14 Juillet 2016
Jeudi 14 juillet 2016 à l'église de Ruy
[Ct 2,8-10.14-16a ; 8,6-7a / Ps 33 (34) /] Lc 24,13-32
J’aime beaucoup cette page d’Evangile… La question qu’il faut qu’on se pose et qu’il faut que je me pose pour vous c’est de savoir ce qu’est-ce que ces textes peuvent nous dire de ce que nous célébrons cet après-midi ?
Je le disais au début de cette célébration, je ne sais pas qui est Dieu pour la plupart d’entre vous, je ne sais pas ce que vous vivez et traversez, je ne sais pas quelle est votre foi, je ne sais pas si Dieu est une évidence ou une question ou rien du tout ou une hypothèse ou quelqu’un… Ce que je sais c’est que Dieu – le Dieu que me révèle Jésus Christ – il est comme cet homme sur le chemin d’Emmaüs, un Dieu discret, qui ne s’impose pas, qui se dévoile petit à petit, mais qui est là. Un Dieu qui nous invite à poser un acte de foi, un acte de confiance. S’il existe, ce que je crois, alors il est là mais à la mesure de la place que je lui laisserai… Et il va se rendre présent à ma vie dans les rencontres et les évènements qui vont donner sens à ma vie. Je le reconnaîtrai ou pas, j’y croirai ou pas, c’est laissé à ma liberté.
C’est ce Dieu là qui nous rassemble et je crois que c’est exactement cela le sens de ce que nous célébrons cet après-midi. Certes nous rendons grâce pour cet amour que vous avez l’un pour l’autre et qui vous fait vivre, qui a donné la vie, et qui est appelé à porter du fruit, pour vous déjà, dans le soutien mutuel que vous décidez de vivre ; certes nous rendons grâce pour cet engagement que vous posez, cette décision que vous prenez, le choix que vous faites de ne pas subir ce qui adviendra mais de prendre en main votre chemin, quel que soit l’avenir et les sinuosités de la route. Mais au cœur de tout cela, ce que nous célébrons et qui différencie cette célébration de votre mariage civil contracté il y a quelques mois, c’est votre choix d’associer Dieu à cet engagement.
Et ce que j’aime dans cette page d’Evangile qu’on vient d’entendre c’est que ça nous dit pour une part comment avancer dans une vie avec Dieu, ou plutôt comment Dieu vient nous rejoindre dans notre vie. Je le disais, il arrive sans s’imposer, presqu’à l’improviste. C’est vrai qu’on aimerait parfois un Dieu qui nous en mette plein la vue, qui nous protège un peu magiquement, qui réponde à nos demandes qui nous semblent toutes très légitimes ; or nous faisons le constat que si Dieu existe il ne fonctionne pas comme cela, il ne s’impose pas, il va falloir apprendre à découvrir qu’il était là. C’est exactement ce qui se passe dans cette histoire. Et ce qui m’intéresse c’est qu’il vient au cœur de ce que ces deux disciples sont en train de vivre, au cœur de leur questionnement et même de leur désespérance – ils viennent d’assister à la mort de Jésus dont ils avaient compris qu’il serait leur Sauveur, et ils pensaient que ce serait un libérateur politique vu que leur pays était sous l’occupation ; en plus il avait dit que l’amour peut tout sauver et que la vie peut être plus forte que le mal et même que la mort ; mais ils viennent de le voir mourir, Dieu apparemment ne l’a pas sauvé et l’a laissé souffrir injustement… Ils sont désespérés et ils retournent à leur vie d’avant… Et voilà que cet homme les rejoint et leur demande ce qui leur arrive. Puisque nous savons la fin de l’histoire nous savons que c’est Jésus ressuscité, et donc que c’est Dieu lui même qui s’approche d’eux. Il vient les rejoindre au cœur de ce que nous vivons, mais ils auraient pu ne pas savoir que c’était lui. En tout cas il nous apprend que la mise en mot de ce que nous traversons est essentielle pour se libérer du mal qui nous ronge le cœur, pour nous libérer des peurs et des désespérances. J’aimerais que nous entendions cela. Ça marche évidemment dans nos relations humaines et nous le savons bien, trop de couples souffrent aujourd’hui et se déchirent de ne pas avoir su se dire les choses. Parfois il faudra l’aide d’un tiers. Parfois il faudra prendre le temps d’apprendre à se dire à soi-même ce qui nous traverse vraiment pour arriver à l’exprimer à l’autre ; le faire avec soi-même ou mieux encore faire ce pari de confiance que Dieu entend et qu’il peut nous éclairer dans les choix à faire ; prendre le temps du coup de la prière.
