Homélie dimanche 28 avril 2019

(Abbaye Santo Domingo de Silos, Espagne)

(Abbaye Santo Domingo de Silos, Espagne)

2ème dimanche du temps pascal / Année A

Dimanche de la miséricorde

 

Abbaye ND-de-Saint-Remy de Rochefort (Belgique)

 

Ac 5,12-16 / Ps 117 (118) / Ap 1,9-11a.12-13.17-19 / Jn 20,19-31

 

Thomas, nous le connaissons bien, je crois, Thomas dit « le jumeau », Thomas notre jumeau en qui se reconnaissent beaucoup de nos contemporains, car beaucoup, comme lui, veulent bien croire mais aimeraient quelques preuves. Que ce soit de la résurrection, que nous fêtons ce jour, ou que ce soit de l’existence de Dieu ou de sa puissance au cœur de ce que la vie nous fait traverser.

 

Thomas, nous l’avons entendu, n’était pas là quand Jésus ressuscité est apparu pour la première fois aux disciples, le soir de Pâques. On ne sait pas s’ils l’ont reconnu immédiatement ou non, au premier coup d’oeil. Sans doute que non, comme dans tous les récits d’apparition. Car à la fois c’est bien lui et en même temps il faudra toujours faire un pas, le pas de la foi, pour le reconnaître. C’est bien lui, les marques de sa crucifixion vont bien en attester, c’est bien son corps, et en même temps ça n’est pas visible ou évident ou reconnaissable au premier coup d’œil.

 

Rappelons-nous : St Paul parlera de corps spirituel (en 1Co 15), ce que nous appelons aussi le corps glorieux ; c’est bien le corps, le vrai corps, qui ressuscite, ou qui est appelé à la résurrection, pour nous, mais complètement libéré de tout ce qui l’entrave ici-bas.

 

Pour le dire autrement : au jour de notre propre résurrection définitive ce sera bien nous, dans notre corps, pas seulement notre âme, mais notre corps libéré de tous ses liens, de tout ce qui nous replie ou nous paralyse, tout ce qui nous empêche d’être pleinement des vivants debouts. A l’image de cette guérison que le Christ fit un jour, racontée en Lc 13 (versets 10-17), avec cette vieille femme recourbée, pliée en deux comme si elle avait travaillé toute sa vie aux champs, cette vieille femme que Jésus va décourber, déplier.

 

Nous serons libérés de ce qui entrave notre vie, physiquement déjà, nos maladies ou handicaps par exemple, du moins leurs effets ou leurs chaînes, libérés aussi ce qui entrave notre vie psychologiquement et moralement, libérés du mal et du péché. Et enfin libérés de la mort, la mort comme fin de toute vie, comme en témoignent ces récits d’apparitions que nous entendons ces jours.

 

C’est donc bien Jésus qui est là, mais dans son corps glorieux, son corps qui reste marqué du mal qu’il a traversé mais qui est libéré des effets de ce mal.

 

Et quand les disciples le reconnaissent ils sont dans la joie : Dieu a bien sauvé son Fils, malgré les apparences déconcertantes de sa mort en croix ; la puissance de Dieu a bien fait son œuvre, autrement que nous aurions pensé ou voulu mais réellement : oui, la mort a été vaincue, la vie a été, est et sera plus forte que tout mal et que toute mort. Et ce que Jésus incarne là, ce qu’il incarne jusque là, nous est promis à nous aussi, aussi mystérieusement que cela puisse paraître, aussi incroyable cela puisse-t-il être pour nos esprit rationnels qui veulent tout comprendre pour y croire, nos esprits bien humains qui sont comme Thomas, qui veulent des preuves, alors oui nous voudrons bien croire.

 

Or la foi, croire, c’est faire confiance. Nous n’aurons jamais de preuves en tant que tel, nous ne serions plus libres de croire. En effet, qu’est-ce que serait l’amour de Dieu, qu’est-ce que l’amour, s’il ne laisse l’autre libre quoi qu’il arrive ?! Croire sera toujours une invitation à consentir à la confiance.

 

Certes nous pouvons discerner ci ou là des traces de la présence de Dieu qui nous permettent ce consentement et cette confiance, nous pouvons être touchés par le mystère d’une Présence dans la prière ou les sacrements ou par le témoignage d’autres croyants avant nous ou autour de nous qui sont des témoins en actes de Dieu par leur vie d’Evangile. Mais comme Thomas il va nous falloir accepter au final de consentir dans la confiance.

 

Et voilà que nous sommes bien les jumeaux de Thomas, appelés à croire sur parole, celle d’autres avant nous, celle du Christ aussi à l’écoute de qui nous nous mettons semaine après semaine, dimanche après dimanche, jour après jour. Car Thomas, si nous entendons bien ce que l’Evangile nous a dit, Thomas qui voulait toucher pour croire vraiment, a finalement fait le pas de la confiance, sur parole, sur la parole de Jésus.

 

Parce que le Christ ressuscité lui dit qu’il peut toucher alors il croit. On ne nous dit pas qu’il a touché. Et si c’était le cas on ne passerait pas ce détail qui n’en est pas un sous silence. Non, Thomas entre en dynamique de confiance, sur parole. Et en cela nous n’avons rien à lui envier. Certes il a vu le Christ ressuscité de ses propres yeux et il y a là une réelle différence avec nous, plus de 2000 ans après, mais comme nous il n’a finalement pas touché, il n’a pas eu cette preuve là, il a cru. « Parce que tu m’as vu, tu crois », dit Jésus. Et il ajoute : « Heureux ceux qui croient sans avoir vu. »

 

Heureux sommes-nous, nous qui croyons ou qui apprenons à consentir à la confiance sans avoir vu, nous qui avançons et qui croyons sur paroles, celles du Christ qui nous promet sa présence aujourd’hui encore, par sa Parole que nous proclamons et écoutons, par son Église, par les sacrements et tout particulièrement celui de l’eucharistie que nous célébrons ce matin ; heureux sommes-nous, oui, nous qui avançons dans la foi et qui croyons sur paroles, celles encore de tous ceux et toutes celles qui nous ont précédés ou qui nous entourent.

 

Entrons et marchons chacun dans la joie du ressuscité, dans la joie d’une confiance renouvelée, la joie de cette promesse de vie qu’est la résurrection, promesse de vie dès aujourd’hui, pour l’aujourd’hui de nos jours, promesse de vie aussi pour ce passage que nous aurons tous à vivre comme le Christ et avec lui, le passage de la mort, le passage de la mort à la vie éternelle, le passage pour toujours dans l’amour miséricordieux du Père, cet amour qui console, qui pardonne, qui libère de toute entrave, cet amour qui rend vivant pour tout-jour et qui donne la paix, comme le Christ le dit à trois reprises à ses disciples, comme le Christ veut nous le dire à nous aussi, à chacun, ce matin.

 

Au cœur de cette eucharistie nous lui faisons cette confiance là, cette confiance de vie. Et tout à l’heure en présentant nos offrandes, présentons chacun ce qui dans notre vie a très concrètement besoin de cette paix, présentons lui ce qui a besoin de sa lumière de ressuscité.

 

Que l’Esprit Saint vienne là agir en nos vies, qu’il nous transfigure et qu’il nous sauve, lui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. Amen.

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