Jésus s'inscrit dans l'histoire et les attentes d'un peuple
Formation « Les Essentiels de la foi » / Haut-Grésivaudan, 21 mars 2014
« Jésus s’inscrit dans l’histoire et les attentes d’un peuple »
Jésus n’arrive pas par hasard dans l’histoire des hommes. Jésus ne « débarque » pas de nulle part, par exemple pour fonder une nouvelle religion (ce qu'il ne fait pas, d'ailleurs). Jésus naît dans un peuple dont il partage la foi. Les textes de Dei Verbum que nous avons travaillés (DV 3-4 et 15-16) nous ont bien montré l’importance que l’Eglise accorde à l’histoire de ce peuple et à « l’Ancien/Premier Testament » qui témoigne de l’Alliance que Dieu a faite avec lui.
Je viens de dire que Jésus naît dans un peuple, un peuple qui a trois "caractéristiques" :
- un peuple qui n’est pas n’importe quel peuple puisqu’il est le peuple que Dieu s’est créé, donné, avec une mission particulière sur laquelle nous allons nous arrêter…
- un peuple qui va apprendre petit à petit à comprendre qui est Dieu, qui est ce Dieu qui l’appelle et l’accompagne, comment il l’appelle et l’accompagne, et ce qu’il attend de lui ;
- un peuple qui va faire l’expérience d’un Dieu qui parle et d’un Dieu sauveur, un Dieu aussi qui laisse libre mais qui ne cesse de vouloir se faire connaître de son peuple…
L’histoire de ce peuple, le peuple d’Israël, est marquée par plusieurs figures importantes, que nous connaissons sans doute et dont il était fait allusion en DV 1, et par un certain nombre d’évènements fondateurs. Fondateurs de son histoire et fondateurs de sa foi au Dieu de l’Alliance. Le challenge de ce topo est de balayer ensemble toute l'histoire de ce peuple, à grande vitesse, en la balisant justement à partir de ces figures et ces évènements fondateurs et en essayant de comprendre ainsi ce que DV 15 appelle la "pédagogie divine"...
La figure par excellence du peuple d’Israël c’est celle de Moïse. Moïse qui est comme une annonce de la figure de Jésus. Moïse qui guide le peuple, après une expérience spirituelle de type mystique (Ex 3), Moïse qui guide le peuple dans une expérience fondatrice de libération (Ex 14), Moïse qui va se faire continuellement l’intermédiaire, le médiateur, entre Dieu et son peuple, tout au long de la longue marche au désert jusqu'en Terre promise.
Mais juste avant que je m’arrête sur Moïse, je ne peux pas parler de ce peuple et de son histoire sans faire le détour par cette autre figure importante qu’est celle d’Abraham. C’est l’appel d’Abraham par Dieu, en Gn 12, et la promesse qui lui est faite qui sont comme le point de départ de cette aventure dans laquelle nous sommes embarqués nous aussi, d’Abraham à Moïse, de Moïse aux prophètes de l’Exil, des prophètes à Jésus et de Jésus jusqu’à aujourd’hui !
Qu’est-il arrivé à Abraham ? [Lecture de Gn 12,1-4.]
Un appel, une promesse, une mise en route. Où ? Dieu conduira ! Une aventure à vivre dans la confiance. Abraham est le premier des pèlerins. Israël sera un peuple de pèlerins. Jésus sera celui qui sans cesse marche en tous sens à la rencontre des uns et des autres, des petits et des pécheurs, des malades et de exclus. Jésus sera celui qui envoie ses disciples marcher à sa suite à la rencontre de ce monde.
Abraham était un homme apparemment comme les autres. Et comme d’autres, comme nous peut-être, il fait une expérience qu’on peut qualifier de spirituelle. Un appel. Un sorte de certitude de foi, de conviction profonde. Il entend une promesse qui va donner sens à sa vie. Et de façon un peu folle – osons-le dire –, il se lance dans l’aventure. Il obéit à cet appel. Dans cette confiance et cette promesse que Dieu va l’accompagner.
