Homélie dim. 2 juillet 2017
13ème dimanche du Temps Ordinaire / Année A
Bourgoin-Jallieu, église St Jean-Baptiste
Pour être honnête avec vous, ça a été un peu compliqué pour moi de préparer ces mots d’homélie. Quand j’ai commencé à lire et à méditer sur ces textes j’ai trouvé que tout cela était bien décousu…
[Petite parenthèse liturgique : est-ce que vous savez comment sont choisis les textes année après année ? La base c’est l’évangile ; chaque année on écoute l’un d’entre eux, Luc, Marc et Matthieu ; et Jean ça complète l’année Marc (car l’évangile est plus court et ça couvrirait pas toute l’année), avec quelques extraits à certaines fêtes. Ensuite, en fonction de l’évangile du jour, une 1ère lecture est choisie, dans l’AT (ou dans les Actes des Apôtres pour le temps pascal, entre Pâques et Pentecôte). Le psaume, lui, est choisi en réponse à la 1ère lecture, comme une réponse priante à celle-ci. Il reste enfin la 2ème lecture, souvent extraite des lettres de Paul ; et là c’est un peu comme les évangiles, c’est une lecture continue de l’une de ces épîtres. Parfois il y a un rapport aux autres lectures, un peu par hasard, mais souvent ça tombe à côté, du moins ça parle d’autre chose. Je ferme ma parenthèse…]
Dans qu’on vient d’entendre ce matin, je le redis, les liens ne sont pas très évidents, même entre l’évangile et la 1ère lecture où c’est, je pense, ce qui est dit de l’accueil de l’autre, au nom de Dieu et au nom de qui il est pour Dieu ; accueillir un prophète, accueillir un disciple de Jésus, c’est accueillir Dieu lui-même, a-t-on entendu...
Ce lien pourrait nous amener à nous poser une question à mon avis capitale pour notre vie chrétienne et notamment dans notre vie paroissiale ; à savoir : si nous nous reconnaissons les uns les autres comme des disciples de Jésus, si nous le reconnaissons par le fait même que nous sommes rassemblés en ce nom là, est-ce que nous acceptons de nous reconnaître et de nous accepter comme présence de Dieu, chacun, les uns pour les autres ? Vous allez sans doute me dire oui, spontanément, parce que vous comprenez par ma question que c’est la bonne réponse. Mais franchement cette réponse ne m’intéresse pas en tant que telle. Ce qui m’intéresse c’est le réel de ce que nous vivons ! Quand je rencontre à l’église ou dans une réunion paroissiale telle personne qui m’a peut-être fait du mal et qui est pourtant là comme moi, qui cherche sans doute Dieu comme moi, ou quand je rencontre telle personne qui pense vraiment différemment de moi ou qui a une sensibilité spirituelle très opposée peut-être à la mienne, comment faire pour envisager de le reconnaître comme un don de Dieu qui m’est fait et qui est fait à la communauté, malgré tout ?
J’ai dit ça, un peu autrement, en finale du Conseil pastoral paroissial de la mi-juin. C’était pour moi la dernière fois que je rencontrais ce conseil qui est composé, vous le savez je pense, de personnes qui représentent les différentes réalités géographiques de la paroisse, mais aussi les différents mouvements présents sur notre territoire paroissial et les responsables des services paroissiaux (baptêmes, mariages, funérailles, catéchèse, etc.). Et je leur ai confié quelques défis que je vois pour la paroisse dans ce qu’elle a à vivre – vous irez lire l’édito du bulletin paroissial qui sort dans la semaine, j’en parle – ; l’un de ces défis c’est celui de la communion entre nous, c’est celui de l’acceptation de chacun dans ce qu’il a en propre qui peut enrichir le corps ecclésial que nous formons ensemble… Je leur disais : comment est-ce que nous nous recevons les uns les autres comme un don que Dieu nous fait ?