Parce que la prière c’est quoi ? C’est s’arrêter, c’est écouter en soi ce qui bouillonne, et c’est dire à Dieu ce que nous portons ; nos joies comme nos peines, nos questions aussi et même nos révoltes ou nos colères ; et la prière c’est lui demander sa présence, c’est lui demander qu’il nous éclaire ; et ensuite c’est écouter, écouter les appels de la vie en moi, ce que Dieu me souffle à l’oreille du cœur…
Je reviens à notre évangile. Ce qui me frappe c’est que ces deux disciples savaient tout, y compris la résurrection de Jésus, puisque des femmes le leur ont raconté. Mais il ne suffit pas de savoir pour croire. Comme il ne suffit pas de savoir que l’autre m’aime pour que cet amour m’aide à avancer et donne sens à ma vie... Il ne suffit pas de savoir que Dieu existe pour y croire. C’est une histoire d’expérience et de confiance.
Comment grandir dans cette confiance, pour croire en Dieu mais aussi pour continuer de croire en l’amour de l’autre quand le chemin sera plus difficile ? Je crois que cette histoire d’Emmaüs nous donne une réponse : nous avons besoin les uns des autres, nous avons besoin d’un tiers qui nous aide à y voir clair, nous avons besoin de relire notre histoire à chacun, ce par quoi nous sommes passés, ce que nous avons vécu, ce qui nous a fait vivre, ce qui a déjà été plus difficile et comment nous nous en sommes sortis… C’est exactement ce que fait Jésus avec ces deux disciples qui rentraient chez eux. Et parce qu’ils ont pu se redire tout ça et parce qu’il a pu leur raconter de nouveau qui est Dieu et ce que la Bible disait de lui, alors ce geste du partage du pain reprend tout son sens. Et là ils comprennent que Jésus était avec eux, que Dieu est là même si leurs yeux ne le voient pas.
Et j’aime quand ils disent : « Notre cœur n’était-il pas tout brûlant en nous » ? J’aime quand ils disent cela car c’est le vocabulaire de l’expérience amoureuse et je crois que la foi c’est exactement de cet ordre là. Croire c’est pas tout comprendre c’est faire confiance parce que je pressens que ça fait bouger quelque chose en moi, que ça fait sens, que ça peut donner du sens à ma vie.
Si je puis me permettre, je crois d’ailleurs que Dieu c’est comme l’amour. On voudrait des preuves de l’existence de Dieu, des preuves de sa présence. Qui d’entre nous a déjà eu des preuves rationnelles et tangibles que l’amour existe ? Qui d’entre nous peut prouver rationnellement qu’Alberto et Valérie vous vous aimez ? Je crois que ça ne se prouve pas, ça s’accueille ; c’est une histoire de confiance entre vous et de confiance que nous faisons en cet amour qui vous habite mais qui ne s’explique pas rationnellement et ne se prouve pas. Et cette confiance est possible parce qu’il y a des signes : par exemple le sentiment en vous que ça produit et ce que nous pouvons en percevoir, par exemple aussi les fruits de votre amour que sont Louise et Paul ; par exemple encore votre désir de vous engager… Nous avons des signes, mais pas de preuves. Et pour Dieu c’est pareil : nous aurons des signes mais pas de preuve. Un des signe c’est par exemple la paix qui peut vous envahir si vous apprenez à prendre le temps de la prière ; un autre signe c’est des témoins autour de vous pour qui la foi et l’existence de Dieu font sens et que leur vie vous parle ; et peut-être que des rencontres ou des évènements qui redonnent espérance ou qui relèvent quand la vie nous a cloué au sol ce sont aussi des signes…
Je le dis souvent à mes paroissiens, Dieu a choisi que nous soyons désormais ses mains qui vont prendre soin de ce monde et de chacun, et sa voix qui annoncera des paroles de vie, en son nom. Et par ce sacrement de mariage, Alberto et Valérie, c’est ce que nous célébrons aussi : vous aurez, à votre mesure, cette mission l’un pour l’autre, d’être et de devenir un témoin en actes de cette présence de Dieu qui veut prendre soin mais qui passera par l’un pour l’autre.
Je le redis, et je vais conclure, je ne sais pas qui est Dieu pour vous, je ne sais pas quelle est votre foi en lui ou pas. Mais si Dieu existe, ce que je crois, alors je suis sûr de sa présence si nous lui faisons une place ; et je prie pour que vous osiez ce pari de confiance, vous Alberto et Valérie, mais aussi chacun de nous. Et que vous osiez croire qu’il n’y a je crois aucune situation désespérée, que lorsque le chemin est plus dur ou trop difficile il nous faut nous soutenir les uns les autres, et apprendre à entendre ne nous les appels de la vie et nous aider à comprendre alors quoi en faire. Le cœur de la foi chrétienne et de l’espérance de la résurrection c’est d’oser croire que quoi qu’il arrive, avec Dieu, la vie sera plus forte que toutes nos épreuves et que l’amour seul peut sauver, le don de soi par amour.
Je propose qu’on prenne quelques minutes de silence pour laisser résonner tout cela en nous et pour laisser remonter en nous ce que ça éveille. C’est ce que nous pouvons confier alors au Seigneur, comme une prière qui nous appartient à chacun…