Homélie de mariage de Louise et Thomas

Samedi 20 avril 2024

Ct 2,8-10.14.16 ; 8,6-7a / Ps 148 / Jn 15,1-16

 

Ces textes nous parlent d’amour… La 1ère lecture d’abord, cet extrait du Cantique des cantiques, presqu’un peu idyllique – j’avais même envie de dire : presqu’un peu trop idyllique –, ce texte, donc, avec cette force de l’amour qui appelle à aller à la rencontre de l’autre, cette force de l’amour que l’auteur ose qualifier de plus fort que tout, y compris plus fort que la mort, et que rien ne pourrait éteindre… Si seulement !? … Mais je vais y revenir…

Et puis cette page d’Évangile… Sauf que là il est question non pas d’amour mais d’appel à aimer, cet appel qui est le cœur du message de Jésus, ce qu’il est venu nous révéler de Dieu, ce qu’il nous demande de retenir de tout ce qu’il a enseigné et qu’il nous appelle à vivre : nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés. Dans les autres évangiles il dira : aimer Dieu et aimer son prochain comme soi-même…

Je disais qu’il n’est pas là question d’amour mais d’appel à aimer, et c’est en fait un peu différent… D’ailleurs ce que nous célébrons aujourd’hui avec vous, Louise et Thomas, ça n’est pas le fait que vous vous aimiez, ce n’est pas le fait que vous soyez amoureux, mais c’est le fait que vous décidiez de vous engager à aimer l’autre et que vous fassiez ce pari de confiance – c’est ça la foi – que Dieu sera avec vous sur ce chemin car déjà il y est puisque vous avez décidé de l’associer.

On ne se marie pas parce qu’on s’aime – du moins pas seulement et pas pour se faire croire qu’on s’aimera toute la vie de ce sentiment amoureux du début ou de celui qui nous habite encore, non –, on ne se marie pas seulement parce qu’on s’aime mais on se marie pour s’aimer. Pour apprendre, au fil des jours, à aimer de cet amour dont parle le Christ, pour apprendre à s’aimer vraiment au cœur du réel de ce que l’on est et de ce que l’on va décider et choisir de vivre jour après jour, ce qu’on va décider et choisir de construire avec l’autre et pour l’autre.

Et ça c’est chemin de vie, c’est le pari de confiance que nous osons poser ; c’est chemin de bonheur, y compris au cœur des épreuves du quotidien qui surgiront ; car un mariage chrétien n’est pas plus solide en soi qu’un autre, il est ce qu’on décidera d’en faire avec les moyens qu’on se donnera.

Et si aujourd’hui vous avez décidé librement d’avancer, Louise et Thomas, non sans questions personnelles ou familiales qui ont traversé ces longs mois de discernement et de préparation au mariage, si aujourd’hui vous décidez librement de poser cet engagement à vous aimer, cet engagement à vous donner à l’autre et à l’aimer au fil des jours et des années, c’est parce que vous avez pressenti que là il y avait un chemin de bonheur possible pour vous et pour l’autre.

Mon bonheur c’est l’autre, dans la réciprocité du don mutuel ; et le chemin de bonheur pour l’autre devient le mien car c’est le nôtre ensemble.

Même si, en vous disant cela, j’ai bien conscience, comme nous tous ici, que tout n’est pas évident dans une vie à deux, sans même parler du fait que tout n’est pas évident déjà dans nos vies à chacun. Je sais bien que nous avons tous l’expérience, d’une façon ou d’une autre, de l’échec de tel ou tel couple autour de nous ; mais aussi celui des épreuves qui viennent mettre à mal notre idéal et celui de nos choix ; je sais bien les pertes de confiance et même les « engueulades » où l’on se fait mal, je sais bien les pardons qu’il faudra alors se donner et parfois décider de bien vouloir offrir quand même et malgré tout à l’autre.

Et pourtant, je crois aussi que durer, et le décider, c’est se donner pour de vrai, par amour ; et que traverser les épreuves quelles qu’elles soient, et là se faire aider, c’est chemin de vie.

La foi chrétienne – notre foi – ne dit pas autre chose. Et c’est ce que nous avons fêté à Pâques et tous ces jours depuis : nous croyons que le mal et les épreuves de toute vie n’ont pas le dernier mot, nous croyons que la vie et le don de soi par amour sont plus forts que tout mal et que tout chemin de mort, malgré les apparences premières et immédiates, et si l’on accepte un salut, une aide qui puisse être donnée dans le temps. Un salut qui vient de Dieu.

Si Dieu existe, ce que je crois, alors il peut des miracles dans nos vies. Pas de façon magique – ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit – mais grâce aux uns et aux autres qui vont croiser notre route, grâce aussi à ce qu’il soufflera en nos cœurs qui vont se tourner vers lui et qui vont implorer sa lumière et sa paix… Car Dieu nous aime – notre page d’évangile nous l’a redit – et il veut pour nous la joie véritable, la joie profonde qui se fait paix du cœur.

