Quel pape pour les chrétiens ?

 

Grande joie ce soir en revenant de la Poste où un colis m'attendait depuis mercredi... Mes exemplaires de mon livre sont là ! Emotion d'ouvrir le paquet et de les voir !

Certes, il faudra patienter encore quelques jours pour que ce soit disponible en librairie, le 31 décembre prochain. Mais pour moi la joie est déjà là !

Le sous-titre précise le contenu du livre : Papauté et collégialité en dialogue avec l'orthodoxie. Et la préface de Mgr Ricard (cardinal-archevêque de Bordeaux mais aussi membre de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et du Conseil Pontifical pour la promotion de l'unité des chrétiens) comme la postface de Mgr Emmanuel (métropolite grec-orthodoxe de France, notamment co-président du Conseil d'Eglises Chrétiennes en France, président de l'Assemblée des évêques orthodoxes de France, co-président orthodoxe de la Commission internationale de dialogue entre l'Eglise orthodoxe et les Eglises d'Orient) en disent plus long et donnent déjà à comprendre les enjeux de ce que j'essaye de partager dans ces pages (c'est édité chez DDB, collection Théologie à l'Université, la collection du Théologicum de l'Institut catholique de Paris, sa faculté de théologie ; 183 pages, 19 €).

Comme un avant goût, ce jour, je vous partage la préface de Mgr Ricard. D'ici quelques jours, je vous partagerai la postface de Mgr Emmanuel qui revêt pour moi une importance particulière (notamment parce que c'est lui qui m'avais remis le prix reçu en décembre 2012 à l'occasion des 25 ans du CECEF, le Conseil d'Eglises chrétiennes en France).

Voici donc la préface de Mgr Ricard que je remercie pour ces lignes :

"En mars 2006, l’Annuaire Pontifical ne faisait plus figurer dans la titulature du pape le titre de « patriarche d’Occident ». La suppression de ce titre est alors passée largement inaperçue au sein de l’opinion catholique. N’allait-elle pas d’ailleurs de soi pour beaucoup ? Ce titre était fort peu usité et paraissait même inutile, dans la mesure où l’affirmation de la primauté de l’évêque de Rome sur l’Eglise universelle semblait rendre caduque celle de patriarche d’Occident. Les réactions venant de l’orthodoxie ne se firent pas attendre, en particulier celle de l’évêque Hilarion, montrant que les choses n’étaient pas si simples et qu’à travers la suppression de ce titre se posait la question du mode d’exercice de l’autorité de l’évêque de Rome sur l’Eglise.

C’est le grand mérite du Père Christophe Delaigue de se saisir de cette question et d’en déployer toutes les incidences. Dans une magistrale étude historique, scripturaire et théologique, il nous conduit au cœur d’une des préoccupations œcuméniques d’aujourd’hui : comment envisager un ministère de communion et d’unité au sein de l’Eglise universelle ? C’est une façon de répondre à l’invitation que le pape Jean-Paul II adressait, dans l’encyclique Ut unum sint, aux responsables ecclésiaux et à leurs théologiens à chercher quelle forme d’exercice doit adopter aujourd’hui le ministère de primauté de l’évêque de Rome, une primauté « ouverte à une situation nouvelle, mais sans renoncement aucun à l’essentiel de sa mission » (n. 95).

Ce titre de « patriarche d’Occident » est sans doute désuet. Il avait pourtant l’avantage de nous rappeler que l’autorité du pape ne s’exerce pas de manière uniforme. Patriarche d’Occident, le pape sait qu’il n’exerce pas le même degré d’autorité partout, ce qui ne l’empêche pas d’être pape où qu’il soit et quoi qu’il fasse. Il faut, en effet, distinguer l’autorité du pape comme évêque de Rome dans son propre diocèse, celle du pape comme métropolite d’Italie, celle du pape comme patriarche d’Occident, c’est-à-dire sur l’Eglise latine, et celle du pape au sein de la communion des Eglises. En effet, si on regarde les Eglises orientales catholiques, on perçoit fort clairement que le pape n’intervient pas aussi directement dans leur vie interne que dans l’Eglise latine. En particulier, les Eglises patriarcales catholiques jouissent d’une certaine autonomie de fonctionnement. Distinguer ainsi ces différents modes d’exercice de l’autorité du pape pourrait contribuer à lever un certain nombre de critiques ou d’appréhensions dans le dialogue œcuménique, en particulier avec les Eglises orthodoxes et les anciennes Eglises orientales.

Le Père Christophe Delaigue pousse pourtant plus loin la réflexion. Il s’interroge sur l’exercice de l’autorité du pape dans l’Eglise latine elle-même. Reprenant une suggestion que le Père Joseph Ratzinger avait faite en 1971 dans son livre sur Le nouveau peuple de Dieu, il se demande si la suppression du titre de « patriarche d’occident » n’ouvrirait pas la porte à la création de nouveaux patriarcats au sein de l’Eglise latine, et ceci tout en sauvegardant l’autorité primatiale du pape pour la communion entre les Eglises. Le Père Christophe Delaigue écrit : « N’est-ce pas envisager que l’actuel patriarcat d’Occident - c’est-à-dire l’Eglise d’Occident aujourd’hui répandue dans le monde entier – puisse se scinder en plusieurs patriarcats ou Eglises régionales ? On pourrait ainsi avoir une Eglise latine d’Europe occidentale, une Eglise latine d’Amérique latine, une Eglise latine d’Afrique, etc. Il y aurait alors une communion d’Eglises latines, comme il y a des Eglises orthodoxes, appelées à vivre en communion les unes avec les autres et avec les autres Eglises. Envisager ainsi les choses permettrait d’honorer l’histoire « catholique » ou « latine » de ces Eglises régionales tout en les laissant accéder à une autonomie de rite et de discipline. ». On pourra discuter cette suggestion avancée par le Père Delaigue. Lui-même dit d’ailleurs que « ces questions d’avenir ne sont que des hypothèses ». Mais elles rejoignent une des préoccupations majeures du Collège des cardinaux lors de la préparation du dernier conclave : comment mieux articuler dans l’Eglise primauté et collégialité, autorité de l’évêque de Rome au sein de l’Eglise universelle et responsabilité des Eglises particulières. Le pape François a fort bien perçu cet enjeu et la façon dont il aborde la question de la réforme de la Curie romaine montre qu’il compte davantage tenir compte de représentations continentales des différentes Eglises particulières. C’est dire toute l’actualité et l’apport du travail du Père Christophe Delaigue. Chacun trouvera largement dans son ouvrage informations et matière à réflexion. On comprend que le Conseil d’Eglises chrétiennes en France lui ait décerné en 2012 son Prix pour un travail de recherche universitaire."

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