3 Août 2012
Toujours cette question. Comme un leitmotiv ou plutôt un fil rouge qui traverserait mes lectures de l’année, plus exactement un certain nombre des récits ou romans que j’ai lus : pourquoi écrire ?
Laurence Tardieu commence ainsi son roman – n’est-ce pas d’ailleurs un récit autobiographique même si elle le qualifie de « roman » ? – : « Tu ne veux pas que j’écrive ce livre. Tu me l’as dit. Tu me l’as demandé. Tu y avais pensé toute la soirée, toute la nuit, tu ne voulais pas. Ou, plus précisément, tu ne voulais pas que je l’écrive maintenant. Ce livre, Laurence, tu l’écriras quand je serai mort. Voilà ce que tu m’as dit. »
« Tu », c’est celui à qui elle dédie ces pages, celui sur qui elle les écrit, celui qu’elle pense ne pas savoir aimer – mais elle aimerait qu’on lui permette de « croire que ne pas savoir s’aimer, c’est tout de même s’aimer » (p.31) – celui qui la fascine depuis tellement longtemps, celui pour qui et par qui tout a pourtant basculé – « tout », c’est-à-dire le monde qui les entourait, le monde qui avait été construit autour et par de sa famille – ; « tu » c’est son père.
Pourquoi a-t-elle besoin d’écrire ? Pourquoi écrire ? Pour comprendre, pour mettre en mots et se frayer un chemin dans sa propre histoire, pour oser dire ce qu’elle vivait et qu’on ne l’autorisait pas à dire, pour sortir du silence, pour devenir elle-même. Ce seront d’ailleurs ses derniers mots, à la dernière page, alors qu’elle se sent enfin vivante.
Le récit est beau, simple et limpide. Ni torturé ou angoissé, même s’il n’est pas toujours facile. Petit à petit, au fil des pages et des souvenirs, elle raconte, le raconte lui son père, et se raconte. Les choses et les évènements prennent leur place, s’ajustent. Et c’est libérant.
Rien d’autre dans ces pages. Mais tout cela ferait presque du bien. A celle qui écrit, sans doute, mais aussi au lecteur qui, forcément, est renvoyé à sa propre histoire, à celle de ses rapports avec ses parents, à ce qui l’a construit. Rien de dramatique en fin de compte, se dit-on, pour qui ose juste se dire les choses, simplement, patiemment. Ne serait-ce pas, d’ailleurs, l’histoire de toute vie qui apprend à se dire ? Petit à petit, dans l’émergence des souvenirs et de la parole… Par le récit et l’écriture… Le chemin, pour certains, est dur, douloureux. Le temps aide. Le désir de vivre aussi.
Laurence Tardieu, La confusion des peines, Stock, 2011, 154 pages.