14 Septembre 2017
Ce livre fait partie de ce qu'on pourrait qualifier d'actualité oecuménique puisqu'il est sorti il y a quelques semaines à peine et qu'il est officiellement présenté ces jours (et même ce soir, je crois) à l'occasion d'une session de travail des auteurs à Mulhouse.
Comme le sous-titre l'indique, Des catholiques et des évangéliques s'interpellent en ces pages, à partir d'une question de départ qui les a amené à en creuser plusieurs. Cette question de départ est celle de savoir si les uns et les autres peuvent évangéliser ensemble. L'une et l'autre des Eglises ici en dialogue ont conscience de cet appel missionnaire que le Christ laisse à ses disciples après sa résurrection, mais peuvent-ils le vivre, le faire, ensemble ?
Rappelez-vous la phase de Jésus en Jn 17 : “Que tous soient un, Père, comme toi et moi nous sommes un, afin que le monde croit”...
Cette question que se pose ce groupe très officiel de travail et de dialogue entre représentants-théologiens de l'Eglise catholique, mandatés par la Conférence des évêques de France, et des Eglises évangéliques, choisis et envoyés par le Conseil National des Evangéliques de France, ils y répondent en quatre sujets ici présentés : 1/ Evangéliser, qu'est-ce que c'est ? (avec une première partie d'histoire de l'évangélisation puis des extraits de textes, malheureusement non synthétisés ni analysés en convergences et points de divergences et tous d'avant La Joie de l'Evangile du pape François...) - 2/ Un chrétien est-il nécessairement un converti ? - 3/ L'homme a-t-il besoin d'être sauvé ? Qui est sauvé et de quoi ? - 4/ Le baptême est-il un obstacle pour l'évangélisation en commun ?
Concrètement, il ne s'agit pas ici de tout dire sur ces thèmes là, mais de poser les convergences, les points de divergences aussi, afin de mieux se connaître, mieux se comprendre. Chaque chapitre, on le sent bien à la lecture, amène une question nouvelle qui est celle du chapitre suivant. Quatre sont ici traitées, quatre autres sont en cours ou le sauront, qui donneront lieu à une publication suivante (c'est justement l'objet de la session de Mulhouse, ces jours-ci).
On pourra trouver qu'il manque d'homogénéité dans ces pages, de style notamment. C'est sans doute dû au fait que chaque chapitre a été rédigé par deux théologien, l'un catholique et l'un évangélique, qui au fil de leurs rencontres ont écrit un texte soumis ensuite à l'ensemble de la commission de travail et de dialogue (une douzaine de personnes au total).
Personnellement je suis resté un petit peu sur ma faim (en raison essentiellement des deux “bémols” ci-dessus exprimés, le style ou plutôt l'homogénéité d'ensemble et ce que faisais remarquer du 1er chapitre), mais je recommande quand même et je salue même la publication de ce travail car c'est une pierre de plus apportée à l'édifice oecuménique. Elle est précieuse car elle permet de mieux se comprendre, de mettre des mots ensemble, et donc d'avancer encore.
Ces pages sont complétées par deux témoignages des auteurs du chapitre 3 sur le salut. J'ai été un peu gêné car l'auteur catholique est depuis quelques mois en situation un peu complexe vis-à-vis de son Eglise (est-il d'ailleurs encore mandaté dans ce groupe ?) ; sans doute le choix de son témoignage fut-il décidé avant qu'il soit relevé de ses fonctions dans son diocèse puisqu'il est signé de janvier 2016 ? Cela n'invalide en rien ni sa compétence théologique ni la valeur de son témoignage, je tiens à le préciser ; c'est juste que ça laisse le confrère prêtre que je suis dans une sorte d'embarras spontané ou premier en raison de cette situation floue aujourd'hui quant à lui, dans sa propre Eglise.
Pour finir ces lignes de façon plus positive que cette remarque à l'instant exprimée, je voudrais citer quelques mots de la préface, repris en quatrième de couverture : “Au cours des rencontres, nous avons découvert des convergences là où nous pouvions nous attendre à des oppositions frontales. Nous avons essayé de discerner les contours précis de ce qui nous divise et d'en évaluer la portée. Nous avons appris à aller au-delà des mots pour chercher le fond de la pensée de l'autre, sans la caricaturer. Personne ne s'est renié. Tous, nous espérons avoir progressé dans la grâce et dans la connaissance de Jésus-Christ.”
Un “plus” dans ces pages que j'aimerais souligner : le souci de ne pas en rester à des débats seulement au niveau théologique, mais de voir les implications et conséquences concrètes et pratiques, pastorales. Autre “plus” qu'il me faut enfin mentionner : les extraits de textes officiels des Eglises ou les renvois bibliographiques, en fin des chapitres.
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Groupe national de conversations catholiques-évangéliques, Evangéliser aujourd'hui. Des catholiques et des évangéliques s'interpellent, Editions Salvator et Editions Excelsis, août 2017, 140 pages (format poche), 8€.
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Bonus : une interview du P. Emmanuel Gougaud, directeur du Service national pour l'Unité des chrétiens (pour la Conférence des évêques de France), à propos de la session de travail de ce groupe national de conversations catholiques-évangéliques, ces jours à Mulhouse ; et une interview de Mgr Christian Kratz, l'évêque co-président catholique de ce groupe, à propos de ce livre.