Homélie jeudi 3 octobre 2024

Homélie jeudi 3 octobre 2024

Jeudi de la 26ème semaine du Temps Ordinaire

[Carmel ND de Surieu]

Jb 19,21-27 / Ps 26 (27) / Lc 10,1-12

 

Cet envoi en mission des 72 on a souvent l’occasion de l’entendre et de le méditer. J’aimerais m’arrêter plutôt, ce matin, sur la 1ère lecture et ce très beau passage du livre de Job.

Dans ce qu’on vient lire – nous sommes grosso modo au milieu du livre de Job, juste un peu avant –, il y a, je crois, deux choses à entendre : ce que Job dit à ses amis, à leur propos, et ce qu’il leur dit de Dieu.

Dans ce qu’il répond à ses amis – ses amis qui lui ont fait des reproches, dit le texte –, il y a encore cette idée que Dieu l’aurait frappé, que Dieu semble le poursuivre ou le traquer avec tout ce lui tombe dessus.

Aujourd’hui, quand on doute de l’existence ou de la bonté de Dieu à cause du mal qui nous tombe dessus ou de ce qui défigure le monde, on est finalement dans des logiques semblables : soit Dieu existe et tout ce qui m’arrive vient de lui, y compris les épreuves, et soit je l’ai bien cherché et c’est insupportable soit c’est incompréhensible ; ou alors on se dit que Dieu n’existe pas, car Dieu peut-il laisser son serviteur souffrir injustement ?

Job est encore dans cette logique d’un Dieu qui l’aurait frappé. Sauf que nous, nous connaissons le début de l’histoire – l’histoire de Job –, nous avons entendu le Prologue, il y a quelques jours ; et nous savons que ce n’est pas Dieu qui frappe Job, mais que c’est le Satan, le Satan qui a provoqué Dieu en lui affirmant que Job le renierait s’il venait à souffrir. Et Dieu a consenti à laisser faire le Satan, car il sait que Job ne se détournera pas de lui, que la foi et la fidélité de Job sont plus fortes que tout ce qui pourrait lui arriver…

Ce n’est pas Dieu qui nous frappe, Dieu n’est jamais du côté du mal qui nous tombe dessus. Et il nous faut nous aider à sortir des logiques de recherche d’explications ou de responsabilités coupables – Dieu ou nous – qui finissent par enfermer l’autre dans le non-sens de tout mal. Voilà ce que Job reproche à ses amis...

A la fin de l’histoire, Dieu dira à deux reprises – pour insister – que Job seul a parlé de lui « avec justesse » (cf. Jb 42 v.7 et 8). Et pas ses amis. Job qui aura pourtant crié contre Dieu son incompréhension à ce qui lui arrive, Job qui aura même maudit le jour de sa naissance et souhaité mourir, mais Job qui aura pourtant eu aussi quelques cris d’espérance et de foi comme celui que nous avons entendu ce matin – et que nous devrions connaître par cœur ! – : « je sais, moi, que mon rédempteur est vivant, (…) et [que] de ma chair je verrai Dieu. Je le verrai, moi en personne (…). Mon cœur en défaille au-dedans de moi »

C’est magnifique ces mots, alors même que Job souffre et n’en peut plus de souffrir. Et alors même que Job n’y comprend rien et qu’il crie sa souffrance à la face du Seigneur…

C’est souvent mêlé en nous, comme pour Job. Et croire, garder confiance, rester fidèle au Seigneur, ce sera alors de l’ordre du combat et d’un acte de foi à poser. Car le mal – c’est le propre du Satan, et nous le savons dès le serpent de la Genèse – le mal vient nous attaquer à l’endroit même de la bonté de Dieu pour nous et il vient nous faire douter de sa présence, de son existence, et de son salut. C’est le propre du mal de venir glisser le doute en nous tel le serpent qui se faufile l’air de rien…

L’enjeu pour nous sera tout-jours – et donc chaque jour – de garder les yeux fixer sur Dieu et ses promesses de salut. C’est le signe du serpent d’airain au désert et de la Croix ; c’est aussi Pierre qui marche sur les eaux et qui perd pieds et prend peur quand il détache son regard du Christ.

C’est finalement ce que Jésus dira à ses disciples et que nous entendions aux vêpres de la Sainte Thérèse : « Venez à moi vous tous qui peinez… et moi je vous donnerai le repos » (Mt 11,28), la paix du cœur.

Cette paix, cette paix promise, c’est la première chose que Jésus-ressuscité va dire et annoncer à ses disciples : « La paix soit avec vous » (cf. Jn 20,19ss.). Cette paix qu’il nous appelle à accueillir et à demander, cette paix à vivre et à annoncer nous aussi – on l’a entendu dans l’évangile. Ce que ne font pas les amis de Job qui, eux, en rajoute à son mal et à sa souffrance.

Une seule chose est possible, je crois, auprès de celui qui souffre : être là, se taire et risquer une présence, et ainsi être humblement témoin de Dieu qui veut se faire proche et apaiser toute douleur. Alors nous ferons l’expérience que malgré tout et malgré les apparences premières et immédiates la vie est bien là, qui nous traverse et nous rend vivants, malgré tout ; et que la vie et le don de soi par amour qui se fait présence c’est plus fort que tout mal, et même que toute mort. C’est notre foi et c’est notre espérance. Amen.

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