Homélie dim. 6 nov. 2016

32ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C

Cathédrale St Maurice de Vienne (20 ans d’ordination diaconale de mon père)

2Ma 7,1-2.9-14 / Ps 16 (17) / 2Th 2,16 – 3,5 / Lc 20,27-38

Quand j’entends cette page d’Evangile, j’ai deux choses spontanées qui me viennent : d’abord je m’écris intérieurement « Pauvre femme », ainsi traitée presque comme un objet par cette Loi que les sadducéens rappellent à Jésus. Et… « Pauvre 7ème mari »… Je me dis qu’il a dû trembler en voyant son dernier frère avant lui mourir à son tour ! Il a dû se dire : « Mince, je vais y passer aussi ! »

Blague à part, quelle drôle d’histoire quand même ! Vous aurez compris, je pense, que ce piège que tendent les sadducéens c’est bien un piège ! Cette histoire un peu tordue est évidemment une espèce de caricature, une sorte de cas d’école improbable, même si la Loi semble le permettre. Et le but est bien que Jésus tombe dans un piège, celui de tenter de justifier la stupidité de cette histoire. Le but des sadducéens c’est de nous faire dire que la résurrection c’est n’importe quoi. Et le risque est grand, je crois, que nous tombions dans le piège en nous arrêtant à cette question qui est posée à Jésus plutôt que d’entendre le décalage de sa réponse.

L’enjeu du débat entre les sadducéens et Jésus c’est la question de la résurrection et c’est même celle de la plénitude de la vie – que nous indique le chiffre 7 des 7 maris de l’évangile ou des 7 frères de la 1ère lecture –, c’est la question de ce qui va donner sens à notre vie et l’orienter. Ça n’est pas tant celles de savoir comment ça va se passer, la résurrection, comment est-ce que nous allons nous reconnaître, qu’est-ce que nous ferons, et je ne sais quoi encore…

Les sadducéens, nous a dit l’évangile, c’est ce courant religieux qui ne croit pas en la résurrection. Vous aurez peut-être remarqué que Jésus balaye cette question en affirmant que Moïse y faisait déjà allusion, comme une sorte d’évidence. En vérité, c’est formalisé assez tard dans l’histoire de la foi d’Israël, c’est à l’époque des martyrs d’Israël, environ un siècle avant la naissance de Jésus, l’époque dont il était question dans la 1ère lecture tout à l’heure. Le constat est tout simple : si des croyants sont prêts à donner leur vie pour Dieu et au nom de Dieu, alors Dieu ne les oubliera pas ; alors Dieu qui est le Dieu de la vie, le Dieu non pas des morts mais des vivants, Dieu qui est forcément « quelque part » – mettez des guillemets – les prendra avec lui, auprès de lui. C’est une espérance qui devient avec Jésus une promesse et même un appel.

La résurrection c’est un « mystère », qui est livré à notre foi, c’est une invitation à la confiance, et c’est en tout cas une promesse qui peut être un véritable moteur de vie, même au cœur de nos expériences douloureuse du mal et de la souffrance. Car la résurrection c’est la promesse que quoi qu’il arrive, avec Dieu qui veut nous sauver, Dieu qui veut pour nous la vie, quoi qu’il arrive, si nous l’associons à ce que nous traversons, alors nous ferons avec lui l’expérience que la vie, même imperceptible, est plus forte que tout mal et que toute mort. La résurrection c’est la promesse qu’avec Dieu la vie est et sera plus forte que tout mal et que toute mort, même malgré les apparences. C’est notre espérance, c’est notre foi, c’est ce que Jésus a vécu lui-même en sa chair.

Une telle espérance, aussi folle peut-elle paraître à beaucoup autour de nous, est un vrai moteur de vie. C’est l’espérance et surtout la confiance qu’au cœur de ce que je traverse la vie est là quand même, que la vie peut jaillir, et qu’avec Dieu elle aura le dernier mot. Maintenant, dans mes épreuves, et demain, dans ce passage que devient la mort.

Concrètement ça veut dire qu’il faut que j’apprenne à vivre en dynamique de résurrection, c’est-à-dire en dynamique de confiance en cette promesse de vie ; et nous aurons besoin de nous y aider les uns les autres, surtout au cœur des épreuves parfois terribles qui vont nous tomber dessus. C’est tout l’enjeu de communautés chrétiennes véritables qui ne soient pas que des assemblées de gens qui s’assoient poliment les uns à côté des autres, mais de croyants au Christ qui apprennent à devenir frères et sœurs pour cheminer ensemble et s’épauler, se porter même, des frères et sœurs qui vont s’aider à mutuellement à apprendre à discerner la vie qui est là, malgré tout parfois, et à récolter et accueillir ensemble ce qui permet de se relever ou de continuer à avancer.

