Homélie mardi 10 oct. 2017

Mardi de la 27ème semaine du Temps Ordinaire

Jon 3,1-10 / Ps 129 (130) / Luc 10,38-42

Nous la connaissons bien cette page d'évangile et nous savons par exemple que nous pouvons en faire une lecture spirituelle en voyant en Marthe et Marie ces deux faces de nous-mêmes qui sont parfois en tiraillement, en conflit même.

J’aime imaginer ces deux soeurs dans leur quotidien, voir Marthe qui s’agite, parce qu’elle veut bien faire, et Marie, qui la connaît bien et qui sait bien que si elle ne reste pas avec leur invité il va se retrouver tout seul dans la pièce d’à côté !

Je la vois bien, Marthe, accaparée, nous a dit le texte, par ces multiples occupations du service, Marthe qui s’agite tellement quand dans ce court passage d’évangile elle prend toute la place, ou presque ! Une sorte de « moi, moi, moi » ! Tout est référé à elle dans ce qu’elle dit à Jésus et même plus largement dans ce qui nous est raconté. Et vous avez vu, d'ailleurs, comment elle lui parle ?! On nous dit que Jésus est accueilli chez elle, pas chez les deux soeurs, non, chez elle, Marthe. Que chez elle se trouve sa sœur, la sienne. Et elle reproche que sa sœur ne l’aide pas, ne l'aide pas elle. Et elle s’agite, c'est Jésus qui le dit. Elle prend beaucoup de place, Marthe, bien plus que ce pauvre Jésus qui a failli rester tout seul dans son coin à attendre que Marthe soit prête.

Et pourtant, elle voulait bien faire, Marthe, et d’ailleurs Jésus ne lui reproche pas d’avoir voulu bien faire. Ce qu’il lui dit et que nous entendons comme un reproche, c’est justement qu’elle s’agite, et que tout cela, dit le texte, lui donne du souci. Elle risque, Marthe, d’oublier l’essentiel, le seul nécessaire : celui qui est là, son ami, son invité ; ou plutôt, pour l’accueillir bien, elle risque d’oublier l’essentiel, l’unique nécessaire : se mettre à son écoute, prendre du temps avec lui ; peut-être même pour entendre son besoin.

Car, figurez-vous, que cette histoire a lieu, dans nos Bibles, juste après la parabole du samaritain. Nous y avons découvert qu’aimer s’est se faire proche et prendre soin de celui ou celle dont nous nous serons fait proche, celui ou celle dont nous nous serons approché pour prendre soin de lui.

Marthe et Marie, chacune à leur façon, sont en train de vivre cela, dans leur accueil de Jésus. Mais justement, pour prendre soin de celui que nous allons accueillir, il faut se rendre présent à lui, d’abord ; s’abaisser jusqu'à lui, dira même Jésus dans l'épisode du lavement des pieds dont je vous rappelle que chez St Jean, où il se trouve, il suit immédiatement une rencontre de Jésus chez ses amies Marthe et Marie, en Jn 12, et que c’est dans cette rencontre que Jésus reçoit de Marie ce geste, ce signe, du lavement des pieds…

Je ferme ma parenthèse… Rejoindre l’autre suppose de s’arrêter avec lui ; de s’arrêter, j’insiste ; ce que fait Marie. Sans doute que Marthe comptait bien le faire après, quand tout serait bien prêt. Mais Jésus a-t-il besoin de toute cette agitation ? A-t-il besoin que Marthe se donne et se fasse tant de souci ?

J’entends dans ces mots un appel à la simplicité. Je ne dis pas qu’il ne faut pas se mettre au service, évidemment, mais dans une simplicité qui permette de rester disponible à la rencontre de l’autre. C’est lui qui doit être le centre puisque c’est lui qui est accueilli…

Dans notre vie de chaque jour, c’est très concret tout cela. Dans la vie pastorale d’un prêtre, par exemple, elles sont si nombreuses les sollicitations et les occupations, les obligations aussi, les choses à faire pour que la paroisse fonctionne et que chacun assure son service, que parfois on manque de temps pour accueillir vraiment celui que nous recevons pour telle ou telle demande, ou on manque de temps pour prendre le temps de la prière, l’oraison notamment… S’arrêter, disais-je il y a quelques instants…

Et dans la vie communautaire ou familiale c’est pareil. Il me semble que le souci de bien faire ce qui a été demandé, ou de faire tout court ce qu’il y a à faire, peut parfois, je crois, prendre le dessus sur la qualité des relations ou de la présence à l’autre. Même si, pour vous, mes soeurs, la règle ou la vie commune vous aident et vous obligent à ne pas manquer à cet essentiel et unique nécessaire de votre choix de vie que sont l’oraison et la prière ensemble. Même si, parfois, même là notre cœur et notre esprit peuvent être bien accaparés par les soucis, même petits ou matériels, qui peuvent prendre alors le dessus…

Je pense encore à la liturgie, où nous savons bien que le souci de faire au mieux pour son Seigneur ou pour celles et ceux qui vont venir partager notre office peut parfois prendre le dessus sur l’essentiel, Celui que nous célébrons ; les détails, le perfectionnisme, les rubriques même. Alors même que c’est pour lui qu’on voulait bien faire… Faire simple, disais-je tout à l’heure ! Apprendre à faire simple, pour être pleinement présent…

Avec Marthe et Marie, je vous propose dans ce temps de silence que nous allons prendre maintenant de laisser remonter en nous ce que ces quelques mots éveillent ; et nous confions au Seigneur ce qui nous habite, peut-être ce qui nous agite. Et nous lui demandons dans cette eucharistie, la grâce de la présence à sa présence ; la grâce, aussi, d’une vie qui apprenne à se simplifier pour savoir nous rendre au mieux présent à celles et ceux dont nous allons nous faire proche parce qu’ils seront là sur notre chemin. Amen.

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