9 Mars 2020
La crise des abus dans l'Eglise et les affaires récentes à propos de Jean Vanier et des frères Philippe interrogent sur la juste place dans l'accompagnement spirituel et les risques de glissements qui peuvent se vivre et qui parfois mènent à de l'emprise voire de l'abus sur des personnes.
Cette crise oblige toute personne qui vit ce service de l'accompagnement spirituel à s'interroger, à relire sa pratique, à continuer à se former voire à partager avec d'autres. Certains prêtres qui reçoivent des personnes en accompagnement sont-ils d'ailleurs toujours formés pour de vrai à cette juste place qu'ils vont pourtant devoir tenir et servir si on leur en fait la demande ? Et certains prêtres qui pensaient vivre au mieux ce service se retrouvent déboussolés, inquiets, d'avoir peut-être pu glisser, même sans le vouloir, sur le terrain instable de certains formes d'emprise... Jusqu'où peut-on aller dans l'écoute, la reformulation voire l'un ou l'autre conseil ? Jusqu'où faut-il laisser telle personne qui veut qu'on la guide avec des réponses qui l'arrangeraient nous pousser ou nous conduire sur ce terrain là qui, il faut bien le reconnaître, peut être valorisant et qui constitue donc une réelle tentation.
Quelles différences d'ailleurs entre accompagnement spirituel, direction spirituelle et paternité (ou maternité) spirituelle ? Que propose-t-on et comment se situe-t-on alors ?
Je vous conseille le numéro de janvier de la revue Christus, sur ces questions là. Un certain nombre d'articles viennent éclairer sur ce qu'est l'accompagnement spirituel et la juste relation de l'accompagnateur – notamment, que je recommande particulièrement, ceux de Luisa Curreli, “L'accompagnateur, à sa juste place”, et de Danielle Eon, “Pour faire grandir en liberté”. Ces articles se recoupent et permettent d'entendre vraiment, par des points de vue différents, combien la liberté de l'accompagné et la croissance en liberté sont centrales, que la posture l'accompagnateur est celle de une écoute attentive qui permet d'entendre ensemble ce qui se joue dans la vie de la personne en demande d'accompagnement, d'entendre comment Dieu est présent dans ce que cette personne traverse, pour relire quelle croissance spirituelle se dessine et se vit ici.
L'un ou l'autre article parlent plus directement de l'emprise et des risques d'abus quand l'accompagnement est déviant ou risque de le devenir. Je vous recommande notamment la contribution du jésuite Rémi de Maindreville, “Chemins d'une emprise spirituelle”, qui permet à tout accompagnateur de comprendre les mécanismes de ce qui peut tous nous guetter dans ce service et ainsi de relire notre pratique. Dans le même sens, l'interview de la psychanalyste et ancienne aumônier de prison Isabelle Le Bourgeois, “Là où naît le risque de l'emprise”, mérite qu'on s'y arrête. Celui du fr. Adrien Candiard également, “Respectons le sanctuaire qu'est la conscience”.
Un encadré conclusif de Sylvain Cariou-Charton autour des règles de discernement n°3 et 4 que donne St Ignace dans la 2e semaine de ses Exercices spirituels redit de façon synthétique et ramassée la justesse d'un accompagnement et la dérive d'une emprise et d'un abus : une relation d'accompagnement ajustée permet la croissance de la personne accompagnée – croissance spirituelle – et lui permet qu'elle s'élève, pour reprendre les mots d'Ignace, du bien au mieux.
Bonne lecture, chers amis prêtres notamment et plus largement vous tous qui exercez ce beau service de l'accompagnement spirituel. Bonne lecture aussi à vous qui avez peut-être demandé à être accompagné sur votre chemin de vie avec le Seigneur et qui voulez approfondir ou vous qui vous demandez ce qu'il en est de ce service que l'Eglise propose...
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Revue Christus, n°265, janvier 2020, 128 pages, 13€.