A partir d’Abraham et des étapes marquantes de son histoire, Dieu se crée un peuple. J’insiste : il ne choisit pas un peuple parmi d’autres, comme s’il y avait des préférences ou un choix possible, comme s’il y avait un peuple meilleur que d’autres. Non ; il se crée un peuple à partir de cette figure du croyant qu’est Abraham et à partir de son petit clan. Il se donne un peuple qui va recevoir une mission : devenir bénédiction, au nom de Dieu, pour les autres peuples. C’est la mission du peuple d’Israël, qu’on pourrait résumer ainsi : témoigner pour les nations de l’existence du Dieu Unique. Pas tant d’abord pour les convertir que pour en être signe. Témoigner qu’il y a bien un Dieu qui est là, un Dieu dont on va découvrir qu’il n’est pas un parmi d’autres, mais le Dieu créateur qui va devenir ou plutôt qui va se révéler comme le Dieu sauveur, un Dieu qui fait Alliance avec l’homme, un Dieu qui décide de faire route avec son peuple, un Dieu dont on finira par comprendre qu’il n’est pas le Dieu d’un peuple mais le Dieu qui veut sauver tous les hommes et qui avait besoin pour cela, pour se faire connaître, qu’un peuple le porte, qu’un peuple le vive déjà concrètement pour lui, qu’un peuple se fasse son porte-parole pour les nations, jusqu’à accueillir Celui qui va être le prophète par excellence, le Messie que Dieu promettra, la Parole même de Dieu, Jésus. Jésus le Fils même de Dieu.
Nous connaissons tous, je pense, l’histoire d’Abraham – plus ou moins –, je ne développe donc pas mais je vous en rappelle brièvement quelques étapes :
- le chêne de Mambré avec les mystérieux trois visiteurs qui annoncent une descendance à Abraham (pensez à la peinture d’Arcabas dans l’Eglise de Pontcharra) ;
- Abraham qui avait essayé déjà d’avoir cette descendance jusqu’à accepter la proposition de Sarah, sa femme, stérile, d’engendrer Ismaël avec sa servante Agar ;
- Abraham et Sarah qui mettent finalement au monde Isaac qu’Abraham va croire devoir offrir en sacrifice pour plaire à Dieu (Gn 22) et qui va par là découvrir que Dieu ne veut pas la mort de celui qu’il aime et qu’il a promis mais veut juste qu’on lui offre notre vie, qu’on lui fasse place dans notre vie – c’est ça l’Alliance, c’est accepter que Dieu soit et devienne notre partenaire, et réciproquement.
Isaac va devenir le père de Jacob et Esaü, Jacob qui devient à son tour le père de 12 enfants, 12 comme ce qui deviendra les 12 tribus d’Israël, 12 tribus comme les 12 apôtres dont Jésus s’entourera pour dire la totalité du peuple qui est appelé à le suivre et à découvrir avec lui le visage du Dieu unique qui veut sauver tous les hommes.
C’est là qu’arrive Moïse, après un exil de la famille de Jacob (qui s’appelle aussi Israël après son combat avec l’ange). C’est en Egypte que naît et grandit Moïse, membre d’un peuple opprimé et réduit en esclavage. Dieu aurait-il abandonné son peuple à la force puissante de Pharaon ? Mais que fait Dieu alors que son peuple souffre et n’en peut plus ?
En Ex 3, Moïse qui a été sauvé de la mise à mort demandée par Pharaon quant aux enfants du peuple d’Israël et qui a ensuite grandit à la cour de Pharaon, Moïse qui a vu la violence qui gronde et qui se répand jusque dans le peuple, Moïse qui part se réfugier ailleurs, Moïse fait alors une expérience spirituelle étonnante. C’est l’épisode du Buisson ardent. Qu’est-ce que Moïse connaît de Dieu et même de la foi de son peuple, on ne sait pas trop. Son beau-père est grand-prêtre de Madiane et donc Moïse a sans doute entendu des choses de ce qu’on pourrait appeler de la spiritualité. L’épisode du Buisson ardent, c’est la réponse, par l’expérience de Moïse, de Dieu qui entend le cri de son peuple et qui va faire quelque chose ; Ex 2,23-25 : « Du fond de leur esclavage, les fils d’Israël gémirent et crièrent. Du fond de leur esclavage, leur appel monta vers Dieu. Dieu entendit leur plainte ; Dieu se souvint de son alliance avec Abraham, Isaac et Jacob. Dieu regarda les fils d’Israël, et Dieu les reconnut ».
