Homélie dimanche 5 septembre 2021

23ème dimanche du Temps Ordinaire / Année B

Is 35,4-7a / Ps 145 (146) / Jc 2,1-5 / Mc 7,31-37

 

C’est l’histoire d’une guérison. Encore… « Encore » car il y en a beaucoup dans les évangiles ! Et « encore » parce que depuis que je suis à St Jo et plus largement depuis que je suis malade j’ai l’impression que ça tombe toujours sur moi de prêcher sur ces récits de guérisons J’ai peut-être quelque chose à entendre, encore, ou à partager ; vous choisirez !

C’est donc l’histoire d’une guérison, et je ne sais pas trop comment vous recevez ce genre de récit au regard de votre propre expérience de la maladie, soit celle que vous avez peut-être eu à traverser, pour certains d’entre vous, soit pour celle à laquelle vous êtes confrontés avec des proches ou des amis.

En tout cas, notre expérience immédiate, bien souvent, elle est un peu différente de ce qu’on vient d’entendre. On n’en voit pas beaucoup des guérisons miraculeuses, même si on le demande dans la prière. Et si on croit que Dieu peut réellement quelque chose pour nous on est du coup en droit de se demander pourquoi bien souvent ça ne marche pas, pourquoi bien souvent Dieu semble ne pas répondre. Et du coup, pour d’autres, pour certains, on n’y croit plus que Dieu puisse faire quelque chose pour nous…

La question qui peut nous habiter avec un tel récit c’est un « Pourquoi lui et pas moi ? », un « Pourquoi lui et pas mon ami, ou mon frère ou je ne sais qui d’autre autour de moi qui souffre ? » Et c’est une question légitime ! une question qui dit notre désir profond de vivre et de trouver un sens à notre chemin de vie, ce que la maladie et la souffrance viennent justement mettre à mal !

Et ça dit en même temps une certaine foi ou espérance qui nous habite malgré tout en la puissance de Dieu. Le fait qu’il puisse quelque chose pour nous, qu’il veut pour nous la vie et que le salut que Jésus annonce et révèle ça a justement à voir avec la question d’être libéré du mal qui nous empêche d’être des vivants qui vivent vraiment.

Alors pourquoi cet homme est-il guéri, pourquoi lui, comme d’autres dans les évangiles ou au fil de l’histoire, à Lourdes où je ne sais où, pourquoi lui, eux, et pas moi ou vous ou tel proche qui pourtant demande à Dieu la guérison ou pour qui nous la lui demandons peut-être ? Pourquoi pas tout le monde ?

Non pas qu’il n’y ait pas l’une ou l’autre guérison miraculeuse aujourd’hui encore, mais justement, car de fait ça existe, mais ça reste l’affaire de quelques-uns… Alors pourquoi ? Pourquoi, alors que j’ai la foi et vous aussi sans doute ?

C’est tout le mystère du mal et du salut, ce salut dont les guérisons miraculeuses sont un signe, une annonce, le signe et l’annonce d’un salut bien plus large et bien plus profond. C’est d’ailleurs pour cela que Jésus ordonne dans notre évangile qu’on n’en parle pas : pour ne pas être réduit à un faiseur de miracles ou de miraculeux.

Alors ce salut plus large et plus profond qu’annonce cette guérison, qu’est-ce que ce récit nous en dit ? Les deux choses qui me frappent ou qui m’ont arrêté tout particulièrement en méditant cette page d’évangile, c’est le fait que cette guérison soit au cœur d’une rencontre, une rencontre personnelle de cet homme sourd et mal-parlant avec Jésus – à l’écart, sans la foule –, et c’est l’appel à s’ouvrir : « Effata… Ouvre-toi… »

J’y entends pour nous l’appel à nous ouvrir à la Parole que Jésus m’adresse jour après jour et au souffle de vie qu’il veut insuffler en nous – Jésus « soupire » a dit le texte –, l’appel à entendre et nous ouvrir à sa Présence qui se dit imperceptiblement au cœur de ce que nous avons chacun à traverser, l’appel à entendre l’amour qu’il vient révéler et qui est justement de l’ordre de ce salut qui nous est promis, ce qui va nous relever, nous remettre en route, nous libérer de nos peurs et de nos découragements. Et qui va passer par le silence de la prière – Emmanuel nous parlait la semaine dernière de l’enjeu de l’intériorité pour notre vie avec le Christ – mais qui va passer aussi dans telle rencontre ou tel évènement qui va être de l’ordre d’un quelque chose qui se passe en nous de l’ordre de la vie qui est bien là, malgré tout.

Entendre Dieu qui passe et se dit en moi et par celles et ceux qui vont prendre soin de moi.

