Homélie vendredi 29 mars 2019

Vendredi de la 3ème semaine de Carême

Institut d’Etudes Théologiques de Bruxelles

 

Os 14,2-10 / Ps 80 / Mc 12,28b-34

 

Comme beaucoup de textes de nos liturgies de carême, ce qu’on a entendu en 1ère lecture prend un relief particulier avec ce que nous fait vivre l’actualité ecclésiale. Et les appels d’Osée sont comme prophétiques, on dirait qu’ils sont adressés à notre Eglise qui est bien malade, il faut bien le reconnaître…

 

Mais ne nous dédouanons pas trop vite sur cette actualité, c’est bien à chacun de nous, personnellement, que tout cela s’adresse aussi ; c’est au cœur de ce que nous sommes chacun, et de ce que nous vivons chacun aujourd’hui, qu’il faut entendre les résonnances que provoquent ces appels. Nous avons tous des conversions à vivre, si nous regardons en vérité ce qui fait notre vie à la suite du Christ.

 

Aussi devons-nous entendre pour nous-mêmes ce « Reviens, Israël, au Seigneur ton Dieu ». Un appel qui nous ramène à quelques semaines en arrière, si vous faites marcher votre mémoire liturgique et biblique ; c’était au jour du mercredi des cendres, les premiers mots que Dieu nous adressait par sa Parole, par la bouche du prophète Joël : « Revenez à moi de tout votre cœur »

 

Demandons-nous ce matin où en sommes-nous de ce retour vers Dieu ? Où en sommes-nous de notre chemin de carême ? Une bonne question je trouve alors qu’hier nous avons franchi l’étape du mi-parcours…

 

« Reviens, Israël, au Seigneur ton Dieu ; car tu t’es effondré par suite de tes fautes »nous dit le prophète Osée. Je ne sais quel est votre état d’effondrement, s’il est visible ou pas, si vous en avez conscience ou pas, mais l’appel du prophète est vraiment à reconnaître notre péché, qui nous éloigne de Dieu. Un appel à faire la vérité sur le réel de notre vie et à y démasquer tout ce qui est de l’ordre de nos idoles, un appel aussi à faire la vérité quant à la mise en pratique de ce que nous a rappelé l’évangile de ce jour, l’appel à aimer, aimer Dieu, aimer son prochain comme soi-même ; aimer, même, jusqu’à pardonner, aimer même nos ennemis. Et avec le pape François et son message de carême on pourrait rajouter : aimer notre Mère-terre, qui nous a été confiée, prendre soin d’elle…

 

« Reviens, Israël, au Seigneur ton Dieu »… Un retour en vérité sur nous-mêmes et par là-même à Dieu, non pas pour nous culpabiliser pour le plaisir ou pour nous enfermer dans notre petitesse et nos fragilités à vivre les appels de Dieu, non, car le prophète Osée nous invite dans le même mouvement à demander au Seigneur non seulement qu’il enlève toutes nos fautes mais aussi qu’il « accepte ce qui est bon » ! C’est bien dans cette dynamique de vie et donc de résurrection qu’il veut déjà, aujourd’hui, que nous avancions résolument ; et c’est bonne nouvelle au cœur de ce carême, comme pour nous relancer dans notre marche.

 

C’est comme si la liturgie déjà nous disait : « Rappelle toi, tu n’es pas que tes actes, tu n’es pas que tes fautes, tu n’es pas que ton péché. Tu vaux plus que cela… » En vous disant cela, ça me fait penser à Jean Vanier qui aime à répéter souvent : « Tu es plus beau que tu n’oses le croire ». C’est vrai pour nous mais aussi pour notre Eglise. Et ce sera la Bonne nouvelle des fêtes de Pâques : le mal et la mort n’ont pas le dernier mot de notre vie et de notre histoire.

 

Alors si nous demandons au Seigneur d’accepter ce qui dans nos vies est bon, et de ne pas seulement voir notre péché, c’est donc que nous aussi nous décidons de regarder cela et de l’offrir au Seigneur. En action de grâce. Et nous pouvons alors laisser résonner en nous la réponse du Seigneur, une réponse qui elle aussi est de l’ordre de la vie, une réponse qui déjà nous relève, chacun comme notre Eglise, une réponse qui est une promesse : « Je les guérirai de leur infidélité. Je les aimerai d’un amour gratuit »… Et on l’a entendu dans la suite du texte, la vie repart, c’est promesse de vie. C’est déjà résurrection.

 

Et d’ailleurs, nous le savons, c’est même le cœur de notre foi, la réponse de Dieu ce ne sont pas que des mots et pas qu’une promesse, la réponse de Dieu c’est lui-même, sa réponse elle s’incarne en Jésus Christ mort et ressuscité, celui vers qui nous levons les yeux pour avancer en confiance, Jésus qui est venu guérir les pécheurs et les petits que nous sommes, Jésus qui vient nous sauver, Jésus qui va aimer jusqu’au bout pour cela, jusqu’au don de lui-même, jusqu’à consentir à mourir pour nous en se livrant aux mains des hommes, Jésus qui aujourd’hui encore consent toujours et encore à se livrer aux mains des hommes et des femmes que nous sommes, dans le mystère de l’eucharistie qui nous rassemble, pour que nous vivions par lui et avec lui.

 

Saurons-nous écouter sa voix, comme nous y invitait le refrain du psaume, et déjà le prophète Jérémie, hier ? Saurons-nous lui faire cette confiance là jusqu’à aimer de cet amour du Père que Jésus nous révèle, un amour qui ne condamne pas, un amour qui est miséricorde, un amour qui console et qui pardonne, un amour qui relève et nous envoie, malgré nos petitesses, pour en être témoins à notre tour, des témoins en actes qui apprennent avec lui, le Christ, à aimer dans le don de nous-mêmes, aimer pas seulement du bout des lèvres mais vraiment, en actes, dans une vie tout eucharistique ? C’est ce dont nous ferons mémoire au jeudi et au vendredi saints, c’est le mystère de toute la vie du Christ auquel il veut nous associer.

 

Alors oui, profitons de ce qui nous reste à vivre de ce temps de carême pour entendre vraiment les appels de Dieu aujourd’hui, pour nous laisser façonner et modeler par la Parole, et faire la vérité quant à notre vie, ce qui est bon comme ce qui est de l’ordre du péché.

 

Revenons à Dieu de tout notre cœur ; et déposons en lui, maintenant, dans le silence de la prière, ce que ces mots et surtout sa Parole éveillent en nous... Amen.

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