23 Février 2022
Mercredi de la 7ème semaine du Temps Ordinaire
[Carmel ND de Surieu]
Jc 4,13-17 / Ps 48 (49) / Mc 9,38-40
C’est quoi le problème de Jean – et peut-être même des Douze – dans ce que Jean ose en dire au Maître ? Le problème c’est que quelqu’un et donc des gens qui ne sont pas de leur groupe expulsent des démons, en son nom… Comment cela est-il possible ? Et peut-être même : comment osent-ils puisqu’ils le font au nom de Jésus alors qu’ils semblent ne pas être de ses disciples ?
Le problème, en plus, c’est que ça marche, visiblement !
Jean, et les Douze et les disciples, ils pourraient s’en réjouir, puisque c’est au nom de Jésus. Sauf que ce quelqu’un n’est pas du groupe ; et ça, les tout-proches de Jésus que sont les Douze – Jean en tout cas – ils ne comprennent pas comment c’est possible…
Faut-il entendre là une forme de jalousie bien humaine ? Peut-être ! Car rappelez-vous la dernière guérison en date que Jésus a faite, dans le même chapitre 9 de St Marc – on l’entendait lundi –, que c’était-il passé ? Un homme avait pris par la parole pour dire à Jésus : « Maître, je t’ai amené mon fils, il est possédé par un esprit qui le rend muet ; cet esprit s’empare de lui n’importe où, il le jette par terre, l’enfant écume, grince des dents et devient tout raide. J’ai demandé à tes disciples d’expulser cet esprit, mais ils n’en ont pas été capables. »
Et on se rappelle que les disciples se sont demandé pourquoi ils n’avaient pas réussi alors que c’est la mission qu’ils ont pourtant reçue de Jésus. La réponse qu’il leur avait faite c’est celle de la force de la prière qui seule peut venir à bout de ce mal qui tenait captif cet enfant.
Est-ce donc que ce quelqu’un et donc ces gens qui ne sont pas du groupe savent prier ? En tout cas ça marche, et ils le font au nom de Jésus.
Derrière cette question d’une forme de jalousie plus ou moins consciente de Jean et peut-être des Douze, en tout cas derrière cette incompréhension qui l’habite, j’entends cette autre question pour moi sous-jacente, cette question de fond qu’est celle de l’appartenance au Christ. Qui est du Christ ? Et par qui peut-il agir et offrir le salut ?
Il y a des gens qui ne sont pas de notre groupe, qui ne sont pas du cercle proche, et qui font l’œuvre de Dieu ? Eh bien accueillons ce fait et réjouissons-nous. Et nous, aujourd’hui, accueillons ce fait non pas de façon extérieure mais comme une question qui se pose aujourd’hui encore, à nous et à notre Église.
Je dis cela car je trouve intéressant qu’on entende cette page d’Évangile, cette année, au lendemain de la fête de la chaire de St Pierre, une fête au marqueur très « catholique romain ». Et je ne peux m’empêcher de penser à nos frères et sœurs d’autres Églises et communautés ecclésiales séparées. Mais aussi et plus largement d’ailleurs à des croyants au Christ qui ont quitté notre Église, pour quelle que raison que ce soit, ou d’autres qui ne sont pas dans les « clous » de nos règles canoniques et morales, et qui pourtant aiment le Christ et veulent le suivre, et qui pourtant essayent de vivre l’Évangile au cœur de leur histoire souvent blessée…
L’enjeu premier n’est-il pas justement là, d’abord ? Vivre l’Évangile et ses appels. Être témoins du salut et en vivre. Et nous soutenir dans cette marche. Là est l’Église, là est l’enjeu de ce que doit être notre vie en Église.
Je ne suis pas en train de relativiser l’existence ou le rôle de l’Église et son importance pour vivre et offrir le salut à la suite du Christ. L’Église naît au pied de la Croix et elle est appelée à poursuivre la mission du Christ. Ce que nous célébrons à chaque eucharistie. Mais il y aura toujours un risque très humain à mettre un peu vite des frontières et des critères de qui peut en être et pourquoi...
J’entends en tout cas un appel à prier le Maître, le prier pour que nous apprenions à voir et à discerner sa Présence et son œuvre de salut en ce monde, y compris en dehors de nos cercles. Le prier pour que nous apprenions à nous en réjouir sans nous juger, et que cela nous stimule pour la mission en même temps que cela nous rende un peu plus humbles que nous avons pu l’être parfois.
Mais je prie aussi pour que nous osions quand même, comme Jean – et sans doute les Douze et les disciples –, que nous osions quand même déposer auprès du Seigneur nos incompréhensions et nos éventuelles jalousies plus ou moins conscientes et pas toujours très évangéliques ; que nous osions, oui, pour nous laisser éclairer et purifier par sa Parole, et pour nous laisser ainsi conduire par le Christ pour vivre avec lui et en Église – c’est-à-dire ensemble – sa mission de salut. Amen.