Moïse est envoyé par Dieu pour libérer son peuple. Dieu lui dit (Ex3,7-8a.9-10) : « J’ai vu, oui, j’ai vu la misère de mon peuple qui est en Egypte, et j’ai entendu ses cris sous les coups des surveillants. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Egyptiens et le faire monter de ce pays vers un beau et vaste pays (…). Maintenant, le cri des fils d’Israël est parvenu jusqu’à moi, et j’ai vu l’oppression que leur font subir les Egyptiens. Maintenant, donc, va ! Je t’envoie chez Pharaon : tu feras sortir d’Egypte mon peuple, les fils d’Israël. »
Et Moïse y va, après quelques hésitations et quelques démonstration par Dieu de sa puissance au moins aussi forte que celle de Pharaon (les plaies qui sont comme des signes que la mort gagne le pays d’Egypte qui s’obstine contre Dieu, les fils 1ers nés d’Egypte qui meurent comme Pharaon avait décidé la mise à mort, lui, de tous les enfants d’Israël, pas que les aînés).
C’est là qu’arrive cet épisode capital et fondateur de la foi juive et, par extension, de notre histoire sainte. C’est tellement fondateur et fondamental que les juifs en font le récit chaque année pour la fête de Pâque et que nous, chrétiens, nous en faisons aussi le récit chaque nuit du samedi saint, au cours de la Vigile pascale : c’est l’épisode du passage de la mer Rouge, en Ex 14. [Lecture d’Ex 14.]
Ce qui m’intéresse dans ce texte, outre le fait de savoir ce qui s’est réellement passé, historiquement et en terme de volonté claire et nette de Dieu (les auteurs du textes ont sans doute cette compréhension de Dieu que tout événement de notre vie vient de Dieu lui-même donc la mort des Egyptiens aussi), ce qui m’intéresse, donc, c’est l’expérience qu’a faite le peuple d’Israël et qu’il se transmet : Dieu a promis qu’il libèrerait son peuple d’Egypte, promesse faite à Moïse comme une mission qui lui est confiée, et le peuple fait l’expérience que Dieu l’a libéré de l’esclavage et de l’oppression en Egypte, par la main de Moïse qui n’est qu’un intermédiaire, un médiateur, entre Dieu et son peuple. Le peuple fait aussi cette expérience que Dieu l’a sauvé, concrètement, de la mort, et que Dieu est puissant. Puissant par sa promesse, puissant dans ses actes, puissant comme force de vie pour qui le suit et croit en lui. C’est ça l’expérience du peuple. Les égyptiens, eux, ils étaient du côté de la mort et de la violence, du côté de la foi en eux-mêmes ; ils en meurent ; les eaux les emportent. Voilà ce qu’il faut entendre. C’est l’expérience mise en mots par le peuple et ainsi racontée d’un Dieu qui a tenu parole, d’un Dieu qui a promis la vie à son peuple et qui lui donne de rester en vie, un Dieu qui aime et sauve son peuple. Un Dieu qui fait passer de l’esclavage à la liberté, de la mort à la vie.
Sauf que tout reste à comprendre de qui est ce Dieu. Et tout reste à accueillir de sa promesse. C’est l’expérience longue et difficile de la traversée du désert, jusqu’en terre promise. Et le peuple qui a vécu une expérience fondatrice et puissante, presque de l’ordre du miracle et de l’extraordinaire, le peuple d’Israël va douter, et récriminer. Et plusieurs fois il va se tourner vers moïse qui fera monter vers Dieu pour dire : « C’était mieux avant… On avait à manger… Pourquoi sommes-nous là ? Que fais Dieu s’il existe ? Etc. » C’est dans ce contexte là qu’interviennent plusieurs épisodes que je trouve importants dont celui, par exemple, du don de la manne, en Ex 16. [Lecture d’Ex 16,1-18.]
Dieu va donner à son peuple ce dont il a besoin, chaque jour, mais pas plus. Juste comme un signe qu’il est bien là et qu’il n’abandonne pas son peuple, même si sa présence ne se dit pas par des miracles fréquents ou récurrents…
En Ex 17, le peuple va récriminer à nouveau, parce qu’il a soif, et Dieu va répondre à nouveau, par l’intermédiaire de Moïse… C’est comme si le peuple n’arrivait pas à garder confiance… Et Dieu doit donner des signes de sa présence… Parce que Dieu veut prendre soin de son peuple et le guider jusqu’en Terre promise…
Et toute la suite de la traversée du désert et faite de dialogues entre Dieu et Moïse et entre Moïse et le peuple, par exemple en Ex 20 avec le don de la Loi (ce qu’on appelle couramment les 10 commandements)… Et petit à petit le peuple va ainsi s’organiser… Mais le peuple va continuer à récriminer, ce qui va même provoquer, parfois, la colère de Dieu (par exemple en Nb 11, avec l’épisode des cailles que Dieu donne au peuple qui exige de la viande).
