Homélie dimanche 14 avril 2024

3ème dimanche de Pâques - Année B

Ac 3,13-15.17-19 / Ps 4 / 1Jn 2,1-5a / Lc 24,35-48

 

Tout ça ressemble étrangement à ce qu’on a entendu dimanche dernier avec Thomas ! Jésus est là, au milieu des apôtres, Jésus leur dit « La paix soit avec vous », et il leur montre ses plaies : c’est bien lui, alors même que c’est impossible. C’est même incroyable, pourrait-on dire, dans tous les sens du terme : non seulement impossible à croire, tout autant qu’énorme, comme vous dire diriez – génial, quoi –, inimaginable au sens de « trop fort ce truc » !

C’est de fait impensable, inimaginable, incroyable, impossible, et pourtant Jésus est là. Et c’est une belle histoire qu’on connaît bien puisqu’on le fête chaque année et qu’on l’entend ensuite pendant 40 jours.

On comprend que les disciples et les apôtres soient bouleversés, qu’ils soient saisis d’étonnement. On le serait à moins que ça ! Mettons-nous à leur place ! Ils l’ont vu mourir, c’était l’échec complet vu qu’ils attendaient un messie – un libérateur – tout-puissant, et même politique, qui leur rendrait leur liberté et leur terre – je vous rappelle qu’à l’époque on vit sous l’occupation romaine. C’est l’échec total, en apparence : Jésus est mort comme le pire des malfaiteurs, il n’a rien pu faire pour se sauver lui-même et Dieu semble être rester absent de tout cela.

Alors oui, nous on connaît la suite, mais entendons avec les apôtres combien ils n’avaient pas vraiment entendu ce que Jésus avait annoncé petit à petit, entendons combien ils n’avaient pas compris ce qu’il voulait dire quand il leur avait dit qu’il fallait que le messie souffre, qu’il soit mis à mort, et qu’il ressusciterait le troisième jour. Ils connaissaient pourtant les Écritures, ils connaissaient sans doute le chant du Serviteur souffrant dans le livre du prophète Isaïe, mais non, leur attente d’un Dieu tout-puissant, leur désir d’un Dieu qui les délivre de façon impressionnante, presque magique, et le réel de la mise à mort de Jésus, tout ça a pris le dessus…

Mais n’allons pas trop vite les juger ou leur jeter la pierre… Parce que la question elle se pose aujourd’hui encore à chacun de nous : qu’est-ce que nous attendons, ou n’attendons plus, de Dieu ? Et cette histoire de résurrection qui nous est promise à nous aussi, est-ce que nous y croyons vraiment ? Est-ce qu’on y croit pour de vrai au sens d’y croire avec le cœur et pas seulement comme de belles idées, une sorte de « pourquoi pas » consolant ?

Pour le dire autrement : ça change quoi, tout ça, pour nous ?

Petite séquence témoignage : moi si j’y crois, c’est notamment parce que j’ai un jour fait une expérience spirituelle un peu étonnante qui m’a donné à pressentir que Jésus était là à mes côtés, qu’il était là avec moi ; et tout ça qu’on entend année après année, tout ce qu’on a m’avait déjà dit de Jésus – heureusement ! – ça a pris corps en moi, ça a pris sens ; notamment j’ai toujours été frappé par la promesse que Jésus fait aux apôtres à la toute fin de l’évangile de Matthieu, quand il les envoie en mission après sa résurrection et qu’il leur dit : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28,20b).

Je ne sais pas tellement dire pourquoi mais ces mots m’ont toujours touché. Comme si Jésus me disait à moi Christophe : « Je suis pour tout-jours avec toi » – toujours au sens de chaque jour et pour tout le temps…

Alors c’est vrai, c’est mystérieux tout ça, mais en tout cas je crois que j’ai toujours perçu – même si j’ai eu des périodes de doutes, comme tout le monde –, au fond de moi j’ai toujours perçu ces mots de Jésus comme une Parole de vie, une Parole de vérité. Comme l’eucharistie d’ailleurs – même si parfois on n’y comprend pas grand-chose – ; là aussi j’ai toujours pressenti qu’il se jouait quelque chose d’important, quelque chose de la présence de Jésus, mystérieusement mais réellement.

