Homélie dimanche 11 janvier 2015

Dimanche 11 janvier 2015 - Baptême du Seigneur / Année B

Salagnon (avec baptême)

Is 55,1-11 / Ct Is 12,2.4bcd.5-6 / 1Jn 5,1-9 / Mc 1,7-11

Comment entendre ces textes au cœur de ce que nous vivons ? Au cœur de cette messe où il y a le baptême de Baptiste mais aussi et surtout au cœur de cette actualité terrifiante, osons-le dire, qui assomme certains d’entre nous depuis plusieurs jours et qui de toute façon ne peut pas nous laisser indifférents...

Faut-il faire un lien, me direz-vous, ne faut-il pas mieux nous concentrer sur notre foi, sur Jésus, sur Dieu, ne faut-il pas mieux vivre ce temps de ce matin, cette messe comme ce baptême, comme un petit havre de paix pour nous échapper un peu, justement, de l’horreur de ces derniers jours ?

Très franchement je ne sais pas, ou plutôt je ne suis pas sûr ; je crois même que c’est au cœur de cette actualité qu’il nous faut entendre ces textes et plus largement nous redire le sens de notre propre baptême. Car il y a un lien.

La 1ère lecture nous a dit ces mots que j’aimerais laisser résonner en nous : « Cherchez le Seigneur »… Pour moi c’est capital ! Je ne sais pas qui est Dieu pour un certain nombre d’entre vous, et pour quasiment chacun d’entre nous je ne sais pas quelle est vraiment notre foi, je ne sais rien de nos questions de vie et de sens de la vie, je ne connais pas grand chose de vos révoltes éventuelles contre Dieu ou de vos doutes. Ce que je sais, ou plutôt ce que je crois, c’est que Dieu, s’il existe, et vraiment je le crois, est présent à notre vie, même si nos yeux ne peuvent pas le voir. Ce que je sais, ce que je crois vraiment, c’est aussi qu’il nous laisse libre de lui faire une place ou pas, il nous laisse libre de l’associer à nos joies comme nos peines ou nos révoltes contre la vie ; que ça dépend pour une part de nous. Et c’est bien à nous de décider de lui faire une place et donc c’est bien à nous de nous demander, chacun, comment lui faire cette place, comme se donner quelques moyens pour le chercher. Car, nous a dit la 1ère lecture, il se donne à trouver à qui veut bien partir à sa recherche.

Je crois que Dieu est présent au cœur des évènements et des rencontres, et qu’il nous faut sans doute beaucoup de temps si ce n’est toute une vie pour apprendre à le reconnaître à l’œuvre dans telle rencontre porteuse de vie, dans telle parole d’espérance, dans telle amitié qui fait renaître. Je le crois vraiment.

Ok, me direz-vous, mais si Dieu existe, pourquoi tout ce mal et pourquoi, parfois ce mal au nom de Dieu, quelle que soit la religion ? Je n’ai pas de réponse à ce mystère du mal, et la Bible non plus. Elle fait comme nous le constat qu’il y a du mal, qu’il est là, qu’il se faufile dans notre vie comme le serpent de la Genèse. Elle nous dit aussi, et nous le savons bien, que nous sommes participants, malheureusement, de ce mal, jusque dans des toutes petites choses du quotidien. Chaque fois que nous manquons à l’appel de Jésus à aimer, aimer l’autre quel qu’il soit, quelle que soit son histoire, sa foi, ses choix de vie, aimer l’autre quel que soit aussi le mal qu’il puisse faire car il n’est pas que ce mal qu’il fait. Aimer et pardonner vont ensemble, dit Jésus ; il nous faut nous le redire, pas pour excuser, mais pour apprendre à s’autoriser à vivre les uns et les autres, pour apprendre à se donner les moyens de permettre à l’autre de ne pas être jugé et condamné que sur la mal qu’il a pu faire ou que je fais moi aussi.

Et tout à l’heure, juste avant le rite du baptême avec l’eau, nous redirons notre choix de combattre le mal, à notre mesure évidemment, un choix qu’impose le désir de vivre à la suite du Christ, celui que nous avons fêté en ce temps de Noël comme étant le Prince de la Paix, celui qui veut nous révéler un Dieu Père qui est là à nos côtés, mystérieusement mais réellement, un Dieu Père qui nous aime jusqu’à nous laisser libre de nous tromper ou de l’exclure de notre vie, un Dieu Père qui pardonne et nous appelle à pardonner, un Dieu qui voudrait sauver tous les hommes, c’est-à-dire nous donner de vivre libérés de tout ce qui nous empêche de vivre, de tout ce qui nous recroqueville sur nous-même, de toutes nos peurs et nos infirmités intérieures.

Je ne sais pas en quel visage de Dieu nous croyons, je ne sais pas ce que ces balbutiements provoquent ou réveillent en vous, mais c’est en ce Dieu là que nous sommes appelés à croire, c’est ce Dieu là que Baptiste comme chacun de nous est appelé à découvrir petit à petit, c’est ce Dieu là qui va souffler tout à l’heure à l’oreille du cœur de Baptiste : « Toi aussi je t’aime, toi aussi tu es mon fils bien-aimé, toi aussi j’ai besoin de toi pour apprendre à le dire un jour autour de toi, toi aussi je compte sur toi, à ta mesure, pour être cette voix qui dira l’espérance et la confiance, envers et contre tout, pour être aussi ces mains qui prendront soin de celui qui souffre, pour être encore ces pieds dont j’ai besoin, moi Dieu, pour aller à la rencontre de tous et de chacun ». Voilà ce que Dieu nous redit à nous tous aussi ce matin, voilà ce que je me permets de vous rappeler en son nom et grâce à Baptiste qui va être baptisé dans quelques instants.

Certes ça ne supprime pas le mal de notre vie ou nos incompréhensions face à ce mal. Mais je me permets juste de vous redire ce qui fait le cœur de notre foi chrétienne et qui peut être un réel moteur de vie, un réel moteur d’espérance et de confiance, c’est qu’en Jésus, de par sa mort sur la croix et sa résurrection, en Jésus Dieu nous dit que quoi qu’il arrive, avec lui, la vie et le don de soi par amour sont et seront plus fort que tout mal et que toute mort. C’est notre espérance, c’est ma confiance en Dieu ; c’est aussi notre responsabilité, celle de témoigner en actes, envers et contre tout, que l’amour est plus fort que la haine, que le pardon est chemin de vie et de libération, et que c’est notre mission à tous, à notre mesure évidemment, de faire advenir ce Royaume de Dieu qu’inaugure Jésus, un Royaume de justice, de paix et d’amour – ce dont manque cruellement notre monde, l’actualité nous le rappelle…

Alors je ne sais ce qu’éveillent en vous tous ces mots, ces paroles, je ne sais comment elles viennent vous rejoindre, mais j’aimerais qu’on prenne quelques instants de silence pour laisser tout cela bouillonner et remonter en nous ; et tout simplement, dans le silence de nos cœurs, nous offrons ce qui nous vient au Seigneur, c’est prière…

Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :