14 Février 2024
Mercredi 14 février 2024 - Entrée en Carême
Jl 2,12-18 / Ps 50 / 2Co 5,20 – 6,2 / Mt 6,1-6.16-18
[Introduction à la célébration]
Nous entrons en Carême… « 40 et quelques jours » de « marche au désert » qui nous sont donnés pour réapprofondir et réenraciner notre être chrétien.
Nous sommes finalement comme ces catéchumènes pour qui c’est le temps ultime de la préparation au grand « plongeon » dans la vie chrétienne, la vie en Dieu et avec Dieu, à l’écoute de ses appels. Alors demandons-nous où nous en sommes chacun de notre vie baptismale – jusqu’en votre vie donnée, mes sœurs –, c’est-à-dire : qu’est-ce qui a besoin d’être renouvelé, d’être refondé peut-être, d’être purifié sans doute ?
Nous prenons la route... « 40 et quelques jours » de marche pour laisser le Seigneur nous conduire et pour accueillir ainsi, de façon renouvelée, la bonne nouvelle de sa résurrection : cette promesse que le Christ fait en sa chair de la vie qui, avec lui, peut être « re-suscitée », au cœur même de tout ce qui reste pourtant perméable en nos vies au mal et au péché qui détourne de Dieu, le mal que nous subissons comme ce mal que nous faisons…
Alors entrons ensemble dans cette eucharistie où déjà le Seigneur veut refaire nos forces pour cette marche qui nous attend. Laissons-nous conduire et fixons nos yeux sur lui, le Christ, lui qui nous précède et nous entraîne en sa Pâques.
[Homélie]
Pour moi le Carême c’est vraiment cet appel entendu au début de la 1ère lecture par la voix du prophète Joël : « Revenez à moi de tout votre cœur », dit le Seigneur.
Avec cette question qui immédiatement me vient : me serais-je donc éloigné de Dieu ? Une question que nous pourrions en fait formuler plutôt ainsi : qu’est-ce qui dans ma vie de tous les jours (prière, travail, vie communautaire), qu’est-ce qui m’éloigne de Dieu, alors même que ma vie est donnée pour le chercher et me laisser conduire par lui ? Qu’est-ce qui m’éloigne pourtant de lui, dans les petites choses du quotidien comme dans de plus grandes, qu’est-ce qui a besoin que je repose tel ou tel choix qui me permettent de faire retour vers Dieu ?
« Revenez à moi de tout votre cœur », dit le Seigneur… Un appel qui devrait être celui de chaque matin et de chaque jour, un appel qui nous dit bien que ce temps du Carême c’est bien ce temps favorable qui nous est donné comme un temps de refondation, un temps pour retrouver l’essentiel ou l’essence-même de notre vie chrétienne, à savoir tout vivre avec le Christ, se laisser conduire par lui, et par lui tout vivre pour le Père.
Alors pour cela, pour nous laisser refonder en notre être baptismal, nous sommes invités, comme le Christ, à nous laisser conduire au désert par l’Esprit. Et c’est important de se redire cela, et en même temps de le demander au Seigneur : que l’Esprit Saint soit de notre marche de ces jours et ces semaines qui viennent. Ainsi nous avons l’assurance que Dieu sera notre allié dans ce que nous allons vivre en ce temps du Carême, ce temps qui sera sans doute de l’ordre du combat spirituel si nous décidons vraiment de nous y mettre ; oui, Dieu sera lui-même présent avec nous, et il va « combattre » avec nous pour que nous soient donnés la victoire et le salut – cette victoire, ce salut, qui nous sont déjà acquis par la mort et la résurrection du Christ.
Alors n’ayons pas peur, n’ayons pas peur de de nous y mettre avec sérieux et pour de vrai, et demandons au Seigneur la grâce et la force de bien vouloir refonder en lui notre vie en réponse d’Évangile, et décidons pour cela d’avancer résolument, jour après jour, avec lui, le Christ, à l’écoute de sa Parole.
N’est-ce pas pour cela, d’ailleurs, que vous allez nous proposer, mes sœurs, ce geste, tout à l’heure, de poser notre main sur le livre des Écritures après avoir reçu la marque des cendres sur notre front ? Cette marque qui nous rappelle que nous sommes de simples créatures, tirés de la terre et appelés à renaître, tels ces os desséchés qui reprennent vie dans la prophétie du livre d’Ézéchiel, au chapitre 37 ; cette marque des cendres sur nos fronts qui peut nous aussi rappeler ce signe de protection que Dieu lui-même posa sur Caïn après le meurtre d’Abel et malgré l’irréparable commis.
Nous aussi nous sommes pécheurs, et pourtant le Seigneur veut pour nous la vie, une vie ressuscitée, c’est-à-dire « re-suscitée » au cœur de ces chemins de mort que nous empruntons parfois, cette vie qu’est le salut promis…
Et pour ce faire nous voilà donc invités à nous mettre en route. Et pour la route le Christ nous donne trois « balises de vie » pour avancer et renaître à la vie avec lui : l’aumône, la prière et le jeûne – trois piliers indissociables pour toute vie chrétienne.
Tout cela, vous n’avez pas attendu le Carême, mes sœurs pour le savoir et le vivre. Mais justement ! Et la question qui se pose à nous tous c’est quand même celle de relire comment nous le vivons, et de demander au Seigneur la grâce de voir ce qu’il y a à réajuster, voire à purifier ; lui demander d’entendre comment il veut là nous renouveler et nous conduire.
Et nous verrons – si nous ne le savons pas déjà –, nous verrons ce qui nous détourne parfois de Dieu et de ses appels – y compris dans la prière –, nous pourrons voir ce qui nous habite et nous tracasse et qui peut prendre finalement beaucoup de place dans notre quotidien comme dans notre prière encore, et alors nous verrons mieux ce qui nous détourne d’une écoute disponible à Dieu et à sa Parole, et ce qui nous freine ou nous empêche à répondre aux appels du frère, du monde et de l’Évangile…
Je ne développe pas plus, sauf à ajouter que si nous vivons tout cela pour de vrai, si nous vivons vraiment ces trois appels du Christ – et si nous relisons comment nous les vivons d’habitude – alors, nous le savons bien, cela va nous amener à prendre au sérieux cet autre appel qui, lui, nous a été adressé par St Paul dans la 2ème lecture : l’appel à nous laisser réconcilier avec Dieu. Voilà, jusqu’où va nous conduire celui du prophète Joël par lequel je commençais ces quelques mots d’homélie, l’appel à faire retour vers le Seigneur, à revenir à lui « de tout [notre] cœur » …
Nous avons « 40 et quelques jours » pour tout cela – pour vivre tout cela – ; et comme disait St Paul, toujours dans la 2ème lecture : « voici maintenant le moment favorable » ; oui, c’est maintenant le temps du salut.
Alors oui, nous avons « 40 et quelques jours » pour laisser le Seigneur et ses appels nous travailler et nous renouveler en profondeur, « 40 et quelques jours » pour nous laisser convertir et avancer encore. Et ça commence aujourd’hui, maintenant.
Alors allons-y, mettons-nous en route, et demandons au Seigneur son Esprit-Saint, demandons-lui qu’il nous conduise au désert. Qu’à l’écoute de la Parole de Dieu et de ce qu’elle permettra de renouveler en nous et entre nous, ce temps de Carême soit vraiment un temps de grâce, et même de résurrection ; que l’on puisse s’écrier d’une joie renouvelée : « le Seigneur s’est ému en faveur de (…) son peuple » ... Amen.