Mais Dieu ne fait et ne fera rien sans nous. L’amour laisse libre. Dieu nous laisse libres de lui faire place et de l’associer ou non à notre chemin de vie. Mais il veut être là, quoi qu’il arrive, si nous voulons bien l’associer. Et alors nous pouvons faire l’expérience qu’il est là, oui, qu’il est là mystérieusement mais réellement, et qu’il est prêt à marcher avec nous – c’est tout le mystère de ce que nous allons célébrer avec l’eucharistie et c’est tout le mystère et la promesse de vie de la résurrection de Jésus.

La question pour vous, Louise et Thomas, comme pour nous, c’est celle de la place que nous faisons et que nous ferons à Dieu. Et par pitié, n’attendez pas les moments difficiles pour vous tourner vers lui, comme un ultime recours, un « au-cas-où ». Faites-lui place, comme vous avez décidé de le faire aujourd’hui, faites-lui place dans l’humble quotidien des jours, partagez-lui dans la prière personnelle et dans la prière commune vos joies, vos questions aussi, vos peurs à dire les choses parfois, vos colères ou vos besoins de pardon – entre vous et plus largement avec celles et ceux qui vous entourent ou que vous rencontrerez.

Faites-lui place, demandez-lui sa lumière et sa paix ; et demandez-lui la force du pardon et de la réconciliation quand il y aura besoin, car Jésus nous l’a enseigné : il n’y a pas d’amour vrai sans pardon. Il l’a vécu jusque sur le bois de la Croix…

Il nous appelle à nous aimer les uns les autres comme lui nous a aimés, lui qui a donné sa vie par amour jusqu’au bout, lui qui ne s’est pas défilé, lui qui n’a pas sauvé sa peau. Mais qui a consenti librement à aller jusqu’au bout et se laisser sauver par le Père et par l’Esprit Saint qui l’a ressuscité, l’Esprit Saint qui a re-suscité la vie au cœur du mal et de la mort qui l’emportaient.

Alors je le redis : nous croyons – c’est notre foi – qu’avec le Christ la vie est plus forte que tout mal et que tout chemin de mort, malgré les apparences premières et immédiates. Gardez-confiance en cela, Louise et Thomas ; gardez-confiance en cela jour après jour, et faites-en un moteur de vie, un moteur de confiance et d’espérance. Pour aimer comme lui, le Christ nous a aimés, pour vous aimer l’un l’autre, Louise et Thomas, comme lui le Christ nous y appelle et nous l’apprend…

Il est là avec vous. Dieu s’engage avec vous. A la mesure de la place que vous lui laisserez. A l’écoute de ses appels et de ses commandements, comme disait l’évangile. Enracinez-vous dans son amour, demeurez en lui, gardez ses commandements, alors votre vie rayonnera de cet amour qui vous habite et qui vous pousse à vous engager et à décider de vous donner l’un à l’autre pour vous aimer, vous aimer comme lui nous a aimés, et croire que ce sera chemin de vie et de bonheur.

Dieu s’engage aussi par celles et ceux qu’il met sur notre route, et il s’est déjà engagé sur ce chemin. Cela nous rend responsable nous aussi qui sommes là, à notre mesure évidemment, mais responsables d’oser vous aider quand il faudra, en tout cas d’être présents à vos côtés et de vous soutenir dans ce que la vie vous donnera de vivre. Chacun à notre petite mesure, je le redis, mais toute notre mesure.

Et nous aussi, n’hésitons pas du coup à demander au Seigneur dans la prière ce qu’il attendra de nous dans telle et telle situation, qu’il nous éclaire, qu’il nous aide, qu’il souffle en nous ce qui doit se dire ou se vivre, qu’il nous donne les mots, les justes attitudes, la paix du cœur aussi – car là est cette joie promise dont parle Jésus dans l’évangile…

Louise et Thomas, nous sommes venus ce matin vous entourer de notre affection et de notre prière… Je ne sais comment les uns les autres nous recevons ces mots et ces appels ; mais je propose qu’on prenne quelques instants de silence pour recueillir bien simplement ce qui, là maintenant, monte en nous, et pour l’offrir bien simplement au Seigneur – le Seigneur qui nous promet sa présence et qui nous promet même que nos justes prières seront exaucées si nous vivons et demeurons en lui, en sa présence, en son amour.

Alors oui, nous prenons quelques instants de silence… Nous confions bien humblement au Seigneur ce qui nous habite ; et nous le prions pour vous, Louise et Thomas. Amen.

Partager cet article
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :