Homélie « 1ère » messe Emmanuel A.

Lundi 30 juin 2014

Cathédrale ND, Grenoble (Mission Bonne Nouvelle)

Am 2,6-10.13-16 / Ps 49 (50) / Mt 8,18-22

Si cette page d’évangile qu’on vient d’entendre peut trouver assez facilement résonnance avec cette 1ère messe – comme on dit – que nous célébrons, dans cet appel réaffirmé avec force à suivre Jésus quoi qu’il arrive, il est vrai que la 1ère lecture de ce jour a quelque chose de franchement décalé, provocant même, violent aussi… Et pourtant… La question, comme toujours, c’est celle d’entendre dans ces Paroles là, au cœur de ce que nous célébrons, ce que Dieu veut nous dire aujourd’hui, et tout particulièrement ce qu’il veut te dire à toi, Emmanuel, dans ce ministère que tu as reçu hier et qui va désormais façonner ta vie, petit à petit.

La 1ère lecture nous rappelle la dimension prophétique de toute vie chrétienne et donc, aussi, du ministère presbytéral. Nous sommes tous prêtres, prophètes et rois, depuis notre baptême. C’est notre égale dignité, rappelle à plusieurs reprises le concile Vatican II ; et les ministères sont au service de cette triple identité et mission de chacun de nous et de toute l’Eglise.

Je crois que nous avons à réveiller notre dimension prophétique pour vivre la mission aujourd’hui. C’est-à-dire nous mettre résolument à l’écoute de la Parole de Dieu et décider résolument d’en vivre et de la vivre pour de vrai, jusqu’à apprendre et à oser, dans la bienveillance, nous réveiller les uns les autres de nos endormissements spirituels. On peut être très bien ensemble, entre nous, on peut se retrouver entre soi pour prier et se faire du bien, on peut faire de belles liturgies ou suivre de belles retraites ou formations, sans pour autant vivre l’Evangile pour de vrai… C’est-à-dire annoncer en paroles et en actes la Bonne Nouvelle du Salut que Jésus propose à ce monde. Le prophète Amos dénonce justement le fait que le peuple ne vive plus les appels de Dieu et il dénonce qu’on oublie ce que Dieu a déjà fait pour nous et ce qu’il attend de nous, très concrètement…

Réveiller la dimension prophétique qui est la nôtre ne veut pas dire entrer en guerre avec le monde ou la société parce que nous aurions la bonne façon de voir et de savoir ce qu’il faut faire. Non, comme le disait Jean XXIII à l’ouverture du concile, il ne s’agit pas d’être des prophètes de malheur qui ne voient que ce qui ne va pas !

A la suite de Jésus, après Amos et tous les autres, être prophète c’est rappeler à chacun que Dieu est là, présent et donc à l’œuvre, c’est rappeler que Dieu parle au travers des évènements et des personnes rencontrées, c’est rappeler que nous sommes faits pour aimer, aimer concrètement, aimer chacun quel qu’il soit, quelle que soit son histoire, et même quel que soit le mal qu’il ait pu faire, c’est-à-dire rappeler qu’en chacun il y a quoi qu’il arrive du bon et du beau, que chacun a quelque chose à offrir à ce monde, même s’il ne le sait pas. Peut-être que c’est très caché ou très enfoui, en apparences, que c’est à faire germer et éclore, mais n’oublions jamais que Dieu a déposé en chacun son souffle de vie et, comme le dit le concile, que l’Esprit est à l’œuvre dans ce monde et dans les cœurs, même en dehors de l’Eglise.

Le prophète ce n’est pas celui qui dénonce au sens de porter un jugement qui condamnerait et qui clouerait l’autre au sol, non ; c’est celui qui parle au nom de Dieu et rappelle le chemin de vie que Dieu propose. Pour que nous passions de l’ombre à la lumière. Un chemin que nous avons tous à vivre, avec Jésus, et en demandant sa force qu’est l’Esprit Saint.

Toi aussi, Emmanuel, tu auras à le vivre, comme prêtre, c’est-à-dire au service de celles et ceux qui vont t’être confiés. C’est désormais ton chemin pour suivre Jésus. Fatiguant, tu verras, mais passionnant. Fatiguant car c’est dur cette sortie de chrétienté dans notre vieille Europe, c’est dur par exemple de vivre en paroisse en ne se laissant pas enfermer par les modèles du passé qui ne fonctionnent plus. Mais c’est passionnant ; c’est passionnant car Dieu est toujours à l’œuvre dans ce monde et Dieu n’abandonne pas son peuple ; du coup c’est passionnant car nous avons à vivre une mission d’écoute et de discernement, de prière, d’accompagnement et de conduite des communautés, et que c’est beau d’être témoins des passages que les uns ou les autres peuvent vivre. Passionnant aussi car être prêtres ce n’est pas être des fonctionnaires du culte ou d’une boutique-paroisse à faire tourner mais c’est apprendre à devenir missionnaire et à permettre à d’autres de l’être et de le devenir toujours plus, chacun à sa mesure, chacun à sa place.

Jésus a été un marcheur infatigable qui allait à a rencontre des uns et des autres, qui aimait chacun au cœur de ce qu’il vivait, qui relevait ceux qu’il rencontrait. Nous sommes parfois frustrés ou déçus de n’avoir pas assez de temps pour vivre plus pleinement cette dimension de notre ministère tellement la mission est grande et vaste… Mais Jésus lui non plus n’a pu se rendre présent à tous, dans les foules. Jésus s’obligeait même à partir plus loin, ailleurs, pour se poser, se ressourcer auprès du Père, dans le silence du désert et de la prière, composante essentielle et fondamentale de qui veut être disciple missionnaire à la suite de Jésus et donc de tout ministère. Jésus, enfin, a été celui qui formait et enseignait ses proches et les foules pour qu’ils vivent avec lui et après lui sa mission…

Alors puisses-tu, Emmanuel, et puissions-nous, prêtres et plus largement vous tous, redire aujourd’hui à Jésus : « Oui, je veux Te suivre. Je veux Te suivre là où la vie et la mission m’entraîneront. Oui, Jésus, je veux faire de Toi le Maître de ma vie ».

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