17 Août 2019
J'avais lu ce roman il y a presque 16 ans... Mais je n'en avais aucun souvenir. Triant dans ma bibliothèque pour faire du vide, de la place, je tombe sur lui, et intrigué par ce titre, me demandant de quoi il s'agit, je parcours la 4ème de couverture. Et là je me dis qu'il me faut l'ouvrir de nouveau, que d'une façon ou d'une autre je suis concerné tout particulièrement et autrement qu’alors après ma traversée depuis ces deux dernières années.
Ce que j'ai lu ? “Dans une chambre d'hôpital où il souffre sa passion, Julien Orme rencontre un humble moine, comme lui gravement malade. L'un désespère, l'autre prie, ils s'écoutent. L'agonie et la mort du moine seront pour Julien Orme le point de départ d'une guérison inattendue, et le début d'un difficile chemin spirituel. Celui qui ne croyait en rien apprendra, peu à peu et de tout son corps, que le Mystère en nous demeure et nous cherche.”
Ces pages sont très belles, bien écrites, presque contemplatives. Et elles viennent interroger des questions existentielles de toute vie, la mort, la souffrance, le mystère et le sens que de vivre...
C'est l'histoire d'une rencontre et d'une naissance à soi et à la vie, une résurrection, l'apprentissage d'une vie re-suscitée au travers du sillon qui s'est creusé en soi et qui vous creuse, par l'épreuve et l'expérience de la maladie. Rien n'est comme avant, tout est balbutiant, il faut consentir à se laisser conduire...
La majeure partie de l'histoire, après l'hôpital, se déroule dans un monastère – visiblement orthodoxe bien qu'il soit plusieurs fois question de la Règle de St Benoît, mais peu importe. Julien va y découvrir le silence, celui de cette vie mais aussi et surtout celui qu'il porte en lui-même et auquel il va se retrouver confronté. Un silence tellement habité, un silence presque assourdissant de questions, de peurs. Un silence qui pourrait ouvrir à la prière ? Encore faudrait-il consentir à croire...
C'est très beau, je trouve. Sans doute suis-je plus sensible à ces pages qu'il y a 15-16 ans ? Aussi je vous partage ces lignes comme une invitation à vous laisser conduire vous aussi, en ce lieu que ce livre nous invite à découvrir – si jamais vous le trouviez ou qu'on puisse vous le prêter, puisqu'il est malheureusement épuisé – ; pour vous laisser toucher, comme un témoignage, ou entendre ce que cela rejoint ou éveille en votre propre histoire ou celle de proches...
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Christian Estèbe, Messe de granit, éditions Le temps qu'il fait, mars 1995, 122 pages.
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Extraits...
- p.28 : “Il reste pantelant devant ce mystère de la souffrance, il ne sait rien, et ses tentatives pour comprendre s'enlisent dans cette vie retrouvée. Pourtant quelque chose a bougé en lui, quelque chose s'est déchiré (quoi ? il ne saurait le dire).”
- p.80 : “La maladie a labouré son coeur en labourant son corps. Frère Marcel a jeté la semence de sa parole, oui, la maladie a ouvert une brèche en lui, mais sa vie ne s'était pas écoulée par là. Marcel avait posé sa main sur cette brèche, ou plutôt aidé Orme a mettre sa propre main sur cette brèche pour en évaluer la largeur, pour en mesurer la teneur.”
- p.111-112 : “Chaque homme a sa blessure secrète sans laquelle il ne pourrait vivre. Cette blessure d'où suinte parfois du sang, parfois du pus, souvent des larmes, est une fenêtre ouverte sur la douleur du monde, sur la beauté du monde. C'est par cette blessure que l'âme sortira le moment venu. C'est cette blessure qui respire, qui geint et qui parfois sourit. C'est cette blessure qui appelle et qui parfois chante. C'est la douleur de cette blessure qui nous tient en éveil, c'est son apaisement qui nous fait espérer : indispensable blessure d'être au monde.”