Et c’est ce qu’on a entendu dans cette page d’évangile : Jésus est là. Et il donne sa paix, cette paix dont on a tous tellement besoin, nous, chacun, et ce monde. Il donne sa paix à qui voudra bien la recevoir et reconnaître qu’il est là. Et il nous invite à la vivre, il nous appelle à en être témoins.

C’est le sens de ce geste de paix qui agace certains, juste avant la communion, cette paix que nous devrions nous échanger comme une prière pour l’autre et comme une promesse : « Je souhaite la paix pour toi, celle de Dieu, qu’il la dépose en toi, et je souhaite cette paix entre nous et entre tous. Viens, Seigneur, nous donner Ta paix ; que je sois et que nous soyons artisans de paix, de cette paix-là » …

Jésus donne sa paix. Il est là et c’est bien lui, il montre ses plaies. Il est là et voilà qu’il leur ouvre les Écritures. C’est exactement ce qu’on fait à chaque eucharistie ; et c’est ce qu’on est appelé à déployer aussi dans notre vie de prière personnelle ou ensemble, par exemple en petites fraternités autour de la Parole de Dieu.

L’enjeu d’ouvrir les Écritures c’est d’apprendre là à connaître mieux Jésus, c’est de comprendre qui il est et quel est le projet de Dieu, comment il est présent dans l’histoire, comment il se révèle, et à quoi il appelle son peuple et nous avec. Le connaître mieux, petit à petit, le comprendre mieux, pour apprendre à nous attacher à lui, à mettre pour de vrai notre confiance en lui, et nous laisser convertir à son projet de vie et d’amour pour nous et pour ce monde. Tout simplement.

Et pour cela y’a pas de recette magique autre que prendre le temps de lire, de contempler, d’écouter ce que Dieu veut aujourd’hui me dire au travers de ces vieux textes qui traversent le temps, de génération en génération.

Avec cet acte de foi à poser, cet acte de foi que petit à petit nous arriverons à poser mieux ou plus en vérité – celle du cœur – : croire que par ces textes Dieu nous parle aujourd’hui, parce que le Christ qui s’y révèle petit à petit et qui nous y adresse des appels – ses commandements –, le Christ est en sa personne la Parole de Dieu, cette Parole qu’il nous adresse, lui qui est vivant, ressuscité, présent autrement, mystérieusement, mais présent aujourd’hui encore, d’auprès du Père et par son Esprit Saint.

Il est là. Et il veut nous rejoindre nous aussi, encore. Et il nous appelle – on l’a entendu dans l’évangile comme dans la 1ère lecture – il nous appelle à accueillir et proclamer la conversion en son nom, pour le pardon des péchés. L’annoncer à d’autres, et pour cela en vivre déjà, le recevoir pour nous-mêmes.

On le sait, mais je vais quand même le redire : Jésus est mort pour nos péchés. Il est mort à cause du mal et de la violence des hommes qui défigure aujourd’hui encore nos vies et ce monde. Il a pris sur lui tout péché pour nous ouvrir un chemin de salut. Et ce chemin de salut c’est l’appel à croire que le mal que nous faisons, le péché, comme le mal que nous subissons, n’a pas et n’aura pas le dernier mot de nos vies, que la vie et le don de soi par amour sont plus forts que tout, avec Jésus – Jésus comme compagnon de route – ; et que le pardon – quand on y arrive – ça ouvre pour de vrai des chemins de vie et de résurrection, des chemins de vie re-suscitée au cœur de tout mal et de tout chemin de mort…

Alors demandons-nous qu’est-ce qui a besoin de cette vie renouvelée en nous – en chacun de nous et entre nous, dans nos familles ou dans nos lieux de vie et d’engagements, dans notre Église aussi. Demandons-nous qu’est-ce qui a besoin de ce pardon qui est résurrection, qu’est-ce qui a besoin de réconciliation dans nos vies, entre nous, qu’est-ce qui a besoin de cette paix que Jésus ressuscité vient offrir…

Voilà ce que nous pouvons déposer sur l’autel de l’eucharistie, en ce jour, avec le pain et le vin. Et voilà avec quoi nous pourrons nous avancer pour communier au sacrement de la présence du Christ ressuscité ou pour demander la bénédiction de Dieu.

Voilà en tout cas ce que nous avons à lui offrir pour accueillir là sa présence et pouvoir devenir témoins de sa résurrection et de son salut, comme il nous y appelle – c’était les derniers mots de cette page d’évangile – : « A vous, dit-il, d’en être les témoins. » Amen.

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