9 Juin 2019
Guérir ? ... Être soigné ? ... Qu'est-ce que l'une et l'autre de ces réalités recouvrent vraiment ? ... Ce qui m'habite c'est la question de savoir s'il faut guérir à tout prix et guérir de quoi ?
Il y a (eu) l'affaire Lambert, qui vient interroger cela de façon assez radicale – et médiatique en plus. Mais il y a plus largement et plus communément la question des soins que nous recevons, et d'une espèce de surenchère parfois au thérapeutique. La médecine, qui veut non seulement nous guérir de toute maladie, c'est son rôle pourrions-nous dire, mais jusqu'à vouloir repousser la mort pourtant inéluctable. Et tant de formes alternatives ou parallèles qui se réclament elles aussi de ce champ du guérir...
On m'offrait récemment un livre sur ces mondes là pour me faire comprendre qu'il n'y aurait pas que notre médecine scientifique occidentale habituelle et que pour guérir vraiment je pourrais explorer d'autres voies complémentaires... Et j'avoue que tout cela me laisse assez songeur...
Ce livre part du postulat qu'il y a une impuissance à guérir au sens de faire disparaître le mal et tous ces maux qui conduisent à la mort... La belle affaire !! Evidemment !! Comment ne pas s'interroger alors ? Guérir ? Soigner, oui, au sens de prendre soin de celui qui souffre, d'apaiser la douleur, de tenter de dompter le mal qui nous traverse, de l'atténuer, pourquoi pas de le faire disparaître, évidemment. C'est-à-dire donner au corps de se battre pour vivre, pas seulement de survivre. Et soigner l'âme, car nous ne sommes pas qu'une enveloppe charnelle.
Mais peut-on plus ? Faut-il plus ?
Même Dieu semble permettre ce mal, non pas comme une fatalité, non, ni de l'ordre de sa volonté voulante, même s'il paraît ne pas pouvoir l'éradiquer, le faire disparaître à tout jamais. Cela court tout au long de nos bibles, et la seule réponse sera le consentement libre de Jésus, par amour, pour nous sauver, son oui à la vie donnée jusqu'au bout, pour nous délivrer de l'emprise du mal et nous ouvrir à l'espérance en la vie plus forte que tout mal et que toute mort, y compris malgré les apparences. Non pas qu'il n'y aura plus de mal ni de mort, mais nous en serons vainqueurs avec lui. Et nous le sommes déjà. Nous pouvons avec lui apprendre à recueillir la vie qui est là, quoi qu'il arrive. Nous pouvons grandir en paix intérieure, qui est un don de Dieu et une promesse qu’il nous fait. Et surtout nous sommes co-responsables les uns des autres, appelés à prendre soin les uns des autres, à apaiser et à panser les blessures, à consoler de toute souffrance pour faire ensemble l'expérience de l'amour sauveur et de la vie plus forte que tout, dès maintenant, dès ici-bas.
Il s'agit de guérir, au sens de prendre soin, d'accompagner, de soulager. Pas de se prendre pour Dieu pour supprimer mieux qu’il ne le peut le mal qui nous traverse. Permettre à chacun d'avancer, de garder confiance en la vie et même d'y goûter. Alors même que nous restons et resterons marqué par ce mal ; et destinés à mourir.
Mourir... La question ne sera-t-elle pas alors celle de notre préparation à cet après, en même temps qu'il s'agit de vivre le présent et l'aujourd'hui ? La question de notre liberté à préparer dès maintenant cet après, dans l'apprentissage et la reconnaissance qu'il s'accueille humblement dans le présent de chaque jour et avec Dieu ? Car il nous veut vivant, c'est certain. Il veut pour nous la vie re-suscitée, quoi qu'il arrive.
Alors, oui, il nous faut nous battre pour soigner, et non pas subir ce qui nous tomberait dessus. En ce sens je n'affirme donc pas qu'il ne faudrait pas vouloir guérir, et, oui, il faut avoir recours à la médecine et même à la recherche, Dieu a déposé cette capacité co-créatrice en nous. Et oui, nous pouvons et devons demander à Dieu la guérison, telle qu'il voudra ou le pourra. Mais dans l'acceptation ou plutôt le consentement à la vie telle qu'elle est, telle qu'elle sera. Non pas sans souffrance ni mal, mais libérée du leurre que serait cet espèce de désir d'une immortalité que l'on pourrait acquérir.
Il faut prier, demander à Dieu que sa volonté se fasse, qu'elle se fasse là. Non pas que Dieu veuille ce mal qui nous traverse ou nous tombe dessus, mais dans cette épreuve qu'il permet pourtant, faire l'expérience qu'il est là et qu'il nous appelle quoi qu'il arrive à la vie, qu'il nous appelle à vivre. Dans le réel de ce que notre corps et notre âme traversent et de ce qui les marque. Mais dans cette confiance aussi que Dieu marche avec nous et nous porte en vie, et qu'il nous donne sa force pour avancer si nous la lui demandons, qu'elle procure paix et joie intérieure, patience et persévérance.
Alors nous découvrirons que tout cela va pouvoir trouver un sens de vie avec Lui, en Lui. Et que dans ce chemin auquel il faut consentir, nous allons découvrir, autrement et malgré tout, ce qu'est vivre. Je le crois vraiment. Aussi mystérieusement cela puisse-t-il paraître à certains.
Nous ferons peut-être l'expérience, si nous nous laissons saisir par Lui, que là, dans cette traversée difficile et douloureuse, Dieu ne nous lâche pas, qu'il nous rejoint et qu'il nous fait don de l'Esprit qui donne la vie, celui-là même que nous célébrons tout particulièrement en ce jour de la Pentecôte, celui-là même qui a ressuscité Jésus d'entre les morts, qui l'a libéré de l'emprise du mal.
Guérir ? Soigner ? ... Vivre ! Vivre malgré tout... Accueillir la vie qui nous traverse, aussi imperceptible que ce soit parfois, mais la vie qui est bien là, malgré les apparences et les désirs bien humains de toute-puissance, la vie qui est là dans les petites choses du quotidien pour lesquelles chaque jour nous pouvons rendre grâce, ce qui est bon et beau, ce qui a goût de vie et même d'instants d'éternité. Toutes ces petites choses, ces évènements et ces rencontres qui nous font pressentir que nous sommes bien vivant quoi qu'il arrive ! Alors, oui, on peut se battre... et dès lors apprendre (surtout) à consentir à ce qui adviendra, consentir à la vie telle qu'elle est et nous appelle...