Croire quand même

http://www.laprocure.com/cache/couvertures_mini/9782916842103.jpgCe titre un peu provocateur est celui d'un livre d'entretiens que je viens de terminer , une sorte de libres porpos en dialogue du théologien Joseph Moingt.  Le projet de l'ouvrage, tel que le définit l’éditeur dans les premières pages, est le suivant : « faire découvrir de façon accessible au plus grand nombre – chrétiens ou non, croyants ou non – la richesse d’une pensée complexe, nuancée sans être « jésuistique », assurée sans être jamais péremptoire, une pensée qui a de plus le grand mérite d’être en phase directe avec les enjeux contemporains du croire en général, et avec les défis lancés au catholicisme en particulier, dont la crise profonde n’aura échappé à personne. » Comme le dit Joseph Moingt à la toute fin du livre il s’agit bien plus d’une crise de notre civilisation, bien plus largement qu’une simple crise du catholicisme qui en subit forcément les conséquences dans ce rapport au monde qu’il vit et dans le poids de son histoire et de son rapport à cette histoire, dans sa Tradition et sa façon de vivre institutionnellement aujourd’hui.

Joseph Moingt, jésuite, est un théologien spéculatif intéressant mais habituellement un peu compliqué, osons le dire, voire complexe. Au terme de la publication de plusieurs livres dans lesquels il essaye de repenser et d’exposer la foi de l’Eglise en un Dieu qui est venu à l’homme par cet homme, Jésus, devenant Dieu – nous reprenons là les titres des volumes composant cette œuvre impressionnante – et alors même qu’il se relançait dans l’écriture d’autres volumes pour continuer à penser et repenser à nouveau la foi chrétienne dans son « histoire » plus large du religieux et de l’aspiration de l’humanité à une conscience du divin et d’un salut, Joseph Moingt a accepté l’idée de ce livre d’entretiens pour tenter de « vulgariser » sa pensée et même plus que sa pensée, la foi de l’Eglise dans son débat actuel avec les questions qui traversent notre société, et ce jusque dans sa remise en question de l’institution Eglise.

Le livre – au titre un peu terrible, je trouve – est passionnant et se veut vraiment un essai de partage au plus grand nombre de son essai de « synthèse » repensée de la foi et des dogmes qui la structurent. La forme d’écriture en libres propos et en dialogue permet au théologien d’essayer de clarifier sa pensée, quand elle pourrait redevenir complexe et spéculative, le tout en osant mettre en mots la vision de l’Eglise qu’a notre auteur et celle de son avenir y compris institutionnel, dans ses limites et une certaine incapacité, d'après l'auteur, à envisager sa vraie « réforme » – pour notre théologien l’Eglise reste trop cléricale et dogmatique et semble se bi-polariser entre un mouvement de retour à un certain traditionalisme et un autre mouvement plus charismatique, avec une sortie de l’Eglise de tout ce courant que j’appellerai de « réforme », lié aux espérances de Vatican II.

On pourra reprocher à l’ouvrage son côté un peu décousu qui, du coup, n’en facilite pas toujours la lecture même si la parole y est dynamique – il faut s’accrocher même si cela se veut une « vulgarisation » et même si celle-ci est en partie réussie. On peut noter la richesse de ce qui est développé autour de la question de savoir ce qu’est la foi et même l’être chrétien au regard des appels de l’Evangile ; en effet la foi y est définie avant tout comme conviction et engagement dans un style de vie évangélique, comme relation de personne à personne et confiance en la bonté paternelle d’un Dieu qui se révèle dans un homme, comme acte de marcher, d’aller de l’avant, en osant croire que les ténèbres n’arrêtent pas la lumière. Être chrétien c’est lire l’Evangile pour le vivre en actes et c’est le lire ensemble ; ainsi l’avenir de l’Eglise passera par des petites communautés de disciples de Jésus lisant et vivant concrètement l’Evangile. La question reste de savoir quels ministères aideront les communautés à se nourrir de l’eucharistie qui reste l’acte cultuel qui nous relie de façon particulière et spécifique au Christ lui-même dans ce faire-mémoire auquel il nous invite.

Joseph Moingt, Croire quand même, TempsPrésent, coll. "Semeurs d'Avenir", décembre 2010, 244 pages.

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