Homélie mercredi 5 mai 2021

Mercredi de la 5ème semaine du Temps pascal

Ac 15,1-6 / Ps 121 (122) / Jn 15,1-8

 

Je la trouve étonnante – et elle m’a travaillé – cette question qui s’est posée aux premières communautés chrétiennes et que nous rapporte la 1ère lecture, ce lien que certains font entre circoncision et salut en affirmant : « Si vous n’acceptez pas la circoncision selon la coutume qui vient de Moïse, vous ne pouvez pas être sauvés »

Étonnant, oui, car le salut ne vient évidemment pas de la circoncision ou de la Loi de Moïse, mais de Dieu lui-même et, c’est ce que nous confessons, du Christ Jésus qui s’est donné par amour, jusqu’à mourir pour nous au nom même de ce salut vécu annoncé jusqu’au bout.

Et ce salut nous est acquis dans le Christ. La question sera alors de savoir si nous consentons à en être et pour cela à la suivre et à en vivre. C’est tout l’enjeu de la page d’évangile de ce matin – que nous entendions déjà dimanche – : demeurer en lui et le laisser demeurer en nous pour que ça porte du fruit – au singulier, comme je le disais dimanche –, son fruit de salut à lui – en nous et pour d’autres.

Derrière cette question de circoncision et de salut c’est en fait la question de l’appartenance ou non à Israël qui s’est posée à ces disciples des premières communautés chrétiennes : si Dieu s’est donné un peuple particulier – duquel nous vient le Christ Jésus –, faut-il en être, de ce peuple, pour recevoir ce salut qui nous est acquis dans le Christ, lui qui est la vraie vigne, dit notre évangile de ce jour ?

La vigne c’est une image biblique qui était justement utilisée parfois pour parler d’Israël ; pensez au Ps 79 que nous chantons aux laudes du Jeudi en « Semaine 2 » : « la vigne que tu as prise à l’Égypte, tu la replantes en chassant des nations » … Image que Jésus reprendra dans certaines paraboles – je pense à l’évangile de Matthieu…

La vraie vigne c’est lui le Christ, dit-il. La vraie vigne c’est-à-dire non pas une nouvelle vigne mais celle que l’autre signifiait et devait révéler.

Et désormais la question n’est plus de savoir si nous sommes de ce peuple que Dieu s’était donné mais bien si nous consentons à être au Christ qui nous appelle à sa suite. Et d’ailleurs une de ses dernières paroles de Ressuscité, en Mt 28 (v.19-20), ce sera d’envoyer ses apôtres parmi les nations en leur disant : « Allez, de toutes les nations faites des disciples en les baptisant et en leur apprenant à garder mes commandements. Et moi je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps ».

C’est clair, il me semble : Jésus ne demande pas de devenir membre de ce peuple particulier, aussi important soit-il aux yeux de Dieu, mais d’être disciple de Jésus. Comme on l’a entendu d’ailleurs en finale de notre évangile de ce jour : « Ce qui fait la gloire de mon Père, c’est que vous portiez beaucoup de fruit – au singulier – et que vous soyez pour moi des disciples. »

C’est ça l’enjeu. Alors d’autres découvriront peut-être ce qui nous fait vivre, nos vies feront signe, et la Bonne nouvelle du salut sera annoncée et pourra toucher les cœurs.

Et d’ailleurs, si Dieu s’était donné un peuple, si Dieu a fait Alliance avec ce peuple, ce n’était pas un en-soi, une finalité, un enclos dans lequel le Berger voudrait nous mener – pour reprendre l’image de Jn 10. Non. L’Alliance, au départ, l’Alliance originelle, Dieu la veut avec toute l’humanité. Si Dieu s’est donné un peuple c’est pour une mission : que ce peuple soit témoin au milieu des nations du Dieu unique, qu’il soit témoin qu’il n’y a qu’un seul Dieu et que ce Dieu se fait présent à ceux qui font Alliance avec lui. Pour dire vite. Et la circoncision n’est qu’un signe extérieur de l’appartenance à ce peuple qui est lui-même appelé à être signe pour tous.

La différence avec la venue de Jésus et l’envoi des apôtres c’est que désormais l’enjeu n’est pas que les nations fassent retour vers Jérusalem pour signifier leur retour à Dieu, c’est que Dieu va lui-même à la rencontre de tous pour que tous puissent retrouver leur condition première qu’est celle de l’Alliance de Dieu avec toute l’humanité et que tous aient accès au salut qui nous est déjà acquis en Jésus Christ mais qu’il nous faut accueillir.

Et notre mission n’est donc plus seulement d’être d’un peuple qui fasse signe pour que d’autres reviennent, notre mission c’est de vivre du Christ et avec lui et d’annoncer en paroles et en actes le salut pour tous et à tous, et que toute notre vie à chacun et ensemble fasse signe, signe de l’intérieur, au cœur même des nations – pas mis à part.

Je le redis, la vraie vigne, l’Israël véritable et renouvelé de l’intérieur, justement, c’est le Christ Jésus venu pour tous les hommes, dont le peuple d’Israël préparait la venue et la révélation. Pas pour nous faire entrer dans un enclos mais pour l’ouvrir à tous. Nul besoin de barrières désormais, et donc plus besoin de la circoncision comme signe d’appartenance à un peuple particulier et mis à part. L’enjeu il est désormais que dans toutes les nations, au cœur du monde, nous soyons des signes de l’intérieur, à l’intérieur de chacune d’elles, signes chacun et ensemble, pour que d’autres et beaucoup découvrent le Christ et par lui le Père et son salut.

Pour cela, soyons du Christ, toujours plus, soyons ses disciples, soyons ces sarments qui qui se laissent travailler par sa Parole et qui demeurent en lui comme lui demeure en nous. C’est bien ce que nous célébrons à chaque eucharistie, c’est ce que nous demandons ce matin encore, pour nous et pour toute l’Église du Christ.

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