13 Novembre 2018
Mardi de la 32ème semaine du Temps Ordinaire
Carmel St Joseph (Bruxelles)
Tt 2,1-8.11-14 / Ps 36 (37) / Lc 17,7-10
Je ne sais pas quelle est votre impression à l’écoute de cette Parole que Jésus nous adresse mais moi il m’a fallu me laisser habiter toute la journée ou presque par ce qu’on vient d’entendre en finale de l’évangile pour pouvoir recevoir quelque chose, pour me laisser faire par cette Parole. Car ça résistait en moi…
« Vous aussi, dit Jésus, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné, dites : ‘Nous sommes de simples serviteurs : nous n’avons fait que notre devoir.’ »
Ce n’est pas tant le fait d’être considéré comme un simple serviteur, même si j’aime mieux quand Jésus nous dit « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis », ce qui résiste en moi c’est à la fois ce qui précède – « vous aussi, quand vous aurez exécuté tout ce qui vous a été ordonné » – et ce qui conclut : « nous n’avons fait que notre devoir ». C’est quoi notre devoir ? C’est quoi qui nous est ordonné par le maître ?
Juste avant, on l’entendait hier, il y a l’appel au pardon, l’appel à pardonner toujours, et l’appel à croire vraiment, l’appel à croire que Dieu peut faire des choses impensables avec nous, par nous.
Voilà peut-être un double indice : notre devoir, ce qu’il nous ordonne, c’est de croire que nous pouvons pardonner toujours et encore, aussi difficile cela sera-t-il, aussi difficile cela est-il. Pas que les choses extraordinaires, les grandes brouilles qui nous éloignent et font que nous considérons que l’autre est comme mort. Pas seulement cela. Pardonner aussi les petites choses du quotidien, ce qu’on prend sur soi – ou pas, d’ailleurs – et qui nous pourrit la vie, petit à petit, parce qu’on ne le met pas en mots ou parce qu’on en a mare de voir que l’autre ou soi-même ne change pas beaucoup. Or aimer, aimer vraiment, c’est aimer l’autre jusque là, jusque dans ce qu’il est qui m’insupporte et qui ne change pas. Aimer c’est apprendre à le voir lui, c’est apprendre à la voir elle, au-delà de ces petites blessures du quotidien que nous vivons ensemble. Nous avons tous fait l’expérience je crois de ce que cela veut dire très concrètement.
Parfois nous désespérons de nous-mêmes à ne pas arriver à pardonner et même à ne plus vouloir, nous désespérons aussi de l’autre, et s’installe en nous comme un doute vis-à-vis des appels de Dieu…
Notre devoir, ce qui nous est commandé, c’est de nous donner les moyens d’avancer avec tout cela, d’avancer chacun et ensemble, c’est de nous donner les moyens de nous laisser façonner par la Parole et par l’Esprit Saint, ce qui nous est commandé c’est de ne pas nous arrêter en chemin ou alors de croire que nous pouvons être relevé et être remis en route. Notre devoir c’est d’apprendre à aimer comme Dieu aime, aimer Dieu et aimer notre prochain comme nous-mêmes, nous faire proche de l’autre mais aussi nous laisser approcher par Dieu dans nos pauvretés et nos difficultés et incapacités à aimer. C’est croire que Dieu peut tout en nos vies, qu’il s’abaisse jusque là, jusqu’à nous, dans la prière ou dans le frère ou la sœur qui prend soin de nous, Dieu qui nous appelle en même temps à le servir dans l’abaissement, nous aussi, à hauteur de l’autre...
Alors ce soir on peut se demander : quelles sont-elles nos difficultés à aimer et à pardonner, dans les petites choses comme dans nos blessures de vie ? Qui sont-ils celles et ceux qui ont été pour de nous de cette présence aimante et consolante qui nous a donné de nous relever ? Mais qui sont-elles ces personnes vers lesquelles nous sentons bien au fond de nous qu’il nous faudrait faire la volonté du Père en osant nous approcher et permettre des paroles et des actes de réconciliation ?
Je ne sais pas vous, mais moi ces mots éveillent des situations bien concrètes ou des visages ; nous le laissons monter en nous, dans le silence, pour le déposer sur l’autel avec le pain et le vin et l’offrir au Père qui veut et qui peut faire toutes choses nouvelles en nos vies. Amen.