Homélie dimanche 14 novembre 2021

33ème dimanche du Temps Ordinaire / Année B

Dn 12,1-3 / Ps 15 (16) / He 10,11-14.18 / Mc 13,24-32

 

La question c’est : qu’est-ce qu’on fait de tout ça !? Cette histoire de fin des temps dont parle la 1ère lecture, cette histoire de venue du Fils de l’Homme et de ce monde qui va passer, cette histoire encore de jugement qui est suggéré quand la 1ère lecture nous parle de ceux qui s’éveilleront pour une vie éternelle et de ceux qui entreront dans la honte et la déchéance éternelle…

Qu’est-ce qu’on doit entendre avec tout cela ?

Peut-être on peut reprendre les choses en se posant quelques questions de base à toujours avoir en tête, à savoir : ces textes, (1) qu’est-ce qu’ils me disent de Dieu et de Jésus qui nous le révèle, (2) qu’est-ce qu’ils nous disent aussi des appels qu’il nous adresse, et du coup (3) qu’en faire concrètement ?

L’évangile qu’on vient d’entendre a commencé par ces mots : « En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue ». On peut déjà s’étonner de cette affirmation. S’il leur parle c’est qu’il est déjà là ! Alors de quoi veut-il nous entretenir ? Si vous ouvrez votre bible et que vous allez lire le contexte alors on voit que c’est un peu plus subtil. Nous sommes à Jérusalem, entre les Rameaux et le dernier repas, et Jésus prépare ses disciples à ce qui va advenir. Et notamment il annonce la destruction du Temple et des persécutions à venir. Ce qui de fait va se produire quelques dizaines d’années plus tard. Et l’on sait que la foi au Christ ressuscité va diviser les croyants, notamment les juifs, entre ceux qui vont reconnaître en Jésus le Messie attendu et ceux qui refuseront. Ça va diviser aussi les familles, Jésus l’annonce à ses disciples dans le même chapitre 13 de St Marc... Se lèveront également des prophètes de malheur, etc. etc. Oui, une fin du monde se profile, c’est ce que Jésus affirme, une sorte de chaos, qui de fait est arrivé, ce que sait bien l’auteur de notre évangile puisqu’il le rédige vraisemblablement dans les années de persécution sous Néron (vers 65-70).

Alors qu’entendre de cela ? Jésus nous  dit qu’il vient. Qu’il sera là. Qu’il se fait proche et se tient à notre porte. Que tout pourrait passer, le ciel et la terre – c’est-à-dire la création, c’est-à-dire le monde et donc notre monde, celui qui est le nôtre aujourd’hui –, tout pourrait passer qu’une chose restera : « mes paroles, dit Jésus, ne passeront pas ». Tout pourrait être mouvant et sembler voué à disparaître, une chose est sûre, une chose sur laquelle nous appuyer et qui doit nous servir de boussole pour avancer : sa Parole ; la Parole de Dieu, lui le Christ Jésus. Lui qui vient, qui est là, qui se fait proche.

Voilà la Bonne nouvelle qui nous est adressée !

Certes vous allez me dire qu’on le sait, qu’on le dit tout le temps. Et c’est vrai. Mais il nous faut l’entendre et le réentendre pour y croire vraiment. Et pour en faire notre force de vie pour chaque jour, et notamment pour les épreuves qui sont les nôtres et qui nous font parfois désespérer d’un sens à cette vie ou d’un avenir qui soit envisageable sereinement...

Et c’est à chacun de nous que le Christ dit aujourd’hui : « Sachez que le Fils de l’Homme est proche, à votre porte », c’est à chacun de nous qu’il veut dire : « Je viens, je viens à toi, je suis là, je veux me faire proche, je me tiens à la porte. Écoute ma voix, écoute mes paroles, et tu trouveras un chemin de vie… »

C’est Bonne nouvelle, c’est promesse de vie. Et Jésus veut que nous ayons foi en cela, que nous puissions mettre notre confiance en lui, quoi qu’il nous arrive.

Alors c’est vrai, nous avons mille et une raisons de désespérer. Pas seulement à cause des problèmes auxquels nous sommes confrontés dans nos familles ou au travail, ou avec la crise des abus dans l’Église ou parce qu’on se sent démuni face aux crises qui traversent notre monde, la crise climatique, la crise migratoire, les écarts sociaux qui se creusent, etc. On a de fait plein de raisons de désespérer, c’est vrai. Mais justement, Jésus veut nous inviter à l’espérance. L’espérance malgré tout.

Pas une espérance naïve, mais un appel à retrousser nos manches et à vivre l’Évangile en nous laissant conduire par lui, le Christ, en nous laissant former et façonner par sa Parole, et en lui permettant d’agir en ce monde par nos mains qui vont prendre soin et par nos voix qui vont consoler, réconforter, encourager. C’est l’appel à aimer. Et c’est bien ça qui sauvera notre monde, et qui le sauve déjà.

C’est cela que le Christ nous apprend et nous révèle en se faisant proche de nous. Il veut que nous entrions dans cette espérance-là, cette confiance-là qui va donner sens à la vie, quoi qu’il nous arrive, y compris au cœur de nos questionnements et de nos doutes, y compris au cœur de nos épreuves et de nos inquiétudes quant à l’avenir.

