Homélie dimanche 3 août 2014

18ème dim. du Temps ordinaire / Année A

Maubec

Is 55,1-3 / Ps 144 (145) / Rm 8,35.37-39 / Mt 14,13-21

Je suis impressionné par ce que nous avons entendu de St Paul, en deuxième lecture, impressionné par sa foi. Rien ni personne ne pourra, nous dit-il, nous séparer de l’amour du Christ.

Spontanément ça m’a laissé songeur… J’ai pensé aux chrétiens d’Irak, de Syrie et de Terre Sainte, et je me suis demandé comment en ce moment ils peuvent entendre ces mots de Paul et comment ils les vivent concrètement… Je ne sais pas trop ce que je ferai à leur place… En tout cas, ils ont la foi chevillée au corps et au cœur, nourrie de l’eucharistie et sans doute de la prière ; et visiblement de telles paroles de Paul sont plutôt comme une force pour eux, des paroles d’espérance et de vie, comme si Paul leur disait à eux, ce matin : quoi qu’il arrive, même au cœur de ces persécutions terribles que vous viviez, l’amour de Dieu qui a été répandu dans vos cœurs reste votre force ; malgré ce que vous vivez, le Christ est là, rien ne peut vous séparer de son amour. Rien, pas même la mort.

Je trouve que ces mots prennent un sacré poids ces jours-ci… D’autant que Paul sait très bien de quoi il parle. Car son époque était marquée elle aussi par des vagues de persécutions. Et Paul le sait bien, lui qui s’appelait alors Saul et qui mettait à mort les chrétiens – c’était juste avant sa conversion sur le chemin de Damas – ; lui qui a été « saisi par le Christ », pour reprendre ses mots ; lui qui a fait l’expérience que c’est dans la faiblesse qu’il est fort car Christ demeure en lui, Christ est sa force, son moteur de vie. Paul a vécu ce qu’il nous dit ce matin, c’était pour lui comme une conviction de foi et de vie, une espérance concrète qui l’a guidé.

Je trouve donc que ces mots ont vraiment du poids… Ceci dit, ces mots ils nous concernent nous aussi, nous aussi qui ne sommes pas persécutés et qui pouvons vivre notre foi dans des conditions plus faciles et moins radicales ! Mais là aussi ça me laisse songeur… Est-ce que nous arrivons vraiment à les dire pour nous-mêmes ? Je dis cela car il me semble – mais peut-être que je me trompe – que notre foi n’est pas toujours très incarnée. Nous nous trouvons bien souvent mille et une raisons de ne pas pratiquer – des raisons qui peuvent nous être extérieures, comme le fait que la messe ne soit pas dans notre village ou pas à l’heure que nous aimerions, ou des raisons plus intérieures, plus intimes, comme le fait que Dieu n’aurait pas exaucé nos prières ou le fait qu’une maladie nous tombe dessus et que Dieu laisse faire, etc.

La question que ça m’a posé en lisant ces mots de Paul, la question que ça m’a posé pour nous, c’est celle de savoir qui est le Christ pour nous, concrètement, et qui est Dieu. Plus précisément, c’est la question de savoir si nous avons fait une expérience de l’ordre d’une rencontre de Dieu ou si Dieu reste une hypothèse, une idée, un objet de croyance, mais pas forcément quelqu’un… La réponse à cette question dépend beaucoup de nos itinéraires personnels, et aucun ne vaut mieux qu’un autre. Certains d’entre nous sont tombés dans la foi chrétienne quand ils étaient petits et ne se sont pas posés de questions, ça faisait sens pour eux, ils sont toujours là. D’autres parmi nous sont restés pratiquants parce que leur motivation c’était de faire vivre leur clocher. D’autres sont profondément croyants mais pour tout un tas de raisons ne viennent plus dans nos communautés. D’autres encore ont eu dans leur vie des évènements et des rencontres qui sont vraiment de l’ordre d’une rencontre avec Dieu ou avec le Christ, peut-être même une expérience de salut, et ça les a changés…

Où que nous en soyons sur nos chemins de foi, quels moyens nous donner pour que Jésus soit bien quelqu’un dans ma vie, même si nos yeux ne le voient pas, quelqu’un qui est bien là – même si je le crois juste parce qu’on me le dit –, quelqu’un dont rien ni personne ne pourra nous séparer ? Ma conviction profonde et première c’est que notre monde manque de silence pour que nous puissions nous laisser saisir par Dieu. C’est dans le silence et la prière que nous allons pouvoir déposer notre vie à Celui en qui nous croyons ou en qui nous voulons croire, c’est dans le silence que nous allons entendre toutes les questions de vie qui bouillonnent en nous, c’est dans le silence et la prière que nous pourrons laisser résonner la Parole de Dieu que nous entendons à la messe ou que nous aurons partagée dans une Fraternité locale et qu’elle viendra trouver écho en nous ; c’est là que nous allons découvrir alors qu’il y a bien quelqu’un, quelqu’un qui est là.

Je suis frappé par certaines personnes qui vivent une expérience de conversion alors qu’elles sont prises avec violence par la maladie et les longues heures d’attente avec soi-même et de questionnement. C’est, pour beaucoup d’entre elles, la première fois que stoppe la frénésie du quotidien, dans un monde où on passe son temps à être rempli et saturé de bruit et d’activités. Tout simplement elles sont confrontées à la finitude de la vie et au fait que personne n’est tout-puissant, et elles sont confrontées alors à la question du sens de la vie et à tous ces désirs de vie qui bouillonnent en chacun de nous mais que bien souvent nous n’entendons pas parce que nos vies sont trop pleines et que nous ne sommes plus habitués à faire place au silence…

Je suis frappé aussi du fait que des personnes pratiquantes et croyantes mais aussi des personnes qui ne l’étaient pas à priori vivent une expérience similaire de type conversion lors de quelques jours de retraite dans un monastère ou alors au gré des heures de marche au cours d’un pèlerinage…

Tout cela ce sont des exemples un peu rapides mais c’est pour qu’on se demande ce matin ce qu’il en est pour nous de notre attachement à Dieu et à Jésus… Des exemples pour que nous laissions résonner pour nous ces mots de Paul qui affirme, je le redis, que rien ni personne ne pourra nous séparer de l’amour du Christ… Comment est-ce que ces mots résonnent pour nous, aujourd’hui et concrètement ?

Je vous laisse méditer en silence avant que nous entrions dans le temps de l’eucharistie dont il était question pour une part dans l’évangile de ce matin, ce mystère de l’eucharistie qui est ce cadeau précieux que Dieu nous fait pour que notre attachement à Jésus grandisse et se nourrisse de sa présence, qu’il soit notre force.

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