Homélie nuit de Noël 2016

Samedi soir 24 décembre 2016

Abbatiale de St Chef / église St JB (Bourgoin-Jallieu)

Is 9,1-6 / Ps 95 (96) / Tt 2,11-14 / Lc 2,1-14

Ce soir, quand je vous regarde, je me dis : « Dans quel état d’esprit sommes-nous là ce soir ? Qu’est-ce qui nous habite ? » Nous sommes là, évidemment, pour fêter le « petit Jésus », comme on dit, pour nous rappeler que Noël c’est d’abord une fête religieuse et pas seulement le clinquant du paraître et des paillettes, et nous sommes là pour dire merci à Dieu de ce mystère de la venue et de la naissance de Jésus.

Mais en même temps… Avec quoi sommes-nous venus ? Qu’est-ce qui nous habite, chacun, profondément, intérieurement ?

Je me permets de vous poser cette question car Noël c’est la fête de Dieu qui veut nous rejoindre, chacun, au cœur de ce que nous vivons, au cœur de ce que nous traversons. C’est la fête de Dieu qui a voulu naître dans ce monde pour que puisse germer son Royaume de paix et d’amour. C’est la fête d’un Dieu qui voudrait naître et renaître encore aujourd’hui, dans ce monde qui en a tant besoin !

Et si pour beaucoup de nos contemporains ou dans nos familles ou pour certains d’entre nous Noël c’est d’abord une fête de la joie et une fête des enfants, je pense malheureusement ce soir à tous ces pays traversés par la guerre, je pense à la peur qui règne dans le cœur des chrétiens d’Orient mais aussi des migrants et des exilés, je pense également à Alep et à la Syrie, je pense aux attentats qui ont frappé toute cette année… Je pense du coup à cette paix tellement fragile dont il était pourtant question dans les lectures qu’on vient d’entendre… Car celui que nous fêtons ce soir, celui que nous fêtons à chaque messe, à chaque eucharistie, Jésus, il est celui que le prophète Isaïe a appelé le Prince de la Paix, celui dont les premiers mots après le mystère de sa mort et de sa résurrection ce sera qu’il veut pour nous la paix et qu’il nous confie de la faire grandir !

Et puis ce soir je pense aussi à celles et ceux parmi nous ou autour de nous qui sont malades, celles et ceux qui ont du mal à croire en la beauté de la vie et en la bonté de Dieu, celles et ceux qui sont un peu comme le peuple d’Israël dans la 1ère lecture, qui se sentent dans les ténèbres, qui cherchent une lumière ou qui se demandent où elle est… Et j’aimerais que vous entendiez et que vous croyiez que ce qu’on célèbre ce soir c’est pour vous aussi, qu’au milieu de la nuit, quelle qu’elle soit, une lumière nous est promise, par Dieu, une lumière peut briller, aussi petite et imperceptible serait-elle, une lumière qui est de l’ordre de la vie qui est là, fragile mais bien réelle, qui peut éclairer un peu le chemin que nous avons à vivre et qui ne demande qu’à se répandre autour de nous pour illuminer ce monde et notre vie à chacun.

Et moi, ce soir, cette année, au cœur de tout cela, ce qui me frappe, c’est que Noël c’est la fête de Dieu qui tient promesse. C’est la fête de Dieu qui a tenu ses promesses au peuple d’Israël et donc de Dieu qui peut tenir ses promesses encore pour nous.

C’est vrai que je ne sais pas qui est Dieu pour la plupart d’entre vous, s’il est quelqu’un sur qui vous osez vous appuyer et que vous osez prier, ou s’il est une hypothèse ou une idée, ou s’il n’est peut-être rien du tout. Souvent j’entends autour de moi des gens qui doutent que Dieu existe parce que la vie pour eux est trop dure et qu’ils ne comprennent pas pourquoi tant de mal et de souffrance. Et ils se disent – vous vous dites peut-être – que si Dieu existe et qu’il est bon alors ce mal et cette souffrance ne devraient pas vous toucher ni même nous atteindre autant, que Dieu ne peut pas laisser faire ou alors c’est qu’il n’existe pas !

