Homélie dimanche 14 juillet 2019

14ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C

Eglise de la Ste Croix, Ixelles (Bruxelles)

Dt 30,10-14 / Ps 18b (19) / Col 1,15-20 / Lc 10,25-37

 

Chers frères et sœurs, ce qu’on vient d’entendre est pour moi une des plus belles pages d’Evangile. Et peut-être encore plus qu’avant, depuis l’Année de la miséricorde qui nous a été offerte par le pape François, il y a 3 ans maintenant, qui pour moi a été une année très importante spirituellement dans ce qui nous a été donné de découvrir ou de redécouvrir de ce qu’est la miséricorde de Dieu, la miséricorde qui est bien plus que seulement le pardon. Et cette page d’Evangile était un des textes phares que le pape nous a invité à méditer et à faire nôtres.

Pour entendre ce que Dieu veut nous dire aujourd’hui, dans cette liturgie de ce dimanche, faisons un petit détour, d’abord, par la 1ère lecture. Nous avons commencé notre liturgie de la Parole par entendre l’appel à écouter. Ecouter la voix du Seigneur… Ok, mais comment ? Et peut-être même déjà : pourquoi ?

En posant cette question je pense à la prière du Notre Père que nous disons si souvent. Dans cette prière nous demandons notamment au Seigneur : « Que ta volonté soit faite » ; une belle demande, mais en fait pas si simple, car c’est quoi la volonté de Dieu pour chacun de nous, a-t-il d’ailleurs une volonté particulière pour nous ? « Que ta volonté soit faite »… Ok, mais comment ? Eh bien justement en apprenant à écouter et à entendre les appels de Dieu. Et pour cela, en écoutant sa Parole. Et dans cette Parole, en entendant ce qu’il nous commande, pour reprendre cette expression de notre 1ère lecture.

Ce que Dieu nous commande, ce à quoi il nous appelle, on a entendu c’est donné, c’est inscrit en nous… Car figurez-vous que ce qui nous est demandé se résume dans ce que Jésus vient de nous dire dans l’Evangile : tout se résume, tout s’éclaire, tout s’accomplit, dans l’appel à aimer. Or ça, voilà que c’est quelque chose qui est bien inscrit en nous, même sans savoir que c’est le cœur de l’Evangile : car tous nous avons soif d’être aimé. Et tous nous pressentons bien qu’aimer et être aimé cela donne sens ou pourrait donner sens à notre vie. On en fait tous l’expérience, y compris dans le manque d’amour. Justement car nous faisons l’expérience que ça manque.

C’est là en nous, c’est inscrit en nous… Mais, avons-nous entendu, c’est à mettre en pratique…

Et voilà que notre page d’évangile de ce matin est la réponse à la question qu’on pourrait se poser d’un comment mettre en pratique. Aimer c’est prendre soin. C’est prendre soin de l’autre qui est là à côté et qui en a besoin.

Et vivre cela c’est vivre déjà de la vie éternelle. Je vous rappelle que Jésus répond à la question : « Comment faire pour avoir la vie éternelle ? » Drôle de question, peut-être, pour nous… Aimer c’est vivre déjà de cette vie éternelle, la vie même de Dieu, la vie qu’il veut nous offrir, la vie pleine et entière, la vie en profondeur, la vie qui a goût d’éternité. Car l’amour c’est ce qui fait vivre, ce qui donne son poids à la vie, son sens. L’amour c’est ce qui ne s’efface pas, c’est ce que rien, pas même la mort, ne peut nous enlever ou nous faire oublier.

Ceci dit, comment aimer, très concrètement ? Comment aimer tel que Dieu le veut ? Il ne s’agit pas d’amourette ou d’un amour-fleur-bleue, non. Il s’agit d’aimer comme Dieu aime, d’aimer en actes, d’aimer avec les yeux mêmes de Dieu, avec son cœur à lui, avec ses mains qui veulent prendre soin de chacun et qui veulent ressusciter – re-susciter – toute vie blessée ou abimée. Il s’agit d’apprendre à devenir à notre mesure mais toute notre mesure les mains dont il a besoin aujourd’hui, la voix dont il a besoin et son cœur qui se laisse toucher, émouvoir et saisir de compassion.

Dieu nous aime. Dieu veut prendre soin de nous. Et Dieu a besoin de nous. Rappelez-vous justement l’Année de la miséricorde et ce verset de l’évangile de Luc, quand Jésus nous dit : « Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux » [1]. Rappelez-vous cette définition de la miséricorde que donnait le pape François : « La miséricorde c’est l’amour de Dieu qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance » [2]. Nous sommes appelés à cela. Nous laisser consoler pour consoler à notre tour. Nous laisser rejoindre et être soigné pour rejoindre d’autres et prendre soin d’eux. Nous laisser pardonner et nous réconcilier avec Dieu et avec les frères et sœurs en humanité pour vivre pour d’autres et avec d’autres de ce pardon et de ces réconciliations qui sont comme des résurrections, déjà, dès ici-bas.

