28 Août 2016
22ème dimanche du Temps Ordinaire / Année C
ND de Bonne conduite - Montceau (140 ans de la chapelle)
Si 3,17-18.20.28-29 / Ps 67 (68) / He 12,18-19.22-24a / Lc 14,1a.7-14
Qu’est-ce que nous venons d’entendre ? … Imaginez que je prenne à la lettre ce que je crois avoir entendu spontanément et que je demande aux personnes du premier rang de laisser leurs places et de passer au fond, ça vous ferait à tous une drôle d’impression. Et en plus, je ne suis pas sûr que les personnes qui ont l’habitude de rester au dernier rang vous ayez très envie de passer devant. Parce que vous y êtes peut-être bien au dernier rang ; c’est peut-être votre place !
Jésus ne nous parle pas vraiment de cela. C’est ce que nous avons peut-être cru entendre car spontanément nous écoutons ou nous lisons l’évangile comme une morale, comme un message qui transmet des valeurs pour un bon vivre ensemble, un message religieux qui nous dirait ce qui est bien ou pas bien et donc ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Or il s’agit d’autre chose d’abord ; Jésus n’est pas venu pour faire la morale. D’ailleurs il n’a cessé de dire et de montrer par ses rencontres qu’il ne faut pas « catégoriser » les gens, qu’il ne faut pas les enfermer dans ce que nous croyons voir d’eux et dans ce qu’ils nous montrent d’eux-mêmes. Rappelez-vous dans l’évangile de Luc, au chapitre 6: « Ne jugez pas et vous ne serez pas jugés » nous dit Jésus ! La foi et l’évangile ce n’est pas d’abord affaire de morale et de bonne conduite – que Notre-Dame, en ce lieu, me pardonne ! – mais affaire de rencontre avec quelqu’un, une rencontre qui impliquera ensuite un certain agir chrétien, oui, mais d’abord une rencontre avec ce Dieu que nous pressentons, une rencontre avec ce Dieu que nous révèle Jésus ; nous sommes croyants si nous avons le désir de chercher qui est Dieu et si, pour cela, nous écoutons par exemple sa Parole et si nous osons le prier, c’est-à-dire lui parler. Comme Notre-Dame – qu’elle soit donc rassurée !
Si l’évangile n’est pas d’abord affaire de morale entendons du coup ce texte d’évangile sur un autre plan que celui de savoir qui doit être assis devant ou pas. Entendons que Jésus se sert de la situation qu’il est en train de vivre et de ce qu’il voit pour nous dire autre chose – d’ailleurs il parle ensuite en parabole, c’est-à-dire qu’il raconte une histoire – et que cette autre chose concerne ce que Dieu veut pour les hommes et les femmes dont nous sommes, cette autre chose concerne ce que Jésus appelle le Royaume de Dieu qui est comparable à un repas de noces.
Un repas de noces, donc une fête ; un repas de noces où Dieu serait l’époux et dont nous serions ensemble, en Eglise, l’épouse. L’histoire donc d’une rencontre et d’une vie à deux, dans la patience du quotidien. Entre Dieu et moi ; entre Dieu et chacun de vous. Dieu qui n’attend pas de nous que nous lui prouvions que nous sommes quelqu’un de bien comme s’il fallait se précipiter à la première place de notre évangile mais Dieu qui veut, lui, nous rejoindre dans ce que nous sommes les uns et les autres, y compris dans cette part de pauvreté et de vulnérabilité qui est là en nous et que bien souvent, avouons-le, nous voulons cacher ; vous savez toutes ces fois où nous voulons sauver les apparences, toutes ces fois où nous voulons paraître comme quelqu’un de bien, de fort, d’aimable ou d’aimant – ça arrive… ! –, toutes ces fois où nous ne voulons pas être vus dans notre part boiteuse ou estropiée, ou toutes ces fois encore il nous arrive par exemple de nous croire sans péchés et donc meilleurs que les autres, comme si nous ne participions pas à nous aussi au mal de ce monde, ce que nous rappelait d'ailleurs la 1ère lecture…
Dans son Royaume, Dieu veut offrir la première place aux pauvres et aux petits. Jésus le dit tout au long des évangiles. Dieu qui veut se faire notre ami, Dieu qui aimerait tant que nous voulions vraiment qu’il soit pour nous un compagnon de route, Dieu veut rejoindre chacun là où il en est et surtout comme il est, quelle que soit son histoire et même sa foi, quelle que soit sa race ou son appartenance ethnique, quel que soit aussi le mal qu’il ait pu faire. Et du coup, il s’en fout Jésus de savoir qui sera assis devant ou pas ; par contre ce qui l’intéresse c’est que nous entendions que tous nous avons le droit à une place – tous, ça veut dire tous les hommes et toutes les femmes – et donc, c’est la conséquence, que nous qui entendons son message , surtout si croyons en sa présence, si nous croyons qu’il est quelqu’un, que nous voulions comme lui permettre à chacun de trouver une place et de pouvoir garder ou retrouver toute sa dignité. Et là, dans notre société aujourd’hui, il me semble que nous avons du coup un sacré boulot à faire, au nom de cette foi. Chacun à notre mesure, avec ce que nous sommes et avec nos talents ou nos intuitions, mais dans une écoute commune des appels de l’Esprit Saint, c’est-à-dire à l’écoute de ce que Dieu va souffler en nous...
Être croyant ce n’est pas seulement avoir les yeux levés vers le Ciel. C’est tout autant poser son regard sur ceux qui nous entourent et sur notre monde ; pour voir pour écouter. Ecouter les appels de l’Evangile, mais aussi – c’est inséparable – écouter et entendre le cri des hommes et des femmes qui sont là autour de nous ; et du coup, oser nous baisser, s’ils sont à terre, nous abaisser comme Jésus, nous mettre à leur hauteur pour ensemble se relever et avancer.
Ça demande sans doute une bonne dose d’humilité – dont il était question dans la 1ère lecture, cette humilité qui caractérise tant Marie, Notre-Dame – ; ça demande en tout cas que nous laissions tomber nos carapaces de vérités et nos jugements ; et ça suppose une volonté de s’ouvrir à la différence, au-delà des peurs qui parfois nous habitent, en ayant cette assurance que nous ne sommes pas seuls dans cette aventure ; nous y sommes avec le Christ, si nous lui faisons une place et si nous voulons l’accueillir, par exemple dans cette eucharistie qui nous rassemble ; et dans cette aventure nous y sommes tous ensembles, dans ce que nous pouvons appeler notre commune vocation à nous soutenir, nous épauler, nous aider les uns les autres. Ça s’appelle l’Eglise…
Je prie ce matin pour nos communautés de notre paroisse St François d’Assise soient des lieux de rencontre et de fraternité réelle, des communautés où nous décidions et apprenions à avancer ensemble, à nous soutenir et nous aider, des communautés où nous permettions à chacun, à notre mesure, de trouver sa place et de se sentir à sa place. Et je prie pour que chacun à notre mesure nous permettions cela dans nos lieux de vie et d’engagement… Nous prenons quelques instants de silence pour confier au Seigneur tout ce que ces mots éveillent en nous. Nous essayons de goûter au silence et d’entendre en nous ce qui nous habite…