Homélie funérailles de Dominique

Ct 8,6-7 / NT 3 (Lc 2,29-32) Mt 14,22-33

 

Je ne sais pas comment nous recevons chacun ces textes que nous venons d’entendre, et je ne sais pas – pour la grande majorité d’entre vous – quelle est votre foi et comment ces paroles peuvent du coup prendre sens pour chacun de vous. Personnellement j’ai été très touché par ce choix et j’aimerais vous partager bien simplement ce qui a pris résonnance en moi, ce matin, en essayant de préparer ces quelques mots et en priant avec ces textes.

Dans cette page d’évangile que nous venons d’entendre, le premier appel que nous avons entendu est celui que Jésus fait à ses disciples à passer sur l’autre rive… L’appel à un ailleurs, à un autrement, parole qui oblige à traverser, à faire un passage. Et sans doute que Pierre et ses disciples, bien que certains étaient pécheurs, sans doute qu’ils ont eu bien peur ce soir là avec cette tempête qu’ils ont à traverser. Et voilà qu’au cœur de cela ils font l’expérience étonnante et même impossible que Jésus est là. 

C’est impossible à vue humaine, et pourtant…

Et dans notre traversée avec Dominique, pour celles et ceux d’entre nous qui sommes croyants nous croyons nous aussi que Jésus est là. C’est notre foi… Nous croyons qu’il nous soutient…

Et comme Pierre, à la fois nous le croyons et en même temps peut-être que nous aimerions bien une petite preuve, un signe, et comme Pierre nous pourrions douter, comme Pierre nous vivons sans doute comme un chavirement intérieur, nous sommes ébranlés, et nous pourrions perdre pied… On le comprend si bien…

L’appel que Dieu nous adresse, s’il existe, ce que je crois, c’est à rester fixés sur lui ! C’est même de nous laisser saisir et conduire par lui.

Certes, cela peut paraître un peu fou, surtout si l’on est non-croyant en Dieu, et pourtant c’est très concret. C’est même ce que Dominique vivait très concrètement, et je crois pouvoir dire que c’est ce qui l’animait.

Non seulement nous croyons que Jésus est ressuscité et qu’il porte avec nous le poids des jours et des épreuves, qu’il le peut si nous l’associons à ce que nous avons à traverser et si nous le lui confions – ça s’appelle la prière. Et je repensais ce matin à ce verset d’évangile quand Jésus dit à ses disciples : « Venez à moi vous tous qui peinez… et moi je vous donnerai le repos », la paix du cœur (Mt 11,28-29). Mais nous croyons aussi qu’il est présent, Jésus, à nos côtés, par toutes ces personnes qui vivent très concrètement l’appel d’évangile à aimer, à aimer de cet amour du Père – cet amour de Dieu – que Jésus a révélé et qu’il a vécu jusqu’au bout, jusque dans le don de sa vie pour nous, cet amour de miséricorde – j’aime cette petite définition du pape François : cet amour, dit-il, qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance. Cet amour que nous sommes appelés à vivre très concrètement puisque Jésus a dit un jour à ses disciples : « Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux » (Lc 6,36)… Appel à consoler, à prendre soin, à pardonner, appel à aimer.

Pour le dire autrement, nous sommes désormais et à notre mesure ses mains par lesquelles il peut prendre soin, nous sommes sa voix pour risquer une présence et pour oser des paroles de réconfort et de consolation. Et c’est bien ce que Dominique vivait, y compris dans son métier de médecin – je peux en témoigner personnellement – et c’est bien ce que tu vis aussi, Dorothée, et beaucoup d’entre nous, même d’ailleurs sans le vivre au nom d’une quelconque foi.

Et nous pouvons l’affirmer et le croire, comme on l’a entendu dans la 1ère lecture : oui l’amour est fort, oui il est fort comme la mort, il est force de vie qui ne peut pas nous être enlevée, il est force de vie les uns pour les autres, les uns par les autres, qui peut nous relever et nous donner de continuer à avancer. Et Dominique, je le crois, nous soutient dans cette traversée, mystérieusement, c’est vrai en Dieu, il nous soutient dans ce passage qu’il nous fait vivre avec lui. Car nos liens d’amour et d’amitié sont plus forts, malgré tout, plus forts que l’absence et plus forts que la violence de la séparation.

Cette force de vie, Dominique et toi avec lui, Dorothée, vous la receviez dans la prière. Et comme nous l’avons chanté avec le cantique de Syméon Dominique pourrait dire : « Tu peux laisser ton serviteur [ton ami], s’en aller dans la paix… car mes yeux ont vu le salut »… Le salut, c’est-à-dire la force de l’amour qui fait vivre et qui relève de ce qui nous cloue au sol…

Certes, il y a un paradoxe entre cette paix que nous avons chantée et le tumulte de la tempête de l’évangile, entre cette paix et le tumulte qu’est la violence du départ de Dominique vers cet autrement-présent en Dieu, mais c’est pourtant la foi de Dominique. Qui lui faisait tellement aimer la vie et chacun.

Et c’est bien cette paix, qui est consolation, que nous pouvons demander au Seigneur dans cette célébration, dans ce pari de confiance auquel nous sommes invités, quelle que soit notre foi, ce pari de confiance en la résurrection, c’est-à-dire en la vie plus forte que tout mal et que toute mort, même malgré les apparences.

Alors je prie pour chacun de nous, je prie pour que cette paix puisse nous envahir et nous habiter, chacun, malgré tout. Et je vous propose bien simplement que nous prenions quelques instants de silence, maintenant, pour laisser résonner toutes ces paroles en nous et pour accueillir avec confiance tout ce que ça réveille. C’est tout cela que nous pouvons confier au Seigneur, c’est prière…

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