15 Janvier 2018
Ce lundi soir, les séminaristes de la Maison Ste Thérèse et nos voisins parisiens de la Maison ND de la Strada se retrouvent pour une “causerie” (un enseignement spirituel) qui sera assurée par le supérieur de la Maison Ste Thérèse, sur le thème du combat spirituel, puis messe tous ensemble et repas.
Le combat spirituel.... Si j'avais eu à en parler moi, à des séminaristes, qu'est-ce qui me serait venu, comme ça spontanément, me suis-je demandé...
- Première chose qui me vient : la tension en nous, entre désir de Dieu, chercher Dieu (par exemple dans l'oraison ou dans le désir de suivre le Christ), et l'expérience de son silence, de son apparente absence (la question de la présence-absence de Dieu qui marque notre vie). Jusqu'à l'extrême de certains grands spirituels qu'est la nuit de la foi. Lieu de combat fort. Je veux voir Dieu ! (cf. le titre du livre P. Marie-Eugène de l'Enfant Jésus, béatifié récemment, qui parle un peu en certaines pages je crois du combat spirituel, livre auquel j'ai pensé parce que c'est celui que le pape a offert aux membres de la Curie pour Noël). Avec cela c'est la question des tentations de découragement. Ce premier point en est une.
- Une autre (tentation de découragement, lieu de combat en nous) : le désir d'aimer et d'être aimé. Comment Dieu nous comble-t-il, là ? Une vraie question quand nous discernons une vocation, ou quand nous sommes parfois fragilisés dans le ministère, vivant la solitude difficilement, ou telle ou telle épreuve. Comment suis-je aimé ? Comme Dieu permet-il que soit vécu ou comblé ou... cette dimension existentielle de ma vie ? Dans la prière ? Mais cf. ci-dessus... Par les autres ? Les amitiés ?
Parfois le don de soi et notamment notre engagement pastoral sont le lieu où nous nous retrouvons en situation de nous sentir fragilisés, alors même qu'ils sont le lieu où nous nous donnons et qui devrait donc nous combler et nous donner d'y rencontrer Dieu en l'annonçant et en apprenant à nous mettre à l'écoute de ce qu'il fait déjà dans le coeur de chacun de celles et ceux que nous rencontrons...
Dans cette tentation de découragement, dans ce besoin d'aimer et d'être aimé, il y a aussi toute la question du combat de la chair, qui est également de l'ordre du combat spirituel (car toute ce qui concerne ma vie humaine concerne ma vie spirituelle - cf. Adrien Candiard qui en parle dans Quand tu étais sous le figuier, Cerf 2017) ; dans une société tellement érotisée, la mémoire du corps et du coeur des expériences que nous avons pu vivre (ou pas, ou fantasmées), nos blessures aussi, viennent attiser le doute en nous ou la tentation de découragement ou celle de se tromper ; combat spirituel : “Qu'est-ce que Tu attends de moi ? Où m'attends-tu ? Et si j'étais fait pour aimer... aimer quelqu'un... quelqu'un qui je puisse toucher et sentir/savoir à mes côtés... ?” Toute la question du discernement...
- Et puis tout le combat en nous qu'est celui du péché et notamment de tous ces “petits” (ou pas toujours petits) péchés dans lesquels nous retombons, qui sont la marque de notre finitude, de notre difficulté à suivre le Christ, l'appel aussi à nous en remettre à la seule miséricorde du Père (qui est, je le rappelle, l'amour qui prend soin, l'amour qui console, qui pardonne et qui donne l'espérance). Je n'ai d'autre choix, retombant toujours, que de me reconnaître petit. Et c'est difficile. Je n'y arrive pas, ça lutte du coup en moi, en nous ; ce combat en chacun qu'est l'aspiration à ne pas retomber, à ne plus faire le mal, et pourtant... Tout ce que j'appellerais nos péchés récurrents...
La difficulté des 1ères tentations ci-dessus : nous sommes dans un monde de l'immédiateté et de l'efficacité, de la performance, de la maîtrise, et même de la toute-puissance. Je vais y arriver par moi-même !! Or avec Dieu il faut du temps, se donner du temps, lui laisser le temps de faire son oeuvre en nous. Et donc apprendre à se laisser faire. Être. Être là. Ce temps où les tentations de découragement surgissent, le temps où je vais me retrouver fasse à moi-même et mes difficultés à aimer ou mon désir d'aimer et être aimé (cf. tout ce qu'il y a ci-dessus). Le temps... lieu du combat en moi. Et pourtant, nécessaire et que je ne peux pas contourner, pas éviter...
Être. Être là. Être à l'écoute... de la Parole, mais aussi des cris et des appels du monde ; et de ce que l'Esprit soufflera en moi, de mes aspirations de vie, de mes désirs, de mes questions, des intuitions qui vont jaillir... Toute la question, là encore, du discernement...
Et sans doute que St Ignace parlerait là du bon esprit et du mauvais esprit. Comment savoir ? Comment entendre où Dieu me veut, où Dieu m'attend, comment faire sa volonté ? Discerner n'est-ce pas de l'ordre du combat spirituel ? Entrer, apprendre à entrer dans le temps de Dieu... Le combat spirituel, un combat avec soi-même... où Dieu est présent... Et un combat avec Dieu et/dans son silence... où je dois apprendre à me rendre présent à sa présence...
Me venait spontanément en tête le récit du combat de Jacob avec l'ange... en Gn 32 (d'où l'illustration de ce post', avec ce tableau de Marc Chagall reçu en carte, il y a quelques semaines, avec un mot des membres de l'équipe Notre-Dame que j'accompagnais ces dernières années et cette phrase, au dos de l'image, qui est peut-être une citation du livre de Candiard cité plus haut — je n'ai pas vérifié — qui leur sert de livre-fil rouge spirituel pour l'année : “Dans nos nuits d'angoisse le Seigneur vient nous prendre à bras le corps. Le combat est rude mais au matin la douceur de sa bénédiction nous enveloppe”). Me venait donc ce texte de Gn 32 (à partir du verset 25), mais aussi celui des tentations du Christ. Et Job... ses détracteurs, ses questions, son désir de Dieu et sa confiance, sa foi en lui...
J'ai enfin pensé encore à Evagre le Pontique et la question de l'acédie... mais il faudrait un post' juste là-dessus... Affaire à suivre ! Il y a déjà assez à méditer...