Homélie Vendredi saint 2017

Vendredi 14 avril 2017 / Célébration de la Passion

Eglise St Jean-Baptiste (Bourgoin-Jallieu)

Is 52,13 – 53,12 / Ps 30 (31) / He 4,14-16 ; 5,7-9 / Jn 18,1 – 19,42

Nous voilà invités ce soir à contempler le Christ en croix, le Christ qui meurt ; avec cette question, toujours, qui nous habite peut-être, en tout cas qui habitent certains, jusqu’au pied de la croix ; celle du pourquoi ? Pourquoi fallait-il que le Christ meure en croix ? Pourquoi le Père le laisse ainsi, seul, moqué, abandonné ? Pourquoi Dieu permet-il la souffrance et notamment celle de l’innocent ?

Hier nous affirmions l’amour de Dieu qui se donne jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême. Ce soir nous entendons et nous vivons avec le Christ le paradoxe même de cet amour… Un amour qui laisse les hommes et les femmes que nous sommes complètement libres, jusque dans le rejet de Dieu, comme dans le rejet aussi du pauvre, de l’innocent, du souffrant… Un amour qui dérange, qui bouscule nos vies bien installées… Il est plus facile de faire taire cet amour là que de le mettre en pratique. Parce que c’est dur, nous le savons bien, d’aimer, d’aimer pour de vrai, d’aimer jusqu’au bout, d'aimer même nos ennemis, et d’aimer dans le don de soi-même… Et parce que bien souvent nous ne comptons que sur nos propres forces, nos seules forces, nos pauvres forces…

Il ne s’agit pas de juger, évidemment, mais de se demander quelles sont nos prises de positions aujourd’hui, quand les pauvres ou les innocents sont maltraités ou laissés sur le bord du chemin… Les réfugiés, les migrants, et tant d’autres autour de nous… Ils sont images de Dieu, rappelez-vous ce qu’en dit Jésus dans l’évangile de Matthieu, dans le texte du Jugement dernier, au chapitre 25… Quelles sont nos prises de position, donc, pour eux, pour celles et ceux qui sont violentés ou abandonnés ou rejetés ?

Que décidons-nous de faire : partir en courant ou sur la pointe des pieds, comme la plupart des disciples ? Au contraire, nous lever quand même et nous mettre en route pour nous élever contre les injustices ou pour prendre soin de celui qui désespère ? Ou alors, laisser faire, parce que nous nous disons que nous n’y pouvons rien ?

Peut-être que de fait nous n’y pouvons pas grand-chose ; mais le peu qui est à notre mesure et à notre portée, qui le fera à notre place ? Pilate, lui, ne sait pas quoi faire, a-t-il eu peur ? Il préfère laisser faire, il s’en lave les mains… Et Jésus est mis à mort… sur la croix.

Jésus a été obéissant, nous dit l’auteue de la lettre aux Hébreux, jusque dans l’acceptation des souffrances de sa Passion. Et de fait, Jésus ne se défile pas, il va jusqu’au bout, jusqu’à l’extrême de son amour pour nous. Il reste fidèle, quoi qu’il arrive, à ce qu’il a annoncé et vécu. Il ne se sauve pas lui-même, d’ailleurs personne ne peut se sauver lui-même, c'est une illusion, ce sera toujours à accepter comme venant d’un autre, comme venant de Dieu le Père… Jésus ne sauve pas sa peau, il se laisse conduire… Il s’est livré entre nos mains…

Il y en a autour de nous de ces personnes qui souffrent, qui se sentent seules et abandonnées, qui attendent désespérément que Dieu fasse quelque chose pour elles, et même, pour certaines, qui n’en peuvent plus de ne pas arriver à mourir… Invités ce soir à contempler le Christ et même, tout à l’heure, à vénérer sa croix, nous voilà appelés à porter dans la prière celles et ceux qui gémissent et qui crient, celles et ceux et qui cherchent un sens à ce qu’ils ont à traverser…

Nous voilà appelés aussi – c’est indissociable – à retrousser nos manches pour mettre la main à la pâte de ce que l’Esprit nous soufflera, de ce qu’il nous poussera à vivre, chacun à notre mesure, mais à la mesure de ce que nos yeux voudront bien voir, de ce que nos oreilles voudront bien entendre, et de ce que notre cœur voudra bien laisser bousculer en lui… Retrousser nos manches pour aller à la rencontre, nous mettre en route, à notre mesure mais en réponse réelle et concrète à l’appel, celui d'hier, du lavement des pieds…

Pour l’heure, avant de nous mettre en route pour vénérer le Christ en croix, pour vénérer sa croix, avant de prier aussi pour ce monde et tous ceux qui cherchent un sens, nous prenons pour l’instant le temps du silence, nous laissons monter en nous tout ce qui nous habite, tout ce que nous portons… pour contempler déjà en nous, au cœur de ce que nous vivons, le Christ en sa Passion…

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