C’est très concret, c’est par des gestes posés et pas avec de grands discours. A l’image du Samaritain de notre évangile. Un Samaritain, c’est-à-dire un mal-aimé de ce Juif dont il va pourtant prendre soin, un mal-croyant aussi au regard des règles religieuses de l’époque. Mais un cœur aimant, au-delà des catégories humaines et sociales. Un homme qui voit un homme.

Et je les plains d’ailleurs ce prêtre et ce lévite… Non pas qu’ils soient mauvais ou méchants ou indifférents à la détresse de l’autre, non, juste ils ont respecté les règles rituelles de leur époque ; [3] sauf qu’ils se laissent enfermer par celles-ci, au détriment de ce qui est en fait et pourtant l’essentiel à savoir la Loi de l’Amour. C’es-à-dire, je le répète, aimer comme Dieu aime, c’est-à-dire regarder et voir avec ses yeux à lui, se laisser saisir aux entrailles, se laisser toucher au cœur, comme lui est saisi de compassion, et prendre soin comme lui veut prendre soin.

Et franchement, je trouve tout cela bouleversant. Bouleversant de savoir que Dieu nous aime ainsi et que Jésus est venu le révéler très concrètement, jusqu’à donner sa vie pour nous. Bouleversant aussi de savoir que Dieu agit ainsi envers nous, notamment par celles et ceux qui vont le vivre en actes pour nous. Bouleversant encore de cette confiance que Dieu met en chacun de nous, Dieu qui a besoin de nous pour vivre cette miséricorde pour d’autres…

Et je suis bouleversé de voir et de savoir combien je suis parfois si peu à la hauteur, de voir et de savoir combien nous pouvons être démunis face à la pauvreté ou face à la souffrance de l’autre quel qu’il soit, combien nous pouvons nous trouver de bonnes excuses pour nous dédouaner quand l’autre nous fait peur ou nous bouscule de notre ronron quotidien ou hors de notre petit cocon douillet… Et c’est vrai que nous ne pouvons pas accueillir toute la misère du monde ou avoir réponse à toutes les souffrances, c’est vrai…

Peut-être qu’on peut se demander quand même, et apprendre à y répondre : quelle relation, même pour une seule personne marginale ou pauvre ou malade ou en situation de migration, quelle relation puis-je essayer de vivre quand même ? A ma mesure, car il ne s’agit pas de tout pouvoir faire pour l’autre ; d’ailleurs, on l’a entendu, le Samaritain fait ce qu’il peut et ensuite il passe le relais à l’aubergiste, mais sans se dédouaner, il prend ses responsabilités jusqu’au bout de ce qui est possible pour lui… Qu’est-ce que je peux offrir et vivre comme relation à l’autre, à ma mesure, pas plus, mais toute ma mesure ?

Je le redis, on peut vite se sentir démuni, c’est vrai, et moi le premier. Mais peut-être qu’on peut se poser la question de savoir qu’est-ce que Jésus ferait. Et alors on regarde en vérité comment on peut répondre concrètement et pour de vrai… Et c’est sûr que Jésus écouterait plus son cœur que juste sa raison, je crois, et qu’il risquerait une présence jusqu’à oser une parole de réconfort et de consolation ; et ça rejoint de nouveau notre 1ère lecture où on a entendu que cette loi de l’amour que nous avons à mettre en pratique elle « est dans ta bouche et dans ton cœur »

Pour aimer en actes et en vérité, retenons qu’il faut écouter. Ecouter les cris autour de nous, écouter en nous ce que cela produit et comment nous pourrions y répondre. Mais il s’agit d’écouter aussi et en même temps la Parole de Dieu, écouter les appels qu’elle nous adresse et entendre comment Jésus s’y prend, comment il fait, comment il aime. Et tout cela, offrons-le souvent à Dieu dans la prière, pour entendre ce que l’Esprit Saint va nous souffler comme chemins de réponses – au pluriel – ; oui, confions-lui ce que ça vient éveiller ou bousculer en nous pour demander au Seigneur qu’il nous éclaire.

Alors, oui, nous aimerons notre prochain comme Dieu nous y appelle, nous apprendrons à aimer comme lui en trouvant comment nous faire proche de l’autre qui est là. Et ensemble nous allons faire l’expérience de la vie qui est là, la vie qui est re-suscitée, cette vie que Dieu veut pour nous… Amen.

 

[1] Cf. Lc 6,36.

[2] Dans la Bulle d’indiction de l’Année de la Miséricorde du 11 avril 2015, Misericordiae Vultus, au n°3b (à propos de l’invitation à passer une Porte Sainte).

[3] Cf. Nb 19,11.13 : « Quiconque touche un mort – n’importe quel corps humain – […] et ne se purifie pas, rend impure la Maison du Seigneur. Celui-là sera retranché d’Israël »

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