Je pense souvent à ce verset de l’évangile de Jean, et je l’ai d’ailleurs souvent cité, c’est dans le même chapitre que le lavement des pieds, quand Jésus dit à ses disciples : « C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples »… C’est fort ce qu’il nous dit là ! Mais c’est tellement vrai ! Comment être témoins d’un Dieu qui veut se faire notre ami et notre compagnon de route au cœur de ce que nous traversons, d’un Dieu qui nous appelle à nous aimer et à prendre soin les uns des autres, un Dieu qui promet la paix, un Dieu qui nous dit aussi qu’il compte sur chacun de nous pour apprendre à devenir sa présence en actes, apprendre à devenir ses mains qui vont consoler et sa voix qui osera des paroles de pardon et d’encouragement, comment faire si on se déchire entre nous ou si on passe son temps à se juger ?
« C’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples » nous dit Jésus. Ça ne veut pas dire que tout ira de soi, on le sait bien, mais qu’il nous faut décider de nous écouter, de nous comprendre, et de nous pardonner quand nous nous faisons mal. Et ça veut dire aussi qu’il nous faut décider de prier les uns pour les autres, que le Seigneur nous éclaire, qu’il éclaire nos choix et nos décisions, qu’il nous éclaire aussi pour trouver comment dire ce qui nous semble important pour que l’autre puisse l’entendre sans être jugé. Et ça veut dire également se mettre ensemble à l’écoute de la Parole pour apprendre à écouter ensemble ce que Jésus veut nous dire de Dieu et de son projet de vie et d’amour pour nous et pour apprendre à entendre ensemble à quoi il nous appelle au cœur de ce que nous vivons chacun et ensemble et au cœur de ce que notre monde vit et traverse (je vous épargne ma page de pub sur les Fraternités locales).
C’est ça être disciples de Jésus. Et c’est parce que petit à petit nous allons y arriver que nous allons vraiment toucher du doigt et sentir vraiment en nous et entre nous cet amour de Dieu dont parlait le psaume, cet amour de Dieu qui est fidèle à qui veut bien s’y ouvrir, cet amour de Dieu que nous voudrons alors que d’autres connaissent.
Pour reprendre les mots de St Paul dans la 2ème lecture quand il nous parle du baptême, on pourrait dire qu’être disciples – c’est ça l’enjeu du baptême – être disciples c’est accepter de mourir à nous-mêmes, c’est-à-dire à notre seul point de vue sur les choses comme si nous avions la vérité, pour nous ouvrir à la vie telle que Dieu la veut, nous ouvrir à une vie d’amour qui ne juge pas et qui pardonne, nous ouvrir avec Dieu à la connaissance de sa vérité, la connaissance de Jésus qui est le Chemin la Vérité et la Vie. C’est accepter de ne pas être le centre de notre vie et de celle des autres, de ne pas maîtriser les choses, de s’en remettre à Dieu, dans la confiance. Et là nous allons découvrir un chemin de bonheur qui nous attend et sur lequel nous avançons tous petit à petit, au gré des évènements et des rencontres, au gré de la présence de Dieu à nos côtés que nous allons pressentir et que nous sommes appelés à devenir ensemble par une vie d’évangile centrée sur le Christ et sur sa Parole, une vie où il aura toute sa place, la place centrale – c’est bien ce que nous célébrons dans l’eucharistie où Jésus vient mystérieusement établir sa demeure en nous pour que nous devenions ensemble ce que nous recevons, sa présence en ce monde.
Si je suis prêtre, aujourd’hui et depuis 12 ans, c’est parce que j’ai compris un jour que là était le chemin du bonheur et de la vie, parce que j’ai compris que seul Dieu pouvait donner sens à ce que nous avons tous à vivre et au cœur de ce que la vie nous donne de traverser ; et j’ai voulu que d’autres puissent le découvrir, l’entendre, l’expérimenter, en Eglise, dans une vie communautaire et fraternelle qui reste toujours un défi. Et avec les mots du psaume je peux dire et je veux dire : « L’amour du Seigneur, sans fin je [veux le chanter] ; ta fidélité, je [veux l’annoncer] »…
Je vous propose qu’on prenne ce matin encore quelques instants de silence pour laisser résonner tout cela en nous et pour confier au Seigneur tout ce que ces mots éveillent en nous ; que ce soit notre prière maintenant…