... et là je me dis que coucher les mots tels qu'ils viennent est sans doute suffisant...

Ce livre c'est notre évêque de Grenoble-Vienne qui a demandé à ses prêtres dont je suis de le lire. Pourquoi ? Car le prêtre dont il est question a exercé son ministère 13 ans dans notre diocèse, quelques années avant que je sois ordonné. Et que les raisons de son déplacement dans notre diocèse, racontée dans ce livre, alors qu'il était en Suisse, à Fribourg, donnent à penser qu'il a dû se passer des choses similaires chez nous, ce que confirme le communiqué ce Mgr de Kerimel (le lien est disponible en bas de ce post')... D'ailleurs quand l'évêque de l'époque a appris la nature des faits qui sont ici incriminées au P. Joël Allaz (et beaucoup d'autres car il y eut d'autres victimes) une enquête canonique fut ouverte et ses supérieurs le retirèrent du diocèse...

De quoi s'agit-il ? Malheureusement, d'une sordide et terrible histoire de pédophilie. D'un enfant qui 40 ans après écrit ces pages et qui alors fut violé par ce religieux plusieurs fois par semaines pendant plusieurs années... Avec visiblement un silence coupable de proches de sa famille et de l'entourage du prêtre, dans sa communauté, qui avaient pressenti si ce n'est compris ce qui se passait...

40 ans après, Daniel Pittet prend la parole. Acte courageux, difficile, impressionnant. Pourquoi raconter ainsi ? Tout simplement, ai-je envie de dire, parce que le pape l'y a poussé ou l'a encouragé. Le pape qui signe d'ailleurs la préface à l'ouvrage-témoignage. Ce n'est pas rien. Le pape qui commence ainsi son propos : “C'est une épreuve pour la victime d'un pédophile de prendre la parole et de raconter ce qu'elle a enduré, de décrire les traumatismes qui persistent encore des années après. C'est pourquoi le témoignage de Daniel Pittet est nécessaire, précieux et courageux.” Le pape ajoute qu'il a été touché par la souffrance de cet homme, par son histoire, qu'il a mieux compris les “les dégâts effrayants que causent les abus sexuels et le long et douloureux chemin qui attend les victimes. [Il se dit] heureux que d'autres puissent entendre aujourd'hui [ce] témoignage et découvrir à quel point le mal peut entrer dans le coeur de l'Eglise.”

Ce qui impressionne dans ce récit c'est tout ce que Daniel Pittet raconte de l'après, tout son chemin de vie pour apprendre à se reconstruire et à vivre, le visage autre de l'Eglise qu'il a là découvert et pour lequel il rend grâce car il y eu des rencontres et des évènements qui l'ont relevé. Et sa foi qui fut une force réelle. Le pape le souligne lui aussi dans sa préface.

L'auteur reconnaît que son histoire personnelle, son enfance, fit sans doute de lui une proie facile pour un tel prédateur, entre un père très violent puis absent pendant 40 ans et une mère très malade psychologiquement. Mais surtout il nous raconte combien son chemin fut aussi, petit à petit, laborieusement parfois, une histoire de pardon. Jusqu'à pouvoir rencontrer son “bourreau”, 44 ans plus tard, il y a quelques mois.

Ce long itinéraire, ce chemin difficile, douloureux et en même temps très beau dans ce que Daniel Pittet en dit lui-même, qui nous est ici offert, terrible, mais bouleversant, donne à comprendre un peu ce qui a pu se jouer psychologiquement et intérieurement pour l'enfant, mais aussi pour le le religieux, et même pour l'entourage proche de Daniel Pittet, ses amis et sa famille qui l'ont accompagné et soutenu et qui lui ont permis de (re)trouver goût à la vie.

Le livre se conclue par une postface originale puisque la parole est donnée au P. Joël Allaz lui-même, dans une sorte d'interview-rencontre où il se livre tant d'années après, entre aveux et mémoire qui a effacé (ou qui préfère taire) certains évènements...

Je ne sais s'il faut lire ces pages... J'avais besoin d'en rendre compte quand même... Je crois toutefois qu'on ne perd pas son temps à entendre cet inentendable mais surtout à recueillir ce que l'auteur nous livre de sa vie blessée, et par là même de sa foi et de ce que l'Eglise a été aussi et reste pour lui, une Eglise certes entachée par quelques uns mais qui n'est pas seulement ces actes là ;Daniel Pittet nous partage cela également, c'est aussi son histoire.

Le communiqué de Mgr de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne.

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