13 Avril 2024
Samedi 13 avril 2024
1Co 12,31 – 13,8a / Ps 33,2-9 / Mt 5,1-12a
Ils sont beaux ces textes que vous avez choisis, Axel et Doriane, mais je ne sais pas trop comment les uns et les autres on peut les recevoir, et notamment cette page d’évangile qui ne nous présente pas un bonheur spécialement enviable à première vue. Et pourtant je crois que ce que cette page d’évangile nous dit ça a justement à voir avec ce que veut dire aimer et donc avec ce qu’on a entendu dans la 1ère lecture.
Je m’explique ! Comment aimer, comment aimer en vérité, si je me suffis à moi-même, si je suis mon tout, si je ne suis pas en manque d’autre chose que moi-même et si je ne suis pas en manque des autres ? Je vous dis ça à l’écoute de la 1ère des béatitudes qu’on vient d’entendre : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ».
« Heureux les pauvres de cœur », c’est-à-dire ceux qui sont en manque de quelque chose. C’est ça être pauvre. Ceux qui sont en attente de ce qui leur manque, ceux qui sont dans le besoin, et que seul les autres – ou un autre – vont pouvoir combler un peu.
Comment aimer si je ne suis pas en manque de ce que l’autre pourra m’apporter ? Et peut-être même d’ailleurs, qu’est-ce que l’amour si ce n’est de faire l’expérience en soi qu’il y a de la place et de l’attente pour cet autre pour qui je sens une attirance, cet autre qui vient me bouleverser intérieurement ; et ça ça m’appelle, ça vient me faire toucher du doigt qu’il y a en moi de la place pour plus que moi ou plutôt pour plus que ce que je suis à moi tout seul.
Et ça, tout simplement parce que nous le savons tous, nous en faisons tous l’expérience d’une façon ou d’une autre, ce qui donne sens à notre vie à chacun, c’est cet appel intérieur, cet appel à aimer et à être aimé, ce besoin même d’être aimé et cette force en nous qui nous pousse à aimer l’autre en retour… Nous sommes faits pour aimer. Nous n’existons pas sans les autres…
Et si je continue avec les béatitudes qu’on a entendues dans l’évangile, qu’est-ce qu’aimer, aimer concrètement, si ce n’est consoler l’autre quand il pleure, si ce n’est prendre soin de lui et vouloir que justice lui soit rendue ? Qu’est-ce qu’aimer si ce n’est être miséricordieux et apprendre l’un et l’autre à l’être en vivant notamment des chemins de pardon et de réconciliation, entre nous quand nous nous faisons mal – et ça arrive, nous le savons bien – et en nous y aidant vis-à-vis des autres, au cœur de ce qui est peut-être difficile dans notre vie à chacun et même dans notre histoire personnelle…
Aimer c’est concret, ça n’est pas de grandes idées aussi belles seraient-elles. Et au cœur de notre foi, au cœur de notre vie chrétienne, c’est ça qui nous est demandé : aimer et nous aimer comme le Christ nous l’a révélé. Aimer et nous aimer car là est le sens de la vie. Dieu est amour et rien ne dit mieux le sens de la vie que ce qu’il est en lui-même – si nous croyons en lui – à savoir l’amour, l’amour en actes, l’amour qui se donne. Ce qu’on appelle la charité, l’amour qui partage et veut le bien de l’autre.
Et dans le texte de St Paul qu’on a entendu en 1ère lecture, c’est de cet amour-là dont il est question, l’agapè, l’amour de charité, l’amour qui donne et qui se donne.
Et que nous a dit St Paul ? Aimer ça suppose notamment de la patience, envers l’autre et envers soi-même. Aimer ça suppose de l’humilité, c’est-à-dire reconnaître que nous sommes petits face à la vie, face à l’autre, face à ce que nous voudrions être pour l’autre. Aimer ça va aussi appeler beaucoup d’écoute et de mise en mots avec l’autre, se dire les choses, nos convictions, nos projets, mais aussi nos peurs, nos doutes, notre mal-être. Pour que l’autre avance avec nous – que nous avancions ensemble – et pour que l’autre porte avec moi ce qu’il y a à porter. Pour que la traversée soit le plus paisible possible, la moins houleuse possible.
Parfois c’est notre relation à deux qui sera plus difficile, pour tout un tas de raisons. Et là il va falloir apprendre et réapprendre à oser se dire les choses, faire un pas vers l’autre, écouter son point de vue, et discerner ensemble comment on va pouvoir continuer à avancer.
Et parfois on aura besoin d’un tiers qui soit là pour nous aider à entendre ce qui se joue dans ce qui nous arrive, un tiers pour entendre nos peurs ou notre incompréhension de l’autre. Et ce tiers, n’oubliez pas Axel et Doriane, que ça peut aussi être Dieu, Dieu que vous avez voulu associer à votre chemin, à votre engagement, Dieu qui s’engage avec vous et qui prendra la place que vous lui laisserez, la place que vous lui donnerez. Car c’est ainsi qu’est l’amour véritable : jamais il ne contraint l’autre ou ne le laisse libre.
Dieu ne prendra que la place que vous lui laisserez. Sans doute vous soufflera-t-il qu’il est là, qu’il faut oser crier vers lui ou lui confier vos joies, sans doute essayera-t-il de se faire proche par tel ou tel qu’il mettra sur votre route.
Faites-lui place, Axel et Doriane, osez le prier, c’est-à-dire lui partager tout simplement ce qui fait vos joies, vos inquiétudes et vos questions et ce que vous avez à vivre au fil des jours. Demandez-lui qu’il vous éclaire, qu’il vous accompagne, demandez-lui qu’il agisse aussi au cœur de ce que vous avez à décider. Et aidez-vous l’un l’autre à cela.
C’est en cela que le mariage est un sacrement : non seulement vous êtres signe pour nous de l’amour possible, l’amour qui donne sens à toute vie, l’amour qui est finalement la seule richesse à désirer, cet amour qui vient de Dieu et qui est Dieu lui-même, mais c’est encore un sacrement parce que Dieu n’a pas d’autre moyen pour nous aimer concrètement et pour nous le dire que par celles et ceux qu’il met sur notre route. Vous devenez l’un pour l’autre la voix de Dieu pour consoler et encourager, vous devenez l’un pour l’autre les mains de Dieu pour prendre soin et pousser à aller plus loin, vous devenez sa présence qui veut rejoindre l’autre et qui veut par vous rejoindre celles et ceux qui sont en attente d’un salut, celles et ceux qui peinent et qui ont besoin que Dieu se fasse proche et qu’il fasse quelque chose pour eux.
Alors merci Doriane et Axel de nous donner de réentendre tout cela aujourd’hui en décidant de vous marier à l’Église et d’associer Dieu à votre engagement. Merci, oui, même si c’est vrai que je ne sais pas, pour certains d’entre vous, comment vous recevez ces mots. Je vous propose en tout cas qu’on prenne quelques instants de silence, là maintenant, pour laisser tout ça descendre en nous et pour recueillir bien simplement ce que ça vient éveiller en nous. Et pourquoi pas l’offrir au Seigneur dans le silence de nos cœurs, le lui déposer, le lui confier… C’est ça prier… Amen.