9 Novembre 2018
En Eglise c'est souvent qu'on entend parler de vocation(s). Même pour certains boulots d'ailleurs. Chrétiens, qu'entendons-nous par ce mot ? A quoi sommes-nous appelés, puisque c'est bien de cela dont il s'agit ?
L'abbé Grosjean, du diocèse de Versailles, nous offre son dernier livre sur ce thème là. Avec un sous-titre interpellant et presque décalé : “Pour qui et pour quoi veux-tu donner ta vie ?” Presque décalé, oui, car le mot “vocation” donne souvent à entendre un appel venu d'en-haut, d'ailleurs que soi-même, alors que cette idée de donner sa vie indique plutôt la notion de choix, de décision.
C'est justement tout le paradoxe, la tension qu'il nous faut assumer. Car s'il y a une vocation commune à tout homme qui est à aimer et donc, pensons-nous en christianisme, à donner sa vie – c'est cela aimer comme le Christ, à sa suite – cela s'incarne dans des choix de vie qu'on peut appeler vocations particulières mais cela peut également prendre forme aussi dans nos choix professionnels.
Ce livre est justement divisé en deux parties : notre commune vocation à aimer et à nous donner, à la suite du Christ, et ces vocations spécifiques, ces appels particuliers, que sont (1) le mariage, (2) le ministère presbytéral (l'auteur parle ici de sacerdoce, de façon un peu rapide, car il veut parler du ”sacerdoce ministériel” qui est au service du ”sacerdoce baptismal” de l'ensemble des membres du peuple de Dieu, et il s'agit bien ici du ministère des prêtres, pas des diacres ou des évêques), et (3) la vie religieuse (monastique ou apostolique, rien n'est dit par contre de la vie consacrée au sens plus large, si ce n'est quand l'abbé Grosjean parle du célibat sacerdotal, passons).
La seconde partie est complétée, disons-le d'emblée, par quelques pages (un peu rapides) sur le célibat non choisi auquel se trouvent confrontés un certain nombre de jeunes adultes, et quelques pages sur ces ”vocations” particulières que sont un certain nombre de métiers (il est beaucoup question ici de ces corps professionnels où il peut y avoir don de sa vie jusqu'à la mort pour sauver d'autres, l'armée et les pompiers, et des métiers de la santé plus brièvement et encore plus rapidement des métiers de l'éducation).
J'ai trouvé très intéressant et très pédagogique toute la première partie, une belle mise en mots de la réponse à la question du sous-titre, un appel à se donner, véritable chemin du bonheur, et pour cela à regarder le Christ, à se donner les moyens de vivre à sa suite. Avec toute la question du discernement des choix mais aussi de la liberté. De l'enjeu de vivre sa vie comme un don et non pas en propriétaire (pour reprendre des sous-titres intermédiaires au corps du texte), de découvrir et vivre sa foi comme une amitié et avec ses amis, dans le don de soi à d'autres, etc.
Dans la seconde partie, je suis resté un peu plus sur ma faim. L'abbé Grosjean parle très bien du mariage, qu'il décrit comme une “vocation naturelle“, car c'est notre élan intérieur spontané que de se sentir attiré à aimer quelqu'un dans un engagement de vie à deux et à donner la vie, et il parle bien de la vocation au ”sacerdoce” qu'il appelle ”surnaturelle” (comme pour les religieux et, j'élargis, les consacrés) car il y a comme un appel intérieur de Dieu pressenti et mis en mots, une vocation qui est aussi une vocation à l'amour, l'amour de Dieu, de l'Eglise et des autres. Dans ces pages on est plus de l'ordre du témoignage de vie et de ministère, mais pourquoi pas...
En terminant ces pages je me disais : à qui s'adresse-t-il ? A des jeunes ? La 4ème de couverture indique que c'est pour des 15-30 ans... Ce n'est pas évident tout le temps, dans le ton ou une certaine densité de certains propos... En tout cas des jeunes pas trop jeunes ; pas des lycéens, je ne crois pas, au moins des étudiants voire des jeunes professionnels. Mais alors n'ont-ils pas déjà posés, pour un certain nombre, des jalons et des choix pour répondre à ce qu'ils pressentent devoir vivre ? Est-ce un livre pour les y aider et/ou se donner les moyens de se réorienter ? Ou alors (et ça n'empêche pas) plutôt pour les éducateurs et parents, pour les aider à accompagner ces jeunes qui leurs sont confiés ?
Je pense que ces pages sont un peu exigeantes dans le style pour des jeunes à qui j'hésiterais à les leur recommander. Peut-être à tord ? Je ne sais... Même si je ne regrette pas d'avoir lu ce livre et même de le recommander par ce post' ! Je vous laisse voir par vous-mêmes... Ce qui est sûr en tout cas c'est que Pierre-Hervé Grosjean n'hésite pas à vouloir dire la beauté d'une vie qui se donne et qui ose voir grand, qu'il n'hésite pas non plus à témoigner de ce qui l'habite et à nous le partager.
Je retiens de son livre l'importance du discernement pour tous nos choix pour nous donner, de l'importance justement de poser des choix et de les poser en liberté. Et pour cela, de l'enjeu de l'accompagnement spirituel pour lequel il nous offre quelques très belles pages.
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Pierre-Hervé Grosjean, Donner sa vie, Artège, octobre 2018, 164 pages, 14€