2 Avril 2019
Mardi de la 4ème semaine du Carême
Carmel St Joseph (Bruxelles)
Ez 47,1-9.12 / Ps 5 / Jn 5,1-16
Voilà le récit d’une guérison qui a l’air bien facile ! Et on aimerait que ce soit si simple, à plus forte raison si on est malade… Comme s’il suffisait de la demander et « hop » c’est fait !
En méditant ce récit je repensais à une homélie que j’ai faite il y a quelques mois, en septembre, à l’église Ste Croix, où je scandais mon propos de cette question, telle un refrain : « Pourquoi lui et pas moi ? » Et c’est vrai, après tout, pourquoi dans l’évangile ce serait si simple, apparemment, et pas dans la vraie vie ; elle est où la justice de Dieu, elle est où sa puissance, et même elle est où sa présence ?
Je force un peu les choses, exprès, car il faut que nous entendions non seulement la détresse de ceux qui espèrent une guérison et qui semblent ne pas l’obtenir mais aussi que ça ne fonctionne visiblement pas comme cela !
D’ailleurs, dans notre récit d’évangile, si on regarde de près, que se passe-t-il vraiment ? 1er détail qui n’en est pas un en fait : notre malade – depuis 38 ans, ce qui n’est pas rien – ne demande rien. Il ne crie pas vers Jésus comme par exemple l’aveugle Bartimée (en Mc 10,46-52) : « Jésus, Fils de David, prends pitié de moi », il ne crie pas non plus vers Dieu son ras-le-bol ou son incompréhension, comme Job par exemple, il ne clame pas son innocence face au mal qui lui tombe dessus et qui serait alors envisagé comme une punition pour ses péchés, ce que Jésus réfutera quelques chapitres plus loin à propos de l’aveugle de naissance (en Jn 9). Notre malade ne demande rien à Jésus. C’est comme s’il attendait, il attend juste que quelqu’un lui permette de descendre dans cette piscine visiblement miraculeuse. Comme si ça allait tout régler. Et c’est Jésus qui l’interpelle : « Veux-tu être guéri ? »
Il aurait pu dire : « Oui, Seigneur, je le veux », mais non il raconte ce qu’il attend, comme s’il se justifiait de ne pas être guéri. Et la réponse de Jésus, son « Lève-toi, prends ton brancard, et marche » sonne, je trouve, comme un appel à sa responsabilité : « C’est bon, si tu veux être guéri alors c’est possible, alors c’est fait, il suffit juste que tu te relèves, vas-y, fais-moi confiance, lève-toi, bouge-toi, et n’oublie pas que tu restes marqué de cette expérience, prends ton brancard, porte ta croix, et avance »…
Et notre malade, il est guéri, non pas par l’eau de la piscine, comme par magie, non, il est guéri par cette parole, il est guéri par une parole qui relève, il est relevé par ce dialogue qui le remet en route, il est remis en route par cette rencontre qui l’appelle à la confiance. Il ne sait même pas qui est Jésus, il ne sait d’ailleurs même pas que c’est Jésus qui est là, ce que nous montre la deuxième partie du récit… Une parole, une rencontre. Et il est relevé, il est vivant…
Et nous alors ? La 1ère question c’est qu’est-ce que nous attendons de Dieu et qu’est-ce que nous lui demandons, ou pas. « Demandez et vous recevrez », dit Jésus, « cherchez et vous trouverez, frappez et on vous ouvrira ». Et la suite : il nous sera donné ce dont nous avons besoin, l’Esprit Saint (cf. Lc 11,9-13).
L’Esprit Saint, c’est-à-dire la force de Dieu, sa force pour vivre et avancer, malgré tout, sa force qui peut guérir physiquement aussi, peut-être, si c’est là ce que Dieu veut ou ce que Dieu permet pour être que nous soyons signe et témoin de son salut… L’Esprit Saint c’est aussi le souffle de vie, c’est ce qui permet de discerner et d’entendre ce que Dieu veut et ce que Dieu fait. Une invitation à entrer dans la confiance que Dieu va répondre, c’est sûr, qu’une réponse sera donnée, mais telle que Dieu voudra, par les moyens qu’il voudra, quand il voudra. Il va falloir entendre en nous et relire ce qui dans notre vie est de l’ordre d’une parole ou d’une rencontre qui relèvent, ce qui est de l’ordre d’une parole ou d’une rencontre qui remettent en route, qui redonnent confiance et espérance, qui fortifient…
Non pas que Dieu ne va pas guérir comme il le fait pour notre malade de la piscine. Il peut. Mais dans la confiance qu’une guérison est possible qui est d’abord de l’ordre d’une libération, intérieure déjà. Notamment du péché que nous faisons, dont il est question à la fin de ce récit dans l’avertissement que Jésus fait au jeune homme guéri, mais aussi le péché qui nous tombe dessus, qui nous fait mal… Une guérison qui est d’abord ou déjà une libération. Ça s’appelle le salut. Et c’est déjà résurrection.
Et voilà qui il est le Temple de notre 1ère lecture qui redonne vie. C’est le Christ, c’est quelqu’un. Et à sa suite, nous-même relevés par sa Présence et par l’amour du Père, nous-mêmes consolés par lui ou par celles et ceux qui sont ses mains concrètes qu’il nous donne dans l’aujourd’hui de chair de nos jour, nous-mêmes au cœur de ce que nous traversons, nous deviendrons et nous sommes sa présence en actes. Nous sommes les pierres vivantes du Temple saint, présence de Dieu, nous sommes dans le Christ le Temple de l’Esprit Saint, dira St Paul.
Alors ce soir, dans ces quelques instants de silence que nous prenons maintenant, avec la simplicité de l’enfant qui a confiance en son Père, nous pouvons déposer au Seigneur nos demandes de guérison, de libération, ce qui a besoin de l’amour miséricordieux du Père, ce qui a besoin de consolation et de pardon, ce qui a besoin de la force de Dieu pour être traversé avec lui. Et tout cela nous le joignons au pain et au vin que nous allons déposer sur l’autel pour que l’Esprit Saint vienne tout transfigurer de sa présence et que nous devenions ce que nous allons recevoir, force et présence de guérison et de salut dans le Christ… Amen.