13 Février 2024
Mardi de la 6ème semaine du Temps Ordinaire
Jc 1,12-18 / Ps 93 (94) / Mc 8,14-21
Avec les textes de ce jour, il me semble qu’on fait l’expérience de comment la liturgie peut nous conduire… Je dis cela parce qu’on sent vraiment le carême qui est tout proche, on se sentirait presque dans ce qu’on appelle au cinéma un « fondu-enchaîné », comme si la liturgie et même la Providence, en fait, nous conduisaient en douceur à entrer dans ce temps qui vient – ô combien important, mais ça nous verrons demain !
Je dis cela non seulement à cause de ce qu’on vient d’entendre dans l’évangile, les disciples qui ont du mal à voir et à entendre ce que le Seigneur leur montre, les disciples qui ont du mal à entrer en profondeur dans ce que le Seigneur veut pourtant leur révéler ; mais aussi à cause de la 1ère lecture, avec cet appel qui est même une bénédiction promise à qui tiendra dans l’épreuve, et notamment dans l’épreuve de la tentation, avec cette tension, cet appel, entre tenir et aimer – tenir dans la foi et aimer le Seigneur.
Car c’est bien de cela dont il s’agit et que nous a rappelé l’apôtre dès le début de cette lecture : aimer le Seigneur. Nous le savons, c’est le cœur de votre vie donnée, mes sœurs, et c’est bien ce que le temps du carême va nous donner de réapprofondir ou plutôt de réenraciner.
Comment tenir dans l’épreuve, et notamment celle de la tentation qui mène au péché – pour reprendre ce que nous a dit St Jacques – ? Comment tenir dans la foi ?
La réponse nous la connaissons, mais elle sera toujours à vivre. La réponse c’est celle de la persévérance, mais pas de notre seul fait ou de notre seule volonté – ce n’est pas d’abord ou pas seulement une question d’efforts à faire –, c’est une disposition du cœur pour laisser le Seigneur travailler en nous, laisser le Seigneur nous convertir. Comment ? Par sa Parole. Nous laisser « engendrer par sa parole de vérité », a dit St Jacques.
Me venait d’ailleurs dans la prière cette autre bénédiction que le Seigneur nous adresse dans cette autre page d’évangile, chez St Luc, où il nous dit : « Heureux ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la mettent en pratique » (Lc 11,28).
Tout est là, nous le savons. Appel à prier et ruminer cette Parole. Appel à contempler inlassablement l’œuvre de Dieu en son Verbe fait chair, et à l’écouter jusque dans le silence de la prière où il veut murmurer en nous sa Présence, son amour, et des chemins de réponse pour toujours mieux nous unir à lui et que notre vie dise quelque chose de lui.
Nous le savons bien, il s’agira tout-jours et encore d’apprendre à voir. Voir comment il agit et se rend présent aux uns et aux autres. Et donc à nous aussi, aujourd’hui encore. Apprendre à voir aussi nos manques de foi, nos résistances, nos éloignements, pour consentir à faire retour vers lui, le Christ, et par lui vers le Père. Apprendre aussi à chasser nos peurs immédiates, à ne pas nous laisser prendre par elles, pour entendre nos manques profonds, nos faims et nos soifs de vie éternelle, pour laisser là le Seigneur nous rejoindre toujours plus. Et marcher avec lui vers la terre promise qu’est la vie, la vie avec lui, la vie avec tout son poids d’éternité et d’amour véritable…
Les disciples avaient peur de manquer de pain. Alors qu’ils viennent de voir Jésus nourrir les foules. Mais cette peur de manquer et d’avoir faim ne les aveugle-t-elle pas sur ce que Jésus vient vraiment faire en nos vies ?
Ce sera bien un des enjeux de notre carême qui vient et de ce jeûne que l’Église nous propose, en réponse à ce que le Christ nous dira demain : faire l’expérience du manque et de la faim pour réapprendre à voir là et à entendre nos faims véritables, nos pauvretés, et consentir à nous laisser rejoindre là par le Seigneur, à l’écoute de sa Parole et de son doux murmure silencieux, à l’écoute de ses appels, au souffle de l’Esprit qui va nous conduire au désert. Pour le laisser faire toute chose nouvelle en nous...
Alors oui, il vient le temps des tentations et peut-être même de l’épreuve. Il vient le temps du combat spirituel. Mais heureux sommes-nous de le savoir et de connaître déjà l’issue du combat si nous le vivons les yeux fixés sur Jésus Christ : la vie plus forte que tout mal et que toute mort.
C’est ce que nous célébrons et confessons à chaque eucharistie – ce matin encore. Que le Christ vienne là façonner nos cœurs, aujourd’hui encore ; et qu’il nous donne d’avancer résolument et de nous laisser conduire au désert avec confiance. Amen.