13 Octobre 2020
Le 3 octobre dernier, veille de la St François d’Assise, le pape François signait dans la ville du saint sa troisième lettre encyclique – sur la fraternité et l’amitié sociale –, qu’il promulguait le lendemain.
La 1ère, sur la foi, était en fait la finalisation d’une lettre encyclique du pape Benoît XVI restée inachevée, qui venait conclure un cycle sur les trois vertus théologales (l’amour, l’espérance et la foi). La suivante, il y a 5 ans, était ce grand texte par lequel le pape François appelait l’Eglise et le monde à une véritable conversion écologique qui soit aussi celle de l’écologie intégrale, car, disait-il avec force, « tout est lié » !
Cinq ans après, donc, comme pour célébrer ce texte d’importance et le pousser plus loin dans la prise en compte des urgences pour l’humanité dans un monde qui va mal sur ce plan là aussi (cf. chapitre 1), voilà cette encyclique sociale qui est un véritable traité politique, qui soit une politique de la charité, c’est-à-dire de l’amour en actes, cette fameuse « amitié sociale » dont il parle en ces pages et qui doit conduire à cette fraternité universelle qu’il ose rêver et à laquelle il nous appelle très concrètement.
Cette notion de fraternité universelle n’est pas complètement nouvelle. Le pape François nous adressait déjà en février 2019 un document sur ce même thème qu’il co-signait alors à Abou Dabi avec l’imam Al-Tayeb d’Égypte. Et c’est comme s’il voulait appuyer cette déclaration commune, la poursuivre et la développer, et faire que l’Eglise l’entende vraiment et le monde entier avec elle.
Cette lettre encyclique se lit plutôt facilement car le pape sait être concret – ou disons plutôt « pratique » –, dans un style et un vocabulaire pour tous (non croyants y compris), et surtout c’est un texte pastoral, ce n’est pas un traité dogmatique ni un texte d’intello. Mais qu’on ne s’y trompe pas, il faut s’accrocher un peu quand même car c’est long et on avance à petits pas avec parfois l’impression de faire un peu de sur-place ou d’avoir quelques retours en arrière ci ou là. Et le risque est sans doute de lire un peu vite et de passer à côté de tel ou tel appel fort voire prophétique que le pape ici nous adresse.
Cette lettre semble très personnelle dans l’écriture et le contenu. De fait on a l’impression d’une sorte de synthèse de thèmes sociaux qui sont chers au pape François et que l’on entend souvent dans ses diverses prises de parole. Plus qu’une synthèse de sa pensée c’est en fait plutôt une collection d’extraits de textes mis bout à bout. Cela peut déstabiliser le lecteur car la grande majorité des paragraphes contient une longue citation, souvent du pape lui-même et parfois de l’un ou l’autre de ses prédécesseurs ou de telle ou telle conférence épiscopale.
Ce qui me venait au fil des pages et des chapitre c’est que nous avons là un long développement de « ce qu’aimer veut dire » – aimer en actes (se faire proche et présent à l’autre, surmonter les préjugés pour le rencontrer, prendre soin de lui, etc.). Appel adressé à chacun mais aussi aux peuples et aux nations mais également aux différentes religions. Et « ce qu’aimer veut dire » suppose et appelle le dialogue et la rencontre de l’autre jusqu’en sa différence, dans le désir de le comprendre et de s’ouvrir aux richesses propres qu’il porte et qui pourrait nous enrichir dans notre marche commune vers une fraternité universelle.
Le pape aborde beaucoup de thème de ce qu’on appelle la doctrine sociale de l’Eglise, notamment la question du travail et de l’économie, la politique, la guerre et la paix, la recherche du bien commun, le dialogue des cultures, la dignité inaliénable de toute personne et de toute vie, et la question migratoire (avec, entre autre, ces 4 verbes-programme du n. 129 : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer ; mais qu’on ne s’y trompe pas, le pape est lucide sur les peurs qui peuvent nous habiter, attentif aussi à la question de permettre aux peuples en souffrance de pouvoir rester chez eux et de ce que cela engage pour nos pays ; il ne prône pas les mouvements de population en soi, mais il sait qu’ils sont parfois inévitables et nécessaires)... Notons encore qu’il est également question en ces pages de dialogue inter-religieux au service de la paix sociale, et de liberté religieuse (chapitre 8)...
Concrètement cette lettre encyclique se compose de huit chapitres précédés d’une introduction (286 paragraphes). Après le premier chapitre qui est un constat assez terrible des ombres qui traversent notre monde et mettent en péril notre commune humanité, mais qui se termine par un appel à l’espérance (n. 54-55), le chapitre 2 est capital et se veut une sorte de commentaire de la parabole que nous appelons du Bon Samaritain (en Lc 10) ; déjà offerte à la méditation de toute l’Eglise lors de l’Année jubilaire de la Miséricorde (2016), elle est ici présentée comme la clé de lecture de ces pages et l’horizon sur lequel tout se construit et se développe ensuite. Le pape n’hésite d’ailleurs pas à y revenir ci où là dans l’un ou l’autre des chapitres suivants.
Le tout se conclut par deux prières, l’une à destination de tous les croyants et l’autre de tous les chrétiens. Elles sont précédées d’un rappel des appels qui concluaient le document signé avec l’imam Al-Tayeb.
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Le Vatican a publié sur les réseaux sociaux une sorte de résumé en 8 images ou schémas qui pourront vous aider peut-être à entrer dans ce texte ou déjà à en saisir les enjeux et les idées principales de chaque chapitre.