Homélie sam. 26 mai 2018

Samedi 7èmesemaine du temps Ordinaire [St Philippe Néri]

Maison Ste Thérèse (Bruxelles)

 

Jc 5,13-20 / Ps 140 / Mc 10,13-16

 

En ce jour où nous faisons mémoire de St Philippe Néri qui a beaucoup œuvré pour les plus pauvres mais aussi pour offrir et développer une vie chrétienne enracinée dans la vie de prière, la confession, l’intelligence de la foi et la vie communautaire, notamment pour les prêtres, les textes qu’on vient d’entendre, qui sont ceux de la férie, viennent interroger cela, ils viennent interroger notre être-disciple.

 

Accueillons-nous le Royaume comme des enfants, nous demande l’Evangile ? Et comment vivons-nous la charité fraternelle à la suite du Christ, nous demande ce matin encore l’Epître de St Jacques ?

 

Cette Epître et ses appels forts que la liturgie nous adresse depuis plusieurs jours sont comme un développement de l’appel d’Evangile à nous aimer les uns les autres. Et me venait ce matin ce verset de l’évangile de Jean, à la fin du chapitre 13, juste après le lavement des pieds : « C’est à l’amour que vous aurez les uns les autres que l’on reconnaîtra que vous êtes mes disciples »… C’est bien ce qui a guidé St Philippe Néri dans toutes les œuvres qu’il a fondées, et c’est bien ce qui doit nous guider chacun, dans le cadre qui est le nôtre évidemment, mais très concrètement, dans nos relations à celles et ceux qui nous sont donnés comme des frères et des sœurs à aimer.

 

Ces textes de ce jour viennent donc interroger notre être-disciple... Vivons-nous du Royaume qui nous est annoncé dans la Parole ? Accueillons-nous ce Royaume qui est en germe en ce monde et dans nos vies qui se laissent transformer par le Souffle de l’Esprit ? Et sommes-nous des témoins joyeux de ce Royaume à accueillir et à faire advenir ?

 

Voilà les enjeux de toute vie chrétienne. Et pour cela, nous dit Jésus, ce Royaume il nous faut l’accueillir à la manière d’un enfant. Nous voilà invités à vivre l’appel à aimer comme des enfants… Nous voilà invités à découvrir Jésus à l’œuvre dans nos vies comme des enfants ; à le découvrir aussi à l’œuvre dans la vie de nos frères et à le recueillir, comme des enfants…

 

Qu’est-ce que Jésus veut nous dire ? Pensons aux enfants que nous connaissons… Vos neveux et nièces ou vos filleuls, ou même l’enfant que vous étiez…

 

Accueillir le Royaume de Dieu comme des enfants c’est tout d’abord retrouver et c’est vivre de l’esprit de confiance et d’abandon, au Père. C’est accepter, c’est consentir, c’est vivre en dépendance même du Père. Parce que l’enfant c’est celui qui d’abord a une forme de confiance spontanée, et c’est en même temps celui qui a besoin de se blottir tout contre sa mère pour y trouver refuge et consolation. C’est ce que nous pouvons vivre dans l’oraison, c’est aussi ce que nous sommes appelés à devenir comme Eglise : permettre que les souffrants, par exemple, ou les blessés de la vie et de l’amour trouvent accueil, refuge, écoute et consolation.

 

Accueillir le Royaume comme un enfant, c’est également redécouvrir l’esprit de contemplation et d’émerveillement, qui nous manque parfois et qui manque souvent, je trouve, dans nos paroisses où la vie communautaire est un vrai défi et qui est à refonder – ce sera votre mission comme pasteurs de communautés. Il s’agit d’apprendre à nous réjouir de ce qui est donné, nous réjouir de ce que la vie et Dieu nous donnent, plutôt que ressasser un passé idéalisé, comme Israël au désert. Se réjouir et s’émerveiller par exemple de ce que tel frère est et de ce qu’il apporte à la communauté. C’est ça aussi aimer, c’est très concret. Et si c’est à la manière d’un enfant, alors c’est s’émerveiller en rêvant et en osant croire que nos rêves pourraient se réaliser – ce que le pape François appelle, il me semble, oser une audace créative. En n’oubliant pas que le rêve appellera toujours le discernement…

 

Et puis, dernier point, c’est vivre cette confiance et cette contemplation, cet émerveillement, sans exclure le questionnement. Un enfant, vers 4-5-6 ans, c’est le roi des « pourquoi » incessants. N’ayons pas peur de nos propres questionnements de foi mais aussi d’accueillir celui des autres, ceux à qui nous serons envoyés. Accueillons leurs « pourquoi », quels qu’ils soient, avec bienveillance, car faire le pas d’une question posée c’est déjà un désir et une attente qui s’expriment, une soif peut-être. Entendre, et y consentir même quand ça nous paraît décalé ou étrange ou fatigant, c’est déjà accueillir le Royaume…

 

C’est vrai que parfois, nous le savons bien, vivre cet esprit d’enfance pour aimer et accueillir l’autre, c’est difficile, nous perdons patience, nous sommes fatigués et pas assez disponible ; nous aurons à le déposer dans la prière mais aussi dans des chemins de pardon, avec l’autre, avec nous-mêmes et avec Dieu. L’image de l’enfant m’y faisait penser aussi quand je me rappelais ce matin quelques bagarres d’enfance avec mes frères… Pour apprendre à aimer, nous l’avons tous vécu, il faut apprendre à pardonner. Et sur ce chemin, la correction fraternelle, à laquelle faisait allusion la finale de la 1èrelecture, est et sera à vivre comme une aide à s’offrir les uns les autres, pas toujours simple il est vrai, mais un apprentissage de liberté et de fraternité si c’est vécu avec bienveillance et si c’est discerné dans la prière.

 

Nous demandons dans cette eucharistie que le Seigneur nous fasse grandir dans cet être-disciple auquel il nous appelle. Et nous lui confions dans le silence de la prière les situations pastorales ou de vie que ces mots éveillent peut-être. C’est au cœur de tout cela qu’il veut notamment nous rejoindre.

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