Je retiens de tout cela que le peuple apprend à découvrir un Dieu qui est là, qui prend soin de lui, qui ne l’abandonne pas, malgré son silence apparent ou ses absences apparentes. Mais je retiens aussi que le peuple oublie vite ce que Dieu a déjà fait pour lui. Ce sera l’expérience continuelle du peuple, tout au long de son histoire. Et c’est pour cela que souvent des prophètes vont se lever, au nom de Dieu, pour redire sa présence et rappeler ce qu’il attend du peuple et de chacun.
L’expérience cruciale de cela, c’est celle de l’Exil. Le peuple arrivé en Terre promise a construit le Temple qui est le lieu de la présence de Dieu, Dieu qui est au milieu de son peuple ; le peuple a aussi obtenu de Dieu qu’il ait le droit à avoir un roi, comme tous les peuples. Dieu l’aura prévenu des risques que ce roi prenne goût au pouvoir et même à quelques conquêtes, et que du coup le roi exploite le peuple lui-même, mais vu que le peuple veut son roi et y tient, Dieu fait le choix de lui donner son roi et de laisser le peuple faire ses expériences. C’est dans ce contexte là que le peuple va être battu et réduit en Exil. Loin du Temple. Donc loin de la présence de Dieu. Et là, de nouveau, cette question : mais que fait Dieu ? A-t-il laissé tomber son peuple ? Pourquoi s’est-il éloigné ? Et là, les prophètes vont permettre au peuple de comprendre, petit à petit, que Dieu ne s’est pas éloigné ; c’est le peuple qui s’est éloigné de Dieu. Que Dieu le laisse juste faire ses choix. Et que ses mauvais choix sont des chemins de morts… Dieu laisse faire… Dieu n’enferme pas son peuple dans une tour d’ivoire…
C’est perturbant pour le peuple, le peuple qui croit que tout ce qui lui arrive lui vient de Dieu, de la volonté de Dieu. Et on va parfois raconter les choses en donnant à croire que Dieu punit son peuple. J’entends alors : Dieu laisse le peuple faire ses choix. Le peuple se « punit » lui-même. Dieu nous laisse libre.
C’est en tout cas au milieu de cette épreuve de l’Exil, et au milieu des épreuves auxquelles est affronté le peuple d’Israël qu’est annoncé par les prophètes la venue et la promesse d’un Messie. L’envoyé même de Dieu qui libèrera le peuple de tout ce qui l’opprime et entrave sa vie. Certains récits dits "apocalyptiques" (du dévoilement) parleront de la figure du "Fils de l'Homme"...
Nous croyons que Jésus est ce Messie annoncé et attendu. En cela il accomplit les Ecritures. Les évangiles vont d’ailleurs être construits comme une réponse aux appels des prophètes. Isaïe comme Jérémie sont notamment les prophètes qui décrivent bien cette attente messianique. On entend des textes d’Isaïe, chaque année pour l’Avent, en préparation aux fêtes de Noël et aux célébrations de la venue de Jésus, sa venue comme accomplissement des promesses et donc comme accomplissement de l’attente du Messie qui vient ouvrir le peuple d’Israël au renouvellement de l’Alliance et qui vient même ouvrir et élargir cette Alliance aux nations. Ezéchiel est cet autre prophète qui va annoncer concrètement cet élargissement de l’Alliance et même un Alliance nouvelle : « Je mettrai en vous un esprit nouveau, je changerai vos cœurs de pierre en cœurs de chair », etc. Je vous rappelle que le peuple d’Israël est ce peuple créé par Dieu qui a reçu la mission d’être témoin auprès des nations de l’existence d’un Dieu Unique, un Dieu sauveur. Je vous rappelle aussi, on l’a vu très vite avec la traversée du désert, qu’Israël est un peuple à la nuque raide, un peuple qui a besoin de faire l’expérience qu’il faut se convertir pour vivre l’Alliance, c’est-à-dire pour vivre en amitié et en compagnonnage avec le Seigneur Dieu et pour rester fidèle à ce qu’il a déjà fait et à ce qu’il promet.