Mais entendre aussi mes peurs, mes découragements, ce qui me fait mal, pour tout déposer en Dieu et m’y confronter, pour demander d’en être libéré et de pouvoir m’ouvrir alors à la vie qui justement me traverse encore et malgré tout, imperceptiblement parfois, mais réellement. Et alors pourvoir nous laisser faire par Dieu, comme il le voudra ou le permettra, dans la confiance de ce qu’il est, un Père tout-aimant qui jamais ne nous abandonne, et dans la confiance de ce que Jésus nous annonce et nous révèle : que, quoi qu’il arrive, et malgré les apparences parfois, Dieu est là avec moi, avec nous ; que quoi qu’il m’arrive et malgré les apparences immédiates, la vie est plus forte que le mal et que toute mort, plus forte aussi que nos peurs et nos découragements. Mais que là, au cœur de cela, il nous faut apprendre à le voir, le recueillir chaque jour, un jour après l’autre, pour discerner le chemin qui se fait et l’œuvre, là, de Dieu, sa Présence qui sauve et relève et qui remet en route.

« Effata… Ouvre-toi », nous dit Jésus à nous aussi, comme ça nous a d’ailleurs déjà été dit au jour de notre baptême. Ouvre-toi à cette Bonne nouvelle, cette promesse, cette promesse de vie.

Car Dieu est le Dieu qui tient promesses, qui tient parole. C’est bien ce que nous dit ce récit d’évangile, au regard des annonces d’Isaïe qu’on a entendues en 1ère lecture. Jésus est celui qui incarne ce que Dieu avait promis. Et s’il est Dieu qui tient promesses alors nous sommes invités à le croire pour nous aussi, pour ce salut qu’il annonce et qu’il annonce notamment par cette guérison miraculeuse, ce salut qui est bien plus large et bien plus profond que notre seul mal physique – je pense à la guérison du cœur, qui est aussi guérison des effets du mal en nous et de ses conséquences de tous ordres.

Et parce que je vais y croire – parce que je vais croire que Dieu tient promesses pour nous aussi – alors cette espérance du salut je peux en faire un moteur de vie et de confiance et voir alors, petit à petit, qu’un chemin de vie et de libération peut se faire, un chemin de salut, que ma guérison soit physique ou pas. Quelle soit comme je le demandais ou autrement, autrement que ce que je pensais qui en avait besoin. Quelle soit en tout cas comme Dieu le veut ou plutôt le permet.

Et là, je vais même pouvoir faire l’expérience d’une certaine fécondité à ce que je vis, ce que je traverse, que les autres vont peut-être me renvoyer. A cela aussi je suis appelé à m’ouvrir, pour l’entendre et y croire. Une forme de fécondité qui peut nous dépasser parce que ce n’est pas comme on aurait rêvé ou voulu ou envisagé… Mais Dieu se sert de ce que nous vivons si nous nous ouvrons à lui et à ce qu’il peut faire et permettre par notre vie…

Dieu se sert de ce que nous vivons, si nous le laissons faire son œuvre de salut en nous…

Et alors nous pouvons rendre grâce pour ce qu’il fait en nous et avec nous. Nous pouvons apprendre à en rendre grâce et nous y aider les uns les autres : tout déposer en Lui, dans la prière notamment mais aussi dans l’eucharistie, et vivre là, nous aussi, une rencontre avec Jésus, au cœur de ce que nous traversons, une rencontre où nous allons accueillir et célébrer ce salut qui est à l’œuvre en nous, une rencontre où nous allons trouver force pour avancer, la force de la Présence et de l’amour de Dieu qui se donne à nous. Car il est là, il est là pour tout-jours – chaque jour –, il l’a promis.

Et comme il l’a promis aussi il nous donne pour cela son Esprit Saint, l’Esprit Saint qui est la force de vie et de salut de Dieu, sa force de résurrection qui peut faire toute chose nouvelle, son souffle créateur qui donne la vie – comme on l’a entendu avec notre sourd-mal-parlant que Jésus guérit en « soupirant » sur ​​​​​lui. L’Esprit Saint qui est encore celui qui va nous délier la parole et nous donner les mots pour oser témoigner un peu de ce que Dieu aura fait pour nous…

La question alors n’est plus pourquoi untel est guéri et pas moi ou tel autre, mais elle devient : « Quelle est ta volonté, Seigneur ? », c’est-à-dire : « Où m’attends-tu, aujourd’hui, au cœur du réel de ce que je vis ? Que veux-tu faire de moi et par moi ? » … Et comme le psalmiste nous pourrons chanter la fidélité de Dieu… Amen.

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