Dieu veut pour nous la vie, dès aujourd’hui, pas que dans l’au-delà dont nous ne savons pas à quoi il ressemblera – ne perdons pas notre temps à nous poser des questions sadducéennes qui resteront sans réponses comme savoir comment ce sera, où ce sera, comment nous allons nous retrouver ou nous reconnaître, de qui cette pauvre femme sera l’épouse entre les 7 frères qu’elle a eus comme maris, etc.

Dieu veut pour nous la vie, nous vivrons avec lui, en lui, pour lui a même dit Jésus. Et ceux qui croient en cela, nous dit Jésus qui en parle au présent – pas au futur –, ceux qui veulent bien croire en la résurrection sont, nous dit-il, semblables aux anges. Ça veut dire deux choses au moins : d’abord que serons libérés de notre finitude humaine, non seulement du péché mais aussi de nos blessures ou de nos handicaps ou nos paralysies de tous ordres, tout ce qui nous peut nous clouer au sol ou nous recroqueviller intérieurement ou physiquement. Nous serons complètement déployés, tels que Dieu nous voit.

Et puis être semblables aux anges ça veut dire aussi être comme eux dans la louange, tournés vers Dieu ; c’est un appel à vivre ici-bas avec Dieu comme horizon et compagnon, dans l’action de grâce de ce qui est de l’ordre de la vie qui est là, même au cœur des épreuves.

Dieu veut pour nous la vie, voilà ce qu’il nous faut entendre. Et c’est dès maintenant. Dieu est la vie. C’est lui qui peut donner sens ou nous aider à trouver sens à ce que nous avons à vivre. Il est là, à nos côtés. Alors prenons le temps de nous arrêter régulièrement dans le silence de la prière pour le laisser agir en nous, pour lui confier ce qui fait notre vie avec son lot de joies mais aussi de questions ou de révoltes ou de souffrance, et écoutons ce qu’il souffle en nous par l’Esprit Saint ou par l’écho ou la résonnance que sa Parole méditée et partagée ensemble trouvera en nous.

Et rappelez-vous, Jésus qui dit à ses disciples dans l’évangile de Matthieu : « Venez à moi vous tous qui peinez, et je vous donnerai le repos » ; faisons-lui cette confiance ! Déposons en lui, dans la prière et quand nous nous approchons pour communier, ou dans le sacrement des malades ou celui du pardon, déposons nos fardeaux. Non pas qu’il n’y en aura plus, mais il va porter avec nous. 

Et parce que nous serons ainsi pacifiés, guéris intérieurement, confiants en la présence de Dieu, même au cœur de ce que la vie nous donne de traverser, alors nous pourrons vivre déjà en ressuscités et devenir des témoins en actes de cette résurrection pour d’autre, ce que j’appelle des « ressuscitants ». Pensez par exemple à l’appel de Jésus au soir du Dernier repas avec le lavement des pieds. Nous mettre au service de l’autre, prendre soin de lui pour qu’il puisse reprendre la route de sa vie.

J’en profite, puisque c’est le jour, pour faire une parenthèse à propos du diaconat dont le ministère se fonde justement dans cet appel de Jésus et ce geste du lavement des pieds. Le diacre il sert à quoi ? Il sert à nous rappeler que nous avons tous à vivre ce service du frère, ce service qui est don de la vie. Le diacre c’est un signe visible qui nous est donné pour qu’on oublie pas cet appel, notamment envers les plus petits et les plus pauvres. Le diacre il est signe par sa présence à l’autel, visible, et il l’est en vivant concrètement ce service, comme chacun d’entre nous nous sommes appelés à le vivre… Prendre soin c’est permettre à la vie de prendre le dessus, c’est résurrection.

Je referme ma parenthèse et je vous propose que nous prenions quelques instants de silence. Nous confions au Seigneur tout ce que ces mots peuvent réveiller en nous. Nous lui confions ce que nous traversons peut-être d’épreuve ou de questionnements ou d’angoisses. Et nous demandons au Seigneur que dans cette eucharistie il renouvelle en nous la confiance, la foi, en la résurrection qui est promesse de vie, dès aujourd’hui et pour toujours.

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