22 Septembre 2017
Messe de rentrée du Centre Théologique de Meylan-Grenoble
1Tm 6,2c-12 / Ps 48 (49) / Luc 8,1-3
Comment recevoir ces textes pour ce début d’année que nous célébrons ce soir, qu’est-ce qu’ils peuvent nous dire au cœur de ces études de théologie et autres matières que vous suivez ou que nous donnons dans cette maison ?
Rassurez-vous je ne serai pas long, je sais qu’un certain nombre d’entre vous ont cours juste après cette messe ! Quelques mots seulement…
L’évangile, permettez-moi de ne pas m’y arrêter ; même si ça aurait pu permettre une sorte de mise en bouche pour le cours que je donnerai au 2ème trimestre autour de la thématique « Femmes et ministères ».
J’ai trouvé intéressant de m’arrêter un tout petit peu sur la 1ère lecture. Elle a commencé quasiment par ces mots : « Voilà ce que tu dois enseigner et recommander »… De quoi s’agit-il ? De la suite ou de ce qui précède ? Avec cet extrait nous sommes au cœur d’une série de recommandations sur le vivre ensemble dans la communauté chrétienne à laquelle Timothée est envoyé, et il est question de la place de chacun (la place et la tenue des hommes et des femmes dans l’assemblée, les ministres, ceux qu’on appelle les Anciens, et les esclaves aussi).
Des recommandations… Et ce qu’on vient d’entendre est vraiment de cet ordre là ; parce qu'évidemment, vous vous en doutez, Paul n’est pas en train de donner aux enseignants du CTM quelques billes sur le contenu de leurs cours à venir.
Par contre j’ai trouvé intéressant pour nous, étudiants ou enseignants, de laisser résonner ce qu’il dit sur les discussions et les querelles de mots qui peuvent être stériles et révéler de enjeux de pouvoir, de jalousie, etc.
Ce que nous avons à enseigner et à recevoir, ce que avons à transmettre et à accueillir, ce sont ces « paroles solides », dit Paul, que sont « celles de notre Seigneur Jésus Christ », et cet enseignement, dit-il aussi, qui « est en accord avec la piété» ; c’est-à-dire, je crois, la foi vécue et mise en œuvre dans les communautés, c’est-à-dire les mots mêmes de la prière des communautés à l’écoute de cette Bonne Nouvelle qu’est l’Evangile qui est alors transmise oralement dans les assemblées dominicales et qui ne tardera pas à commencer à se fixer par l'écrit.
Et pour reprendre l’expression de Paul, ne soyons pas, comme il dit, des malades « de la discussion et des querelles de mots. » Parce que nous risquons de nous laisser embarquer loin du cœur et de l’essentiel et nous risquons de devenir parfois ou peut-être de ces « gens à l’intelligence corrompue », comme il dit, ceux qui risquent, précise-t-il, de se couper de la vérité.
Il y a un paradoxe je trouve à entendre cela. Car les études de théologie peuvent donner l’impression parfois de disséquer la foi dans des détails, de se confronter aussi à des auteurs dont nous aurons parfois l’impression qu’ils chinoisent un peu, comme on dit chez moi, voire qu’ils s’embarquent dans des routes spéculatives étonnantes, complexes, et pourtant passionnantes parfois.
C'est d’autant plus étonnant quand on sait aussi combien la discussion, la dispute théologique, la disputatio, est une méthode ô combien intéressante qui nous pousse à approfondir en nous confrontant à l’autre, une méthode qui porte du fruit et qui fut d’ailleurs celle de l’époque d’un St Thomas d’Aquin dont on sait combien il a marqué et combien il marque encore notre théologie catholique.
Mais justement, il nous faudra toujours avoir en ligne de mire que nos études de théologie sont d’abord et quoi qu’il arrive au service de la foi et de notre croissance spirituelle. Et vous le savez, ou vous le verrez, c’est une aventure, une aventure spirituelle, un peu décapante parfois, troublante même, parce que les études peuvent venir ébranler des certitudes qui nous rassuraient là où le mystère, toujours, demeurera au-delà de notre intelligence.
Et nos études doivent nous aider à pourvoir rendre compte de notre foi et à entrer en dialogue avec le monde qui nous entoure et avec tous les chercheurs de sens ; et c’est passionnant. Et c’est bien pour cela qu’il nous faudra apprendre à comprendre comment Dieu s’est révélé et donc comment aujourd’hui encore il se rend présent, comprendre aussi comment nos Pères dans la foi ont mis en mots, progressivement, ce qu’ils avaient reçu, dans un dialogue fécond des cultures, dialogue que nous avons aujourd’hui encore à vivre, au cœur du réel qui nous entoure. Et pour cela il faudra, et il nous faut, non seulement apprendre à penser mais encore à entendre et comprendre comment avant nous d’autres ont appris à comprendre et à nommer Dieu, comment ils ont appris et compris leur place ainsi que le dialogue et l'agir chrétien qu'ils avaient à vivre dans les sociétés qui étaient les leurs, en fidélité à l’Evangile et à la Révélation et plus largement à ce qu’on appelle la Tradition.
Mais n’oublions jamais, avec Paul et Timothée, que l’enjeu de tout cela c’est bien notre croissance spirituelle et l’approfondissement de notre foi, et c’est la mission de transmettre autour de nous la Bonne nouvelle d’un Dieu sauveur, le transmettre de façon audible et ajustée, dans un dialogue fécond des cultures et dans une écoute féconde des aspirations de ce monde et des quêtes de sens.
Oui, que nos débats théologiques ne deviennent jamais de vaines discussions pour le plaisir de la contradiction, ni des querelles de mots stériles ou même des querelles idéologiques. Que ce soit toujours le Christ et lui seul qui guide notre recherche de sens. C’est bien lui qui nous rassemble et que nous voulons célébrer ce soir encore.