Alors oui, c’est vrai, ce monde va passer. Et oui, il nous faut pourtant en prendre soin, au nom même de l’appel à aimer, il nous faut en prendre soin car la création nous a été confiée, il nous faut en prendre soin pour que tous sur cette terre, aujourd’hui et demain, puissent manger et vivre le plus décemment possible. Et ça c’est très concret, nous le savons bien. Mais ce monde passera. Car notre destinée est en Dieu et que seul Dieu ne passera pas. Il est de toute éternité et c’est à cette éternité-là qu’il nous vaut avec lui.

C’est la promesse de vie éternelle qui nous a été rappelée dans la 1ère lecture. Vivre avec Dieu, en Dieu, et le connaître intimement. Vivre pour toujours dans l’amour et tout comprendre, tout voir de notre vie, par ce prisme-là.

Ne me demandez pas le comment ni le concret, ni je ne sais quoi d’autre, je ne sais pas mieux. Juste que c’est une promesse qui nous est faite, qui dépasse le temps et l’espace, qui dépasse notre finitude humaine. Mais qui est de l’ordre de l’espérance : nous ne sommes pas voués ou destinés à rien, au néant, mais à la vie éternelle. Et nous pouvons dès ici-bas, dès maintenant, entrer dans cette promesse-là et en vivre.

Voilà pourquoi les Écritures annoncent un jugement aux derniers temps. Qu’est-ce que j’aurai vécu ? Comment aurais-je répondu aux appels de Dieu ? Qu’est-ce que j’aurai apporté à ce monde en réponse à ce que Dieu nous propose comme de chemin de vie et de salut ? Et comment en aurai-je vécu et témoigné pour d’autres, pour que d’autres entendent que nous sommes promis à un chemin de bonheur, contrairement à ce que le mal qui défigure notre monde peut nous faire croire ?

Voilà sur quoi nous serons jugés. Mais pas pour être condamnés en soi, comme si ça faisait plaisir à Dieu, non, car Dieu veut nous sauver, et c’est pour cela que Jésus s’est fait l’un de nous, pour nous le dire et nous le révéler. Nous serons jugés sur l’amour et nous le serons dans le regard d’amour du Père, sa miséricorde. Si nous le voulons bien, si nous voulons bien nous laisser sauver.

Nous le pouvons dès maintenant, dès ici-bas. Plus tard, je ne sais trop comment, et c’est pour cela que nous prions pour nos défunts, pour que Dieu les accueille en son Royaume éternel, en sa vie éternelle ; nous prions pour eux, pour qu’il se laissent sauver par lui dans son jugement d’amour sur ce qu’aura été notre vie en réponse d’évangile.

Mais j’ai envie de dire : ne vivons pas dans une sorte d’inquiétude angoissée par avance de ce jugement qui vient. Vivons ! Et entendons l’appel pour aujourd’hui, Jésus qui nous dit : « Je viens à toi, je suis là, je me fais proche, pour toi ; et je le veux aussi pour ceux à qui tu me rendras proches par ta vie concrète ».

Oui, entendons que l’enjeu pour nous aujourd’hui c’est de vivre en actes l’appel à aimer, et pour cela c’est de nous laisser former et façonner par le Christ lui-même, par sa Parole et dans le silence de la prière, c’est aussi de demander son Esprit Saint qui est puissance de vie et de salut, et c’est de nous y aider les uns les autres, nous aider à discerner ensemble comment répondre aux appels du monde et aux cris des plus pauvres, nous aider à discerner aussi comment nous soutenir et nous laisser former sur notre chemin de vie et de foi, pour que l’espérance soit un réel moteur de vie, quoi que nous traversions et quelles que soient nos peurs de l’avenir ou les tempêtes qui secouent notre monde, nos vies, et même notre Église…

Voilà l’enjeu… Avec cette question qui reste : qu’est-ce que nous en ferons ? …

Parce que si nous avons aujourd’hui ces textes et ce genre de questionnements c’est parce que nous sommes à quelques jours de la fin de l’année liturgique, et que finalement cette histoire de fin de temps et cette notion de jugement qui va avec c’est l’invitation pour nous aujourd’hui à relire ce qu’on aura vécu au fil des semaines et des mois : comment on aura fait place au Christ, concrètement, comment on a entendu ses appels d’Évangile, à quoi ça nous a poussé, qu’est-ce qu’on en a fait ou pas.

C’est tout cela qu’on peut offrir au Seigneur dans cette eucharistie. Au Christ qui veut nous redire à chacun : « Sache que je suis là, je suis tout proche, à ta porte ».

Alors… ouvrons là cette porte, la porte de nos cœurs ; laissons le Christ y entrer et offrons-lui tout simplement ce qui nous habite, ce qui nous préoccupe peut-être, mais aussi ce qui nous permet déjà de rendre grâce, ce qui nous fait vivre et grandir en confiance en lui et en espérance. Qu’il nous rejoigne là et qu’il prenne tout cela avec lui, en lui, en cette eucharistie. Amen.

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