14 Avril 2018
5 avril 2008 - 14 avril 2018
1Co 13 et Mt 13,31-32
Manu et Lucile,
Vous avez voulu donner à vos invités de réentendre pour vos 10 ans de mariage ces textes que vous aviez choisis alors.
La question c’est : que peuvent-ils nous dire aujourd’hui encore de votre engagement, de votre amour, de votre fécondité et de votre foi ?
Le texte de St Paul, la plupart d’entre nous le connaissons bien je pense, on l’entend souvent pour des mariages. Et il dit bien ces conditions pour que l’amour soit fécond, l’amour pas d’abord ou pas seulement passion ou sentiment mais l’amour comme apprentissage à aimer l’autre, l’amour qui prend patience, qui se fait écoute de l’autre et de ses besoins, réciproquement évidemment, l’amour humble, cet amour qui est une aventure de chaque jour, un oui à se redire et à vivre jour après jour, un oui à l’autre, un oui au choix de faire de l’autre mon chemin de bonheur, de faire de son chemin de bonheur à lui notre chemin commun.
On le sait tous, vous le savez bien au bout de 10 ans, et tous les couples qui sont là l’expérimentent, un tel amour, une telle décision de s’aimer, un tel engagement à aimer l’autre pour toute sa vie, dans la bonheur et les épreuves comme dans la santé et la maladie, comme le dit la formule d’échange des consentements, un tel engagement à aimer suppose quelques morts à soi-même. Et c’est là que j’aimerais faire un petit lien avec l’évangile.
Oui, nos vies sont comme une petite graine de moutarde qui est semée en terre, une petite semence de rien du tout, qui doit mourir même à elle-même, dit Jésus dans un autre texte à propos d’un grain de blé, pour porter du fruit[1]. Et on l’a entendu dans cet extrait de l’évangile de Matthieu, cette petite graine de rien du tout est appelée à devenir un bel arbre, et même un abri pour de beaux fruits et pour les oiseaux du ciel…
Laisser cette graine tomber en terre, être semée, c’est laisser son histoire personnelle rejoindre la terre de l’autre, pour une fécondité commune. Une terre qui peut être rocailleuse ou ronceuse, nous dit Jésus dans une autre parabole, celle du Semeur[2], avec de l’ivraie même[3], parfois, c’est-à-dire des trucs pas toujours géniaux dans ce qui va nous arriver ou dans ce que nous sommes, mais une terre qui sera féconde si on la travaille, si on s’en donne les moyens, petit à petit, jour après jour.
Et vous le savez, pas seulement parce que c’est à la mode, mais un jardin partagé c’est plus simple à gérer que soi seul dans son coin, même s’il y a des concessions à faire et si ça suppose quelques discussions ; entendons-là non seulement la part de chacun de vous deux, évidemment, mais aussi celle que prennent ou que vous faites à vos proches, vos amis, vos témoins, dans cette aventure. C’est bien dans ce que nous vivons tous ensemble, dans votre foyer ouvert aux autres, avec vos engagements aussi, c’est au cœur de tout cela que la vie jaillie, que la vie fragile peut surgir, grandir et porter du fruit.
De votre graine de moutarde et de l’arbre qu’elle est devenue vous avez récolté trois beaux fruits. Trois beaux fruits qu’il faut arroser, tutorer, redresser parfois, aimer, pour qu’un jour ils deviennent porteurs de fruits eux aussi. Et dans cet arbre il y a également ces oiseaux qui viennent trouver un peu de place, de chaleur, d’amitié, et qui sont témoins les uns les autres, à notre petite mesure, qu’il y en a d’autres des fruits dans ce que l’un à l’autre vous vous êtes donné de grandir chacun et ensemble, c’est-à-dire dans ce que votre engagement vous a donné de devenir chacun, ensemble et l’un pour l’autre ; et qu’il y en a d’autres encore dans ce que votre amour et votre engagement nous ont fait grandir nous aussi, ou dans ces liens de vie qui se sont affermis ou tissés avec nous et entre nous.
Mais pour cela, c’est sûr, il a fallu sans doute mourir parfois à soi-même. Pour mieux entendre l’autre. Mourir aussi à certains projets ou désirs, pour que ce soit réaliste et réalisable ensemble, vous deux et avec vos trois beaux fruits.
C’est tout cela que nous confions aujourd’hui au Seigneur, lui qui est cet amour ou comme cet amour dont nous a parlé Paul dans la 1ère lecture que nous avons entendue ; lui, Dieu, qui est patient avec nous, qui toujours nous promet sa présence et nous attend, lui que nous pouvons prier pour déposer en lui nos joies comme nos peines, nos questions ou nos doutes, nos révoltes aussi, pour qu’il nous éclaire, qu’il nous console, qu’il nous rassure. Pour qu’il nous donne sa paix aussi, source de joie, et que cette paix intérieure fasse alors grandir plus de paix entre nous, dans la famille et autour de nous, dans nos lieux de vie et d’engagements.
Il y a 10 ans, en vous engageant dans le sacrement de mariage, il s’est engagé lui aussi, Dieu. Et très concrètement. Jésus nous a en effet appris après sa mort et sa résurrection, lui le grain tombé en terre comme une petite graine de moutarde, que désormais, si nous sommes habités de l’Esprit Saint et donc si nous le demandons dans la prière, alors nous sommes désormais les uns pour les autres appelés à être les mains de Dieu qui prennent soin de l’autre et qui apaisent, sa voix qui console et qui pardonne, ses pieds pour rejoindre celles et ceux qui cherchent un sens à leur vie ou qui ont besoin qu’on s’approchent d’eux pour leur révéler par notre amour et notre amitié que leur vie a du prix, quelle que soit leur histoire.
Par votre sacrement de mariage vous êtes devenus et vous avez été appelé à devenir cela l’un pour l’autre, Lucile et Manu, présence de Dieu, et le devenir ensemble pour celles et ceux qui croisent votre route.
C’est une mission, une aventure, qui nous dépasse et dont nous n’avons pas toujours conscience ; heureusement peut-être, car nous risquerions de nous mettre parfois la barre un peu haut.
Voilà en tout cas de quoi rendre grâce et de quoi demander aujourd’hui encore au Seigneur sa force, celle de l’Esprit Saint, sa force de vie et d’amour.
Alors merci, Lucile et Manu, d’en être pour nous témoins par votre engagement et par cette célébration qui est un rappel pour nous tous et même un appel à réentendre.
Et oui, rendons grâce à Dieu pour ces 10 années et pour ce qui a été semé, confions lui aussi ce qui a été plus difficile, et demandons lui sa force et sa présence pour le chemin qui continue.
Pour cela, tout simplement, prenons quelques instants de silence pour déposer chacun, dans le cœur aimant de Dieu, ce que ces mots éveillent de souvenirs, de joies, de questions peut-être, mais aussi de demandes. Dans la confiance que Dieu est présent à notre vie et donc qu’il nous entend.
[Bruxelles le 11 avril 2018 / texte lu par un invité pendant la célébration]