8 Avril 2025
Mardi de la 5ème semaine de Carême
Nb 21,4-9 / Ps 101 / Jn 8,21-30
Je ne sais pas, mes sœurs, quels sont vos découragements voire vos récriminations, peut-être parfois, contre Dieu, les découragements en tout cas d’une vie de carmélite et déjà d’un carême, mais ce que je sais, ce que je crois, c’est que ce matin le Seigneur veut nous donner à réentendre l’appel, l’enjeu, à fixer nos yeux sur lui, et notamment fixer nos yeux sur sa Croix, et là à tout déposer, ce qui nous cloue avec lui sur ce bois comme ce qui le cloue lui encore…
Il y a un mystère du mal, nous le savons bien. Et parfois nous sommes comme l’auteur du livre des Nombres, nous cherchons un responsable à ce mal qui nous tombe dessus jusqu’à se demander parfois si Dieu n’a pas voulu nous mettre à l’épreuve. A la fois cela nous est pourtant insupportable à concevoir, de la part d’un Dieu qui nous aime et qui veut pour nous le salut, et pourtant ça nous arrangerait parfois de le penser quand même : au moins, se dit-on alors, il y aurait une raison à ce qui nous arrive…
Dans la 1ère lecture, avant même que l’épreuve des serpents n’arrive, il y a eu ce découragement du peuple qui perd confiance et il y a eu ses récriminations contre Dieu. Et dans son épreuve, le peuple d’Israël est appelé à renouveler sa confiance en Dieu, au cœur de ce qui va s’abattre sur lui.
Il faudra fixer cet étrange serpent, pour vivre. Le serpent qui est le symbole de ce mal qui leur tombe dessus et qui se glisse en nos vies et vient glisser le doute en nous de ce que peut vouloir Dieu et de ce qu’il fait.
Et là, c’est comme si Dieu disait au peuple : « Tu as mal, tu veux vivre et être sauvé, alors regarde ce mal en face, mais autrement. Affronte-le du regard, assume, et reconnais que tu as besoin de moi, regarde ce signe que je te donne, élève le regard, pose-là un acte qui dise et renouvelle un début de confiance, un désir de confiance... »
Alors oui, nous sommes pécheurs, comme l’évangile de ce jour nous l’a rappelé. Et notre péché est chemin de mort. Regardons-le en face et déposons-le au Seigneur, implorons son pardon qui redonne vie.
Et oui, nous faisons aussi l’expérience de ce mal qui nous tombe dessus et nous traverse, et qui parfois fait douter de Dieu et de son amour sauveur. Regardons-le en face et offrons-le au Seigneur, crions vers lui ; et même : crions avec le Christ dans son cri à lui, son cri d’abandon au Père…
Notre péché cloue aujourd’hui encore le Christ sur le bois de la Croix. Mais son « oui » au chemin de sa Passion nous ouvre un chemin de salut. Alors regardons-le, pour nous laisser transformer par cette espérance qu’ouvre pour nous la résurrection.
Et oui, nous souffrons nous aussi de ce mal qui parfois semble s’acharner, celui qui traverse nos corps et nos cœurs comme celui dont nous sommes spectateurs et impuissants, dans le monde. Alors clouons-le avec le Christ sur le bois de la Croix, déposons-le dans la prière, laissons-le prendre avec nous ce mal au joug de sa Croix. Pour avancer avec lui, le Christ, sur le chemin que le Père va ouvrir en sa résurrection.
Fixer du regard la Croix, le Christ en Croix, c’est déposer ce que ce mal vient provoquer en nos vies et c’est élever le regard pour voir plus loin. Avec le Christ et par le Christ. Et c’est ce que nous sommes appelés à vivre avec lui, pour nous et pour le monde, c’est là qu’il veut nous conduire.
Et là nous allons pouvoir entendre cette Parole de confiance qu’on a entendue à la toute fin de l’évangile de ce jour et qui peut devenir nôtre : « Celui qui m’a envoyé est avec moi. Il ne m’a pas laissé seul » …
Dans le silence apparent de Dieu, qui peut être lourd et difficile parfois pour certains, le Père est pourtant en train d’ouvrir un chemin de salut. La résurrection est déjà à l’œuvre, car le Père n’abandonne pas le Fils, et par là-même nous murmure déjà sa présence pour tout-jours avec nous.
Alors élevons le regard vers la Croix vers le Christ en Croix ; pour nous et pour ce monde qui en a tant besoin… Amen.