13 Avril 2020
Hier. Jour de Pâques. Je regarde et parcours ma bibliothèque et je me demande : que pourrais-je lire qui marque de façon spéciale cette fête et ce temps pascal qui s'ouvre ? Et je vois ce livre. J'ai eu ma période Frédéric Boyer, j'étais séminariste. J'aime ce titre, comme d'autres de lui. Un livre que j'ai lu il y a quasi 18 ans... novembre 2002.
Je l'ai dévoré. Mais tout en savourant telle phrase, telle page... Je me rappelais avoir aimé. Mais. C'est plus que cela. C'est bon. C'est profond. C'est bien écrit. Une vraie joie pascale !
Ce livre est comme une déclaration d'amour. Oui c'est cela. A Jésus. Il commence d'ailleurs ainsi : “Pourquoi j'aime Jésus.” Quatre mots qui sont le leitmotiv de ces pages, ce qui les rythme et nous entraîne à entendre ce que Frédéric Boyer nous partage de ce Dieu-fait-homme qu'il aime. Et qui nous appelle d'ailleurs à aimer. Avec notamment de très belles pages là-dessus (cf. extrait ci-après) !
Qui est-il, Jésus ? Et qu'est-ce qui marque cet homme-Dieu et ce qu'en a découvert Frédéric Boyer au fil des évangiles ici relus, revisités, au fil de ce que l'auteur nous partage et nous révèle de Jésus ?
Le livre se divise en deux grand chapitre et un petit troisième. Un premier autour de ce que Jésus révèle de lui et par là de l'homme. Et donc à quoi ça nous appelle. Puis le deuxième chapitre sur ce que Jésus révèle aussi de Dieu, de quel dieu il est, de comment il est dieu. Et donc quel Dieu il est et révèle. Plus le court chapitre conclusif.
Pour le dire autrement, des pages qui nous invitent à contempler Jésus, qui il est, ce qu'il nous dévoile de lui, de Dieu, de l'homme.
Et c'est très beau. Vraiment. Même si je suis un peu gêné ou interrogé ou un peu bousculé, par ce que Frédéric Boyer développe dans le derniers quart du livre autour du Dieu-absent et même de Dieu qui est un dieu-abandonnant-Dieu, se faisant absence de Dieu (cf. p.88). Et je me suis même demandé si cette théologie du retrait de Dieu n'est pas due à un déficit trinitaire : où est l'Esprit Saint en ces pages ? Qui est-il ? N'est-il pas présence et même action discrète et silencieuse de Dieu en ce monde, dans l'histoire, et en nous à qui il est promis et qu'il nous est donné de demander et d'accueillir ?
En tout cas rien en ces pages sur l'Esprit Saint. Certes, quelques lignes sur la grâce, mais englobent-elles de façon cachée cette présence discrète qu'est la force même de vie et d'amour de Dieu ? Je ne prétends pas savoir ni résoudre la question. Et je veux bien entendre et me laisser habiter par cette question de la présence-absence de Dieu, ne pas l'évacuer trop vite car il nous faut nous y confronter. Mais je m'interroge : où est l'Esprit Saint dans cette si belle déclaration d'amour ? L'amour même ?
N'empêche, je recommande vivement ces pages. Dès que vous pourrez vous procurer des livres, essayez, n'hésitez pas ? En tout cas ce fut ma joie pascale de ce jour. Qui a fait jaillir en moi ce balbutiement de foi, ces quelques mots priants : Je T'aime, Seigneur Jésus, et par Toi j'aime le Père et je me crois aimé de Lui, ça me tient debout, vivant. Constat de Vie qui me traverse...
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Frédéric Boyer, Le dieu qui était mort si jeune, P.O.L éditeur, décembre 1994, 109 pages (petit format).
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Extraits :
1. “L'amour de Dieu n'est pas cet amour s'il n'est pas aussi, tout également, l'amour du prochain. L'inverse n'est pas vrai par contre. (...) On peut aimer son prochain sans connaître cet amour comme amour de Dieu tout également. Le premier commandement doit être premier en humilité, doit être premier en effacement. C'est sans doute cela la position de Jésus, humilité radicale, bouleversante de Dieu en Jésus. Son abaissement. Je peux aimer mon prochain sans forcément aimer Dieu. Mais l'amour de Dieu pour moi est sans doute quelque chose dans l'amour de mon prochain. (...) Quel amour serait cet amour que Dieu commande s'il n'était pas toujours amour à travers tout amour, jusque dans ce manque visible d'amour, jusque dans son propre effacement en tant qu'amour de Dieu ? (...) J'aime Jésus pour penser que Dieu doit (...) passer par le don absolu de son amour et s'effacer dans l'amour des uns et des autres.” (p.16-18)
2. “on confond tout et tout le temps en pensant que “Seigneur” signifie (...) que Jésus se reconnaît supérieur à ceux qu'il aime et à ceux qui l'aiment. Sa seigneurie l'entraîne à la mort pour tous. Sa seigneurie n'est que le stade extrême et nécessaire du service qu'il entend rendre à tous. “Seigneur” veut dire l'ami extrême, veut dire l'ami malade d'amour, veut dire également le serviteur fidèle, ou le fidèle souffrant serviteur. C'est en servant jusqu'au bout les autres qu'on en fait des seigneurs.” (p.30)
3. “C'est, je crois, pourquoi je l'aime vraiment. Pour avoir été jusque dans la faiblesse en allant jusque dans la mort pour nous. Pour être passé par là, par le découragement humain, par la prière humaine, (...) par la supplication de la victime, par le désir d'être épargné si possible (...). Je crois (...) qu'il a montré (...) que Dieu était faible et que les hommes voulaient l'éliminer pour cette raison même. Il a voulu montrer que ce n'était pas la mort de Dieu qui signifiait la mort de la communauté humaine. Que c'était au contraire l'élimination du faible qui était la mort de tout monde commun. (...) Que l'élimination des faibles, des malades, des moins que rien, c'était cela la mort de la communauté. Que Dieu lui-même était cette communauté qui meurt quand on néglige ou quand on se débarrasse des plus faibles” (p.77-79)...