Homélie dimanche 19 août 2018

20ème dim. du Temps Ordinaire / Année B

Eglise de la Ste Croix, Ixelles (Bruxelles)

 

Pv 9,1-6 / Ps 33 / Ep 5, 15-20/ Jn 6,51-61

 

Je me demande si nous mesurons vraiment le poids de ce que nous venons d’entendre… Je me demande même si nous avons conscience de la violence de ce que Jésus vient de dire à ses auditeurs… Est-ce que nous avons vraiment entendu ?

 

« Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle. (…) Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi en lui. (…) De même que le Père, qui est vivant, m’a envoyé, et que moi je vis par le Père, de même celui qui me mange, lui aussi vivra par moi »…

 

Je les comprends les auditeurs de Jésus qui sont choqués par de tels mots et qui se querellent entre eux. On ne peut pas écouter de tels propos et les entendre vraiment, la bouche en cœur, pieusement. Ou alors c’est soit qu’on n’écoute pas vraiment la Parole de Dieu, soit qu’on s’est un peu trop habitué à ce qu’on croit en savoir !

 

Qu’est-ce que Jésus veut nous dire ?

 

Cette page d’évangile a commencé par ces mots que nous entendions déjà la semaine dernière : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du Ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement ». Dieu avait donné le pain au désert, la manne. Chaque jour, juste ce dont le peuple avait besoin. Si on amassait ça pourrissait. Il fallait faire confiance que Dieu allait tenir promesse chaque jour et que chaque jour il donnerait le pain nécessaire pour la route… Jésus nous dit qu’il est la nourriture que Dieu donne aujourd’hui, la nourriture que Dieu donne pour qui a faim, faim de vie éternelle.

 

Mais qu’est-ce que la vie éternelle ? Les disciples de Jésus lui ont posé la question, un jour. Et sa réponse a été : « La vie éternelle c’est de connaître Dieu le Père et celui qu’il a envoyé », c’est-à-dire lui Jésus. « La vie éternelle c’est de connaître Dieu le Père et celui qu’il a envoyé ».

 

Avons-nous faim de vivre avec Dieu, de le connaître, de vouloir entrer en relation avec lui ? C’est de cela dont il s’agit ! Sans doute que nous le voulons, au moins un peu, sinon nous ne viendrions pas à la messe. Mais posons-nous vraiment cette question : avons-nous vraiment faim de vivre avec Dieu, le désir profond de vivre de lui, de vivre par lui, de vivre comme lui ?

 

Peut-être que certains parmi nous ou autour de nous se demandent pourquoi, pourquoi vouloir vivre de la vie même de Dieu, pourquoi vouloir vivre avec lui ? Pourquoi ? Parce que Dieu veut pour nous la vie, une vie debout, une vie de vivants, pas une petite vie repliée ou une vie de cloués au sol par je ne sais quoi. Dieu nous veut vivants et il peut donner sens à notre vie, il peut nous donner de trouver sens au cœur de ce que nous avons à vivre et à traverser. Car il est miséricorde, et la miséricorde c’est l’amour qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance. C’est ce dont nous avons besoin pour avancer comme des vivants dans un monde traversé par le mal, cet amour de Dieu qui console qui pardonne et qui donne l’espérance, c’est ce dont nous avons besoin pour traverser les évènements et ces épreuves de nos vies qui sont elles-mêmes traversées comme le monde par le mystère du mal…

 

Il s’agit d’apprendre à se laisser consoler et à se laisser pardonner, comme il s’agit d’apprendre à consoler et à pardonner, petit à petit. Voilà ce qui est vainqueur du mal. Voilà ce que Jésus nous révèle : que Dieu nous aime de cet amour là, et qu’il nous appelle à vivre cet amour là.

 

Est-ce que nous voulons vivre cela ? Est-ce que nous voulons le vivre avec lui et comme lui ?

 

« Moi, dit Jésus, je suis le pain vivant qui est descendu du Ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement »… C’est-à-dire pour toujours. Mais aussi : celui qui mange de ce pain, sa vie aujourd’hui – notre vie aujourd’hui – aura poids d’éternité...

 

Sauf que Jésus ajoute que pour cela il faut manger sa chair et boire son sang… Voilà qui est inaudible, excusez-moi ! Voilà qui est même violent ! Le manger ? Boire son sang ? Comment voulez-vous que ses auditeurs ne soient pas choqués !?

