Homélie dimanche 16 juin 2013

11ème dimanche du Temps ordinaire / Année C

Les Adrets (samedi soir) / Crolles

2Sa 12,7-10.13 / Ps 31 (32) / Ga 16,19-21 / Lc 7,36 – 8,3

Si j’en crois la 1ère lecture et notamment la dernière phrase que nous avons entendue alors je comprends que reconnaître son péché, c’est-à-dire reconnaître la part de mal que nous faisons, c’est un chemin de vie. Le texte ne dit pas autre chose. Reconnaître cette part de mal que nous faisons parfois, c’est choisir la vie, aussi étonnant que cela puisse nous paraître spontanément. Car il s’agit non pas de s’enfermer dans une culpabilité mortifère mais bien au contraire d’oser regarder en vérité notre vie pour pouvoir envisager d’avancer et de grandir. Jésus nous dit d’ailleurs dans l’évangile : « la vérité vous rendra libre ».

Dans la 1ère lecture, le Seigneur pardonne celui qui veut bien se laisser pardonner et il permet ainsi la vie. Non pas qu’il efface les choses ou qu’il les relativise. Mais il reconnaît que nous ne sommes pas réductibles à ce mal que nous avons pu faire et il entend le désir que nous pouvons avoir et que nous pouvons lui exprimer de vouloir vivre une vie plus juste. Il est même prêt à nous y aider si nous lui faisons une place dans notre vie, si nous le lui demandons avec insistance et donc si nous osons mettre notre confiance en Dieu.

L’évangile qu’on vient d’entendre est exactement de cet ordre là. Personnellement cette rencontre me touche beaucoup ; il y a quelque chose d’émouvant et même de bouleversant dans l’attitude de cette femme, une attitude un peu folle je trouve. Ce qui est très étonnant dans son geste, c’est que le monde autour d’elle semble ne plus exister ; elle n’a pas peur en tout cas du regard des autres ; la seule chose qui semble compter c’est ce geste fou qu’elle est en train de faire pour Jésus.

Ce geste de laver les pieds de Jésus il n’est pas anodin. Ce sera le geste de Jésus au soir du dernier repas. Ce geste, c’est celui que le maître de maison est censé faire à ses hôtes, ses invités, pour leur signifier son accueil et le respect qu’il a pour eux. Simon le pharisien chez qui déjeune Jésus l’a-t-il fait ? Visiblement non, vu ce que Jésus lui dit à la fin de l’évangile. Elle, elle vit ce geste de façon intense et bouleversante. C’est comme si elle n’avait que ce geste pour dire ce pour quoi elle n’a même pas de mots, pour oser dire ce qu’elle n’ose même plus avouer, à savoir son besoin d’amour, son besoin d’être sauvée, son besoin de Dieu. Elle est là aux pieds de Jésus lui offrant comme eau pour lui laver les pieds la seule eau qu’elle possède, ses propres larmes ; et lui offrant comme linge pour prendre soin de lui, la seule chose avec laquelle elle puisse le faire, ses cheveux, c’est-à-dire elle-même. C’est très étonnant cette scène. Elle est là aux pieds de Jésus et elle n’a rien d’autre qu’elle-même pour lui faire ce geste d’une étonnante densité.

Et Jésus se laisse toucher ; il se laisse faire. Non seulement il se laisse toucher les pieds, mais il se laisse toucher au plus profond de lui-même, preuve en est ce qu’il dit ensuite non seulement à Simon mais aussi à cette femme quand il lui offre ce pardon promis par Dieu.

Jésus qui se laisse faire, c’est le signe qu’il la considère comme quelqu’un qui l’accueille, lui, en sa maison. Mais pas n’importe quelle maison, sa maison intérieure, son être même. Elle se dévoile à lui et lui il se laisse rejoindre. Tous autour d’elle doivent être en train de la juger – puisque tous doivent savoir que c’est une femme pécheresse, ce que Simon ne manque pas de se dire en lui-même ; ils l’ont enfermée là-dedans – ; mais lui, Jésus, il ne la juge pas, il l’accueille telle qu’elle est, dans ce désir qu’elle a d’être avec lui, dans cet acte de reconnaissance qu’elle pose envers lui : elle sait qui il est ; il n’y a plus que Dieu vers qui elle puisse se tourner ; il n’y a plus que lui qui peut encore quelque chose pour elle ; il n’y a que lui qui puisse véritablement lui donner cette paix du cœur dont elle a besoin… « Ta foi t’as sauvée. Va en paix – Va, ta confiance t’as sauvée ; désormais tu peux vivre »

Je crois qu’elle est dans une détresse énorme, cette femme, alors même qu’elle est dans une confiance bouleversante. La preuve, c’est qu’autour d’elle et de Jésus personne ne reste indifférent ; et Simon pas moins que les autres. Avec cette question que je me pose : lui, Simon, que va-t-il faire après ce repas ? Que va-t-il faire de ces mots que Jésus lui a adressés à lui dans la parabole du créancier et des deux débiteurs mais aussi dans les mots qui suivent ? Va-t-il prendre conscience de qui est là face à lui, pas seulement quelqu’un de bien ou un prophète aux paroles de sagesse, mais le Fils de Dieu lui-même, celui qui vient nous libérer comme il sauve cette femme ?

Et nous… Est-ce que nous sommes vraiment prêts à avoir cette confiance que si Jésus est ressuscité et donc que s’il est là, mystérieusement à nos côtés, et que s’il se donne à nous dans l’eucharistie pour nous rejoindre, mystérieusement, au plus intime de nous-mêmes, alors nous pouvons lui demander qu’il nous aide à avancer et qu’il nous aide à traverser les épreuves que nous portons ou qui nous tombent dessus et qu’il nous aide à aussi à sortir, petit à petit, de ce péché qui marque toute vie humaine ?

Plus encore, même, cette attitude de Jésus envers cette femme, elle nous engage au nom de notre baptême. Nous sommes appelés à nous laisser aimer par Dieu tels que nous sommes pour apprendre avec lui à aimer aussi autour de nous, de la même façon : dans l’accueil de l’autre quel qu’il soit et quelle que soit son histoire ; dans le pardon et donc dans la confiance que malgré le mal que l’autre a pu faire il a le droit lui aussi de vivre quand même ; mais que par contre ça nous engage vis-à-vis de lui : nous avons le devoir de l’aider à grandir et à trouver un chemin.

Je ne sais pas ce qu’est devenu Simon après cette rencontre étonnante, ni la femme d’ailleurs. Je ne sais pas ce que nous allons faire chacun de ces paroles… Nous pouvons en tout cas et déjà prendre quelques instants de silence pour laisser monter en nous ce qui nous habite et pour l’offrir tout simplement au Seigneur, dans le silence de nos cœurs, en osant cette confiance qu’il est à nos côtés et qu’il nous dit à nous aussi : « Va en paix »

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