S’il nous fallait un texte pour illustrer cette attente messianique annoncée par les prophètes et réalisée par Jésus, on pourrait lire ce qui arrive à Jésus en Lc 4, à la synagogue de Capharnaüm. [Lecture de Lc 4,14-22.]
Que retenir de tout ce parcours, un peu rapide et du coup un peu dense peut-être pour certains ?
Tout d’abord, comme je le disais au début de mon propos, que Jésus n’arrive pas par hasard. Avant lui ce sont levés de nombreux prophètes par lesquels Dieu s’est révélé progressivement, des prophètes grâce auxquels Dieu a permis que soit affiné progressivement son visage, des prophètes qui vont permettre au peuple de comprendre petit à petit qu’il y a un Dieu qui est là à ses côtés, que ce Dieu est le Dieu unique, que ce Dieu aime et sauve son peuple, que ce Dieu n’abandonne pas son peuple même s’il le laisse toujours libre, que ce Dieu parle à son peuple et lui adresse des appels pour une vie juste et belle, que ce Dieu veut même rejoindre son peuple pour le libérer, le sauver, de ce qui l’empêche de vivre et de trouver son chemin de bonheur, Dieu qui va même se faire l’un de son peuple pour se révéler totalement, définitivement, pleinement, et lui dire en direct qui il est, comment il est présent, et ce qu’il attend de chacun pour vivre pleinement la mission qui a été confiée d’être témoin pour les nations de ce Dieu sauveur qui voudrait sauver tous les hommes, ce Dieu qui a eu besoin de se créer un peuple auquel il s’est révélé pour que ce peuple puisse l’accueillir pleinement et s’ouvrir aux dimensions du monde.
Voilà ce que je retiens de l’histoire de ce peuple dans lequel Jésus vient naître et se révéler petit à petit. Jésus qui est comme l’achèvement de cette histoire, Jésus qui en est la visée – si je puis dire – l’accomplissement, Jésus qui vient incarner les attentes du peuple et les promesses de Dieu. Jésus qui accomplit les Ecritures.
Je retiens aussi de Dieu qu’il veut sauver son peuple, qu’il lui est présent, mais que jamais il ne s’impose. Un Dieu qui laisse libre, sans doute avec tristesse parfois face à la raideur des cœurs et nos lenteurs à comprendre ou à vivre ce qui est proposé comme chemin de bonheur et de justice. Mais un Dieu qui reste fidèle, qui tente de se manifester et de se rappeler au souvenir du peuple. C’est toute l’expérience des prophètes. Un Dieu qui par eux vient parfois réveiller et bousculer le peuple de ses endormissements pour lui rappeler sa présence à ses côtés et sa mission.
J’aime par exemple – un certain nombre d’entre vous le savent – ce verset du prophète Michée qui dit en quelques mots ce que Jésus ne va pas cesser de montrer et de redire concrètement par toute sa vie et sa prédication en actes : « Ce que le Seigneur attend de toi, homme, c’est que tu pratiques la justice, que tu aimes avec bonté, et que tu marches humblement avec le Seigneur ton Dieu » (Mi 6,8). Aimer chacun et aimer Dieu, dira Jésus, en paroles et en actes. Aimer chacun quel qu’il soit, quelle que soit son histoire, quelles que soient ses croyances, quel que soit le mal qu’il ait pu faire. Aimer comme Dieu aime, dans un regard qui ne tue pas mais qui ose une confiance. Renvoyer chacun, certes, à ses responsabilités et à sa liberté, mais sans jamais enfermer l’autre dans un jugement qui serait condamnation, toujours lui permettre de vivre de ce jugement qui est plutôt une mise en lumière de ce qui fait sa vie, ses choix, mais ce qui est aussi de l’ordre de l’amour de Dieu pour lui et pour chacun.
C’est ce que Jésus vient révéler pleinement. C’est ce que les Ecritures annonçaient déjà de Dieu, petit à petit, dans un dévoilement progressif de qui il est. C’est ce que Jésus vient accomplir pleinement dans sa prédication et dans l’envoi qu’il nous fait de vivre à sa suite le Royaume de Dieu, ce Royaume qu’il est venu instaurer, ce Royaume qui est donc déjà là, qui est germe, qui nous est confié et qu’il nous invite à faire advenir, très concrètement, par notre vie de tous les jours, à l’écoute de sa Parole et en sa présence.