2 Mars 2014
8ème dimanche du Temps Ordinaire / Année A
BJ Notre-Dame (samedi soir) / BJ St Jean-Baptiste [avec baptême]
Is 49,14-15 / Ps 61 (62) / 1Co 4,1-5 / Mt 6,24-34
Je trouve que cet évangile a quelque chose d’un peu apaisant après les pages exigeantes et bousculantes de ces dernières semaines. Quelque chose d’apaisant et d’un peu mois radical, apparemment en tout cas, même si ce n’est pas si simple en fait de ne pas se soucier des tracas du lendemain et de s’en remettre à Dieu dans la confiance…
Avec ce texte d’évangile nous sommes toujours dans ce grand sermon sur la montagne qui a commencé par l’appel des Béatitudes et qui nous pose la question sur plusieurs chapitres du bonheur et du sens de notre vie, du coup de notre vie chrétienne aussi. Certains parmi nous sont dans l’épreuve du deuil ou de la maladie et certains autres parmi nous ou autour de nous vivent de véritables précarités ; la question du bonheur se pose pour eux et se pose en tout cas pour nous tous, pour certains d’entre nous qui ont vraiment de quoi désespérer, parfois, mais aussi pour tous les autres qui ont apparemment tout ce qu’il leur faut pour vivre… Qu’est-ce qui nous rend heureux, profondément ? Qu’est-ce qui donne du poids de notre vie ? C’est quoi le sens de notre vie ? A l’inverse, pour reprendre l’expression de la fin de notre évangile, qu’est-ce qui nous fait souci, qu’est-ce qui nous prend la tête, qu’est-ce qui nous empêche d’envisager un bonheur possible et qu’il nous faut donc déposer au Seigneur ?
Pour répondre à tout cela, Jésus commence son enseignement tel que nous venons de l’entendre par quelque chose d’un peu décalé ; il commence par cette mise en opposition de Dieu et l’Argent – l’Argent avec un grand A, l’Argent qui est vu comme une idole. Nous ne pouvons pas servir – littéralement être esclaves de – deux maîtres à la fois nous dit Jésus ; c’est bien la question de savoir qu’est-ce qui va orienter notre vie, donner sens.
Nous voyons bien, par exemple, que la course au gain et au « toujours plus » ne nous rend finalement pas plus heureux, et notamment quand nous sommes malades ou dans l’épreuve du deuil ou dans une profonde solitude. Qu’est-ce qui peut nous rendre heureux ? Qu’est-ce qui peut donner du poids à cette vie que nous avons à traverser ?
Jésus nous parle dans la suite de l’évangile de ce jour de confiance. Plus exactement il nous invite à recevoir la vie comme un don. J’ai envie de dire que c’est peut-être facile quand apparemment on a tout ce qu’il nous faut ; et je me demande comment des personnes qui n’arrivent pas à boucler le mois ou qui n’arrive pas à entrevoir un peu d’espérance dans leur quotidien peuvent recevoir ces mots, en tout cas dans notre société. Je pense que spontanément et pour beaucoup de nos contemporains, en Occident, on s’en fout malheureusement de savoir que Dieu nourrit les oiseaux et que les lis des champs se portent bien ! Sauf que ces images elles veulent nous dire qu’il y a un chemin de bonheur à accueillir la vie qui est là, sans rechercher toujours je ne sais quoi… Ne cherchons pas un pseudo-bonheur dans des paradis inatteignables, mais apprenons à accueillir la vie dans ce qu’elle nous offre chaque jour de bon et de beau. Même dans la souffrance ou dans l’épreuve certains parmi nous sont témoins qu’il y a des petites choses toutes simples de la vie qui aident à avancer, à se relever, à pouvoir goûter quelques instants en un bonheur qu’on pensait perdu. Et sans doute qu’on a besoin les uns des autres pour nous aider à voir ce qui est du côté de la vie, jusque dans ce que nous avons à traverser… J’ai eu la chance d’apprendre cela grâce à de grands malades, quand j’étais aumônier d’hôpital, notamment en soins palliatifs et en cancérologie, au début de mon ministère. Dans leur souffrance, terrible pour certains, il y en a qui m’ont appris à voir la beauté des toutes petites choses et à apprendre à s’en émerveiller. C’était du côté de la vie qui est là, malgré tout…
Je reviens à notre texte… Jésus nous dit à la fin du passage d’évangile de ce soir/matin qu’il n’y a finalement qu’une seule chose à chercher : le Royaume et sa justice ; et que le reste nous sera donné, en plus. Chercher le Royaume et sa justice c’est chercher à accueillir et à faire grandir ce Royaume de Dieu que le Christ est venu instaurer et révéler. C’est mettre en pratique la Parole de Dieu dans son appel à aimer, dans son appel à devenir les uns pour les autres, entre nous et plus largement, des frères et des sœurs, fils et filles d’un même Père, son appel à décider de prendre soin les uns des autres. Concrètement cela nous oblige à vouloir construire un « monde » où il y ait plus de paix, plus de respect de l’autre dans ce qui fait sa dignité humaine, plus de tendresse et plus de présence à ceux qui souffrent.
Je le rappelle, le cœur de l’évangile c’est le double appel à aimer Dieu et à aimer son prochain comme soi-même. Alors allons-y ! Et pour cela n’oublions pas que ces deux appels sont liés et donc prenons le temps de nous tourner vers Celui qui veut pour nous le bonheur et la vie, le salut, Celui qui nous dira à la fin du discours sur la montagne : « Venez à moi vous tous qui peinez, je vous donnerai le repos ». Avec lui, nous pouvons vivre et avec lui nous pourrons témoigner en actes pour ceux qui nous entourent que la vie est possible, quoi qu’il arrive, avec lui et si nous en sommes responsables ensemble…
J’ose demander au Seigneur, aujourd’hui encore, qu’il nous donne vraiment d’entrer dans cette confiance et d’en devenir toujours plus témoins ; nous pouvons le lui demander maintenant et tout à l’heure quand nous avancerons pour recevoir cette présence mystérieuse du Christ dans son eucharistie ; nous pouvons le lui demander en osant vraiment lui déposer nos soucis, qu’il s’en charge et nous donne de voir et de goûter le bon et le beau de chaque jour.