 

Sa chair, comprenons, c’est le mot en grec pour dire que c’est toute sa personne. Or qui est-il ? St Jean, dans le Prologue de son évangile, nous a dit : « Le Verbe s’est fait chair »… Jésus est « Le Verbe », il est la Parole de Dieu, il est la Parole que Dieu nous adresse. Voilà ce qu’il nous faut manger : la Parole de Dieu, « le Verbe (…) fait chair ». Voilà d’ailleurs comment nous faire proche de Dieu, comment apprendre à le connaître, comment découvrir son message de vie, comment entendre la Bonne Nouvelle qu’il veut nous adresser. Manger la Parole. Prendre le temps et se donner les moyens d’en faire notre nourriture, de la mâcher ou de la ruminer, de la digérer. Afin que petit à petit elle alimente et irrigue notre vie, comme le sang irrigue le corps, et lui permettre de transformer notre vie, de transformer nos cœurs, de transformer notre regard sur l’autre et sur le monde. Apprendre ainsi à entendre les appels de Dieu pour nous et à voir sa présence dans nos vies.

 

Le Christ est la Parole. Mais du coup, comment l’écoutons-nous cette Parole, très concrètement ? Par exemple ici, dimanche après dimanche ? L’écoutons-nous vraiment, ou l’écoutons-nous d’une oreille un peu distraite en nous disant : « Ah oui, c'est vrai, je connais déjà… » ? L’écoutons-nous vraiment, en nous disant que Dieu est en train de nous parler comme un Ami parle à un ami, ou sommes-nous en train de penser à autre chose voire de discuter avec notre voisin ? C’est très concret de croire que Jésus est la Parole, de croire que cette Parole est bien une Parole que Dieu nous adresse et pas juste de belles histoires du passé…

 

Et s’il nous faut la manger, cette Parole, et nous en laisser irriguer, comment faisons-nous ? Quels moyens nous donnons-nous par exemple pour la lire chez nous, pour la prier, et pourquoi pas pour apprendre à entendre ensemble ce qu’elle veut nous dire et même ce que Dieu veut nous dire par elle ? Dans mon diocèse, en France, mon évêque insiste pour que nous nous regroupions régulièrement en petites Fraternités locales autour de la Parole de Dieu, à 4-5 ou plus d’un même quartier ou d’un même village. Pour commencer à nous nourrir de l’évangile du dimanche suivant en nous aidant mutuellement à apprendre à entendre ce qui est dit et à entendre ensemble ce que Dieu nous dit de lui-même et pour notre vie concrète de la semaine ou du mois…

 

« Qui mange ma chair, dit Jésus, et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, ajoute-t-il en promesse de vie,  je le ressusciterai au dernier jour »…Voilà ce que Dieu veut pour nous et que nous célébrons à chaque eucharistie. Une promesse de vie pour toujours, mais une promesse de vie que nous sommes appelés à faire nôtre dès aujourd’hui, dès ici-bas. « Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui ». C’est aujourd’hui que Jésus veut établir sa demeure en nous pour que nous vivions par lui, lui Jésus le ressuscité, lui qui nous promet qu’avec lui la vie est et sera, quoi qu’il arrive, plus forte que tout mal et que toute mort !

 

C’est ce que nous célébrons à chaque eucharistie, où nous nous mettons d’abord à l’écoute de la Parole de Dieu, cette Parole qui nous révèle le Christ qui vient visiter ce monde et nos vies, le Christ annoncé par les prophètes, le Christ qui nous révèle Dieu en sa miséricorde, son amour qui console, qui pardonne et qui donne l’espérance. Et après avoir écouté la Parole, nous célébrons le mystère de sa présence parmi nous pour toujours, en nous, par notre communion au mystère du pain et du vin consacrés, et sa présence par nous, nous qui devenons ensemble ce que nous recevons, le Corps du Christ, sa présence de chair et de sang, ses mains pour prendre soin et sa voix pour oser des paroles de consolation, de pardon, d’espérance...

 

Ce matin encore nous allons invoquer l’Esprit Saint pour cela… Nous nous ouvrons à sa présence, dans le silence de la prière, maintenant. Et nous confions au Seigneur ce qui nous habite, ce que ces mots et sa Parole ont éveillé… Amen.

 

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Illustration : porte du tabernacle de la chapelle de la Maison Ste Thérèse (Bruxelles).

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