Eh bien figurez-vous que Jésus, celui que nous fêtons ce soir, ce petit bébé de la crèche, celui que nous reconnaissons comme le Messie promis par Dieu, son envoyé qui doit nous libérer de ce qui nous empêche de vivre pleinement, Jésus vient nous révéler que Dieu ne supprime pas le mal et la souffrance de ce monde, mais qu’il peut nous aider à les traverser, qu’il est du côté de la vie, même au cœur de ce que nous traversons ou qui nous tombe dessus. C’est un Dieu qui se révèle dans les petites choses presqu’imperceptibles de chaque jour, car il ne s’impose pas ; il s’offre, il se livre à notre liberté. Jésus aurait pu naître à grand coup de feux d’artifice dans Jérusalem, la capitale du pays ; mais non, il naît presque seul, vers la petite bourgade de Bethléem, quasiment rejeté puisque ses parents n’ont été reçus nulle part – on nous a dit dans l’évangile qu’il n’y avait pas de place pour eux –, et il naît dans la nuit noire, au fond d’une espèce de grotte, loin des regards et des ors réservés aux plus grands… En plus les premiers qui reçoivent l’annonce de sa naissance et qui vont répandre cette nouvelle ce sont des petits bergers, des pauvres, ceux qu’on risque de ne pas croire.

Et en même temps cette naissance est une bonne nouvelle, on nous a dit que les anges dans le Ciel se réjouissent et chantent. C’est une Bonne Nouvelle car Dieu a tenu promesse !

Dieu avait promis qu’il enverrait un Messie, un libérateur. Le prophète Isaïe avait dit qu’au milieu des ténèbres de notre vie et de ce que traversait le peuple d’Israël il y aurait comme une lumière qui allait advenir, qui va donc éclairer et réchauffer, qui va donc faire du bien, qui va être du côté de la vie. Et que cette lumière, le signe qu’elle est là, ce serait la naissance d’un petit enfant qui sera le Prince de la Paix – c’est ce qu’on a entendu dans la 1ère lecture. Ce petit enfant, nous croyons que c’est Jésus, sa façon de vivre et son message montreront que c’est lui qu’Isaïe annonçait. Dieu a donc tenu promesse. Et donc si Dieu a tenu promesse c’est qu’il peut encore les tenir. Et donc quand Jésus nous dira par sa mort et sa résurrection qu’avec lui et qu’avec Dieu la vie sera plus forte que le mal qui nous tombe dessus, alors nous pouvons le croire, nous pouvons nous appuyer sur cette promesse. Car Noël c’est la fête de Dieu qui tient ses promesses.

Les apparences peuvent nous faire douter, c’est vrai ; c’est livré à notre confiance… Et c’est vrai que je ne sais pas ce que nous vivons les uns et les autres, je ne sais pas ce que vous traversez. Je ne sais pas ce qui nous aide à tenir et à avancer ou au contraire ce qui nous fait désespérer. Mais en cette nuit de Noël j’aimerais vraiment que nous entendions que la joie de Noël c’est de savoir que Dieu a tenu promesse il y a un peu plus de 2000 ans. Que ça avait suffisamment de sens pour que nous soyons encore là tant de siècles après pour y croire et pour le célébrer. Et donc j’aimerais vraiment que nous entendions que Dieu va encore tenir promesse.

Jésus nous a dit qu’il serait pour toujours avec nous, mystérieusement mais réellement, même si nos yeux ne le voient pas, alors croyons-le. Il nous a dit qu’il pouvait se rendre présent à nous dans le mystère du Pain de l’eucharistie que nous allons pouvoir recevoir tout à l’heure, alors croyons-le. Il nous a dit qu’il pouvait porter avec nous ce que nous avons à vivre, alors osons le croire et lui confier nos joies, nos peines, nos questions, nos révoltes… Demandons-lui avec force qu’il nous donne sa paix, en chacun de nous déjà, entre nous aussi ; et ainsi, petit à petit, autour de nous, grâce à nous, dans ce monde qui en a tant besoin. Et demandons-lui que la joie de Noël nous habite chacun, ce soir et dans les jours qui viennent, que ce soit une force pour vivre et pour faire advenir un peu plus de paix, de justice et d’amour autour de nous et dans ce monde… Amen.

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L'illustration de ce post' : photo d'un tableau de Macha Chmakoff (peintre lyonnaise).

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