Le CECEF encourage les jeunes théologiens
Cet article est paru dans la revue Unité des chrétiens d'octobre 2014.
Alors que sera décerné dans quelques semaine le prochain prix du CECEF (Conseil d'Eglises Chrétiennes en France) pour un travail de recherche universitaire ayant trait à la question œcuménique, il m’est proposé, comme 1er lauréat de ce prix – en décembre 2013 – de vous partager quelques réflexions sur mes recherches et sur leur impact pour ma mission aujourd’hui, comme jeune prêtre.
Pour répondre à cette demande, il me faut tout d’abord me présenter brièvement. Je fais partie de ce qu’on appelle encore les « jeunes prêtres » puisque je vais sur mes 36 ans et que j’ai été ordonné il y a un peu plus de neuf ans maintenant. Je suis actuellement curé d’une paroisse du Nord-Isère, dans mon diocèse de Grenoble-Vienne, en région Rhône-Alpes, la paroisse St François d’Assise qui comprend la ville de Bourgoin-Jallieu et une bonne vingtaine de communes environnantes.
Le diocèse de Grenoble-Vienne vit beaucoup de relations avec beaucoup d’Eglises chrétiennes, que ce soit dans le bassin grenoblois où j’ai exercé mon ministère pendant huit ans, que ce soit dans le Viennois où j’ai grandis ou que ce soit dans le Nord-Isère. En effet, un certain nombre d’Eglises orientales et orthodoxes et beaucoup d’Eglises issues de la Réforme sont présentes dans le département de l’Isère.
Au cours de mes années de séminaire, après avoir été bouleversé par l’expérience de Taizé et avoir décidé de donner ma vie au Christ et à l’Eglise, j’ai eu la chance, dans le cadre de ma maîtrise à la Catho de Lyon, de partir un semestre à Genève, à la faculté de théologie protestante. Puis tout jeune prêtre, mon évêque actuel Mgr Guy de Kerimel m’a envoyé me former à l’ISEO tout en intégrant le service diocésain à l’œcuménisme. C’est là que j’ai préparé le Certificat d’Etudes Œcuméniques puis que j’ai achevé mon master de recherche primé ensuite par le CECEF à l’occasion de ses 25 ans.
Quel sujet choisir alors ? Connaissant plutôt mieux le protestantisme que le monde orthodoxe, j’ai choisi cette seconde option de travail, pour m’obliger à creuser et approfondir. La question qui m’habite souvent, comme catholique étant celle d’une juste place du pape, j’ai choisi de me pencher sur la tension entre primauté et collégialité. Vaste sujet où j’ai régulièrement croisé la notion de patriarcats et notamment celle de patriarcat d’Occident. L’actualité ecclésiale d’alors me poussa à me pencher sur la suppression de ce titre par Benoît XVI et à aller voir de près la mise en place de ces patriarcats au cours des premiers siècles, ce qu’ils « disaient » de l’ecclésiologie du 1er millénaire et ce que celle-ci – si j’ose parler un peu rapidement au singulier – a donné, en Occident comme en Orient, suite au schisme de 1054, au gré des évènements géopolitiques et ecclésiaux du deuxième millénaire, de part et d’autre.
Ce travail m’a permis de mieux comprendre l’histoire ecclésiologique de ma propre tradition et d’entendre le réel de l’ecclésiologie orthodoxe, de les discuter et d’envisager quelques pistes que la suppression de ce titre par Benoit XVI pourrait permettre pour le mouvement œcuménique.
Vaste sujet il est vrai. Mais passionnant.
Ce prix reçu – qui devrait donner naissance d’ici quelques jours ou semaines à une publication chez DDB postfacée par Mgr Emmanuel, métropolite grec-orthodoxe de France – n’a pas changé fondamentalement mon positionnement institutionnel ni mon ministère ; il est la reconnaissance et la confirmation – au-delà du travail effectué – de l’importance de la question, comme le disait déjà en son temps le pape Jean-Paul II dans son encyclique Ut unum sint de 1995, et de son actualité, comme nous l’a rappelé avec force la récente rencontre à Jérusalem du pape François avec le patriarche œcuménique Bartholoméos Ier. Ce prix m’a par contre ouvert des portes œcuméniques puisque j’ai ensuite intégré un comité mixte de dialogue en France – en l’occurrence celui avec les anglicans où une place se libérait et avec lesquels les questions ecclésiologiques qui m’intéressent sont elles aussi au cœur des débats. Autre ouverture, celle de l’enseignement puisque je suis depuis septembre dernier professeur au Centre théologique de Meylan-Grenoble, nommé pour une part de ma mission par mon évêque.
La question de la rencontre de l’autre dans sa différence et dans ses richesses propres me passionne et l’œcuménisme est plus que jamais pour moi une question vitale pour nos Eglises souvent refermées sur leurs problèmes institutionnels alors que la mission nous appelle, nous engage et devrait nous pousser à vouloir nous reconnaître comme frères et sœurs en Jésus Christ, dans nos spécificités propres, à l’écoute de ce que chacun peut offrir à l’autre comme don qui lui est propre. L’Eglise du Christ n’en serait qu’enrichie, réellement. Disant cela il ne s’agit nullement pour moi de gommer les différences voire les divergences ni de nier tout le travail de réconciliation des mémoires et de nos histoires qu’il nous reste à faire. Vivre des chemins de réconciliation, nous le savons, c’est regarder avec lucidité les fautes et les blessures, non pas pour s’y enfermer mais pour entendre vraiment ce que l’autre a vécu et traversé, ce que chacun a porté aussi, pour envisager alors et ensemble un chemin commun.
Cinquante ans après le décret sur l’œcuménisme au concile Vatican II, je ne peux que rendre grâce des avancées déjà réalisées et prier pour que chacun à notre mesure nous œuvrions pour que d’autres avancées soient possibles en vue d’une réelle reconnaissance de ce qui nous est commun et de ce que nous pouvons vivre ensemble, et en vue d’envisager un jour une pleine communion, dans une diversité réconciliée.