5 Janvier 2020
Épiphanie du Seigneur [Année A]
Is 60,1-6 / Ps 71 (72) / Ep 3,2-3a.5-6 / Mt 12,1-12
Avec cette page d’évangile et plus largement les lectures de ce soir on est vraiment dans le déploiement de ce qu’on a fêté à Noël. Un déploiement qui est un élargissement de la Bonne nouvelle de Noël pour tous, pour toutes les nations.
Ce soir c’est donc le même mystère que nous célébrons. Et je dois vous avouer que je me demandais bien ce que j’allais pouvoir vous en dire, parce que vous avez sans doute tous fêté Noël quelque part et qu’on vous a sans doute dit à tous des choses très intelligentes et nourrissantes pour votre foi. En tout cas j’espère !
Ce qui m’a frappé en commençant à préparer cette homélie c’est ce que j’ai envie d’appeler les bizarreries du texte. Parce qu’il y en a un certain nombre ! Et qu’elles nous disent à leur façon qui est cet enfant que les mages viennent adorer. Par exemple, une première bizarrerie, pour moi en tout cas : comment les mages ont-ils pu voir une nouvelle étoile dans le ciel, parmi tant d’autres ? Je ne sais pas si vous avez l’habitude de regarder le ciel étoilé quand vous en vacances l’été, mais franchement faut être sacrément calé pour voir une nouvelle étoile. Ils n’avaient pas à l’époque tous nos instruments d’astronomie ! Nous on écoute ça la bouche en cœur : « Ah oui, tiens, il y avait une nouvelle étoile. Et en plus c’est une étoile filante mais à vitesse d’homme. Cool. Si on allait la suivre ! » Une autre bizarrerie du texte : pourquoi fallait-il passer par Jérusalem et par la rencontre d’Hérode qui veut mettre à mort tous les enfants nouveau-nés ? C’est bizarre que Dieu leur fasse faire ce détour franchement dangereux pour la vie de ce petit bébé ! Non, vous ne trouvez pas ? Et enfin, pourquoi ces trois cadeaux là que les mages offrent à Jésus, et notamment la myrrhe ? Quelle drôle d’idée d’offrir à un nouveau-né du parfum pour embaumer les morts ! Je ne sais pas s’il y a des jeunes mamans parmi nous mais je doute qu’elles auraient été hyper ravies qu’on offre ça à leur enfant pour sa naissance. C’est un peu glauque et tordu !
Ces quelques bizarreries – je ne m’attarderai pas plus – elles nous dise qui est celui qui vient de naître, qui il est lui que nous sommes invités à adorer, comme les mages, à contempler. Jésus – nous le savons – est l’accomplissement des promesses de Dieu, les promesses à Israël, mais pas que pour Israël, pour tous et de toutes les nations. Et pour cela Jésus est le nouveau Moïse. Je dis cela parce que si vous faites marcher votre mémoire biblique vous vous rappelez peut-être que dans l’AT le roi puissant qui met à mort les enfants nouveau-nés d’Israël c’est Pharaon, et que Dieu entend le cri de son peuple et qu’il appelle alors Moïse à se lever pour conduire le peuple vers la libération. Jésus est ce guide qui nous est donné pour passer de la mort à la vie, pour passer des ténèbres de toute vie à la lumière de la Vie telle que Dieu la veut pour nous, la Vie avec Dieu, dans ce Royaume de justice, de paix et d’amour qu’il vient instaurer par cet enfant nouveau-né, ce Royaume qu’il nous confie pour que nous le fassions advenir jour après jour dans ce monde qui est tellement défiguré par le mal et la violence des hommes qui se croient tout-puissants à la place de Dieu.
Et Jésus est plus que Moïse, il n’est pas qu’un sauveur parmi d’autres, il n’est pas du coup l’homme du passé, il est en sa chair, il est lui-même, la Résurrection et la Vie, comme dira St Jean dans son Évangile. D’où cet étrange cadeau qui dit déjà cette Bonne nouvelle qui est le cœur de notre foi et sans laquelle, désolé de vous le rappeler, nous ne serions pas là ce soir. C’est bien parce que Jésus est ressuscité, qu’il est passé pleinement de la mort à la vie et des ténèbres à la Lumière, et c’est bien parce que certains y ont cru et nous l’ont transmis, que nous nous rassemblons. Et c’est bien parce que nous osons croire que c’est Bonne nouvelle pour nous aujourd’hui que nous voulons essayer d’en vivre et de comprendre mieux, et même que nous voudrions que d’autres découvrent cela, comme les mages qui veulent voir et découvrir ce roi qui vient de naître – d’où l’or comme cadeau ! – et qui viennent de si loin pour cela – l’encens c’est parce que Jésus est le prêtre de l’Alliance nouvelle, le médiateur entre Dieu et l’humanité.
Alors les mages... S’ils voient cette étoile dans le ciel c’est qu’ils guettaient quelque chose. C’est qu’ils étaient en recherche. Voilà un 1er appel pour nous que j’aimerais que nous entendions : ne nous satisfaisons pas de petites vérités et des fausses certitudes qui nous mettraient dans un petit confort d’une petite vie bien tranquille en apparence. Le bonheur ce n’est pas plan-plan, bien au chaud chez soi, entre soi, à regarder une série aussi bonne soit elle et à déplorer par exemple qu’il y ait des migrations et ces dérèglements climatiques qui vont nous obliger à sortir d’une espèce de confort apparent. Ça n’est pas ça le bonheur.
Le bonheur, nous dira Jésus, le sens de toute vie, c’est d’apprendre à aimer. Mais pour aimer en vérité, pour aimer vraiment, pour aimer comme Dieu aime chacun, il faut accepter de se laisser déplacer, il faut accepter d’être dérangé dans nos certitudes toutes faites sur l’autre et de se mettre en route. Comme les mages. Et pour cela il nous faut apprendre à guetter où la Vie nous appelle, il nous faut apprendre à voir la Vie qui est là, dans les petites choses du quotidien qui auraient pu passer inaperçues. Comme cette étoile dans le ciel. Et ça va nous mettre en route pour désirer un monde meilleur où règne plus de paix, de justice et d’amour réel, ce fameux Royaume que Jésus vient inaugurer par le don de sa vie.
Nos mages c’étaient des chercheurs de sens. Ils veulent comprendre le sens des choses, le comment de cette création, peut-être même le pourquoi de la vie, et ils acceptent que ça les conduise vers un ailleurs, un autrement. En méditant cela, je pensais à Abraham. Lui aussi a dû accepter de se mettre en route, de se laisser déplacer. Et il a découvert qu’il y a bien un Dieu qui est là avec nous, un Dieu qui tient promesse, un Dieu qui veut la vie et que toute vie soit féconde.
Certes il y aura des difficultés en route, il y aura des traversées à vivre – nous le savons bien – mais au cœur de ce qui sera parfois ténébreux, une étoile est là, une présence sur laquelle nous appuyer. Une Présence à reconnaître et à accueillir, jour après jour…
Comment nos mages font-ils pour avancer ? Je l’ai dit, ils cherchaient le sens des choses et de ce monde. Alors cherchons et soutenons-nous pour cela. Mais ne cherchons pas n’importe comment. Comme les mages, acceptons d’entendre qu’en fait, pour y arriver, pour arriver au but du chemin, il va nous falloir cette médiation que sont les Écritures, à la fois écouter la Parole de Dieu, comme ce soir encore, mais aussi l’ouvrir ensemble, par exemple en Frat’, pour apprendre ensemble à contempler Jésus et ce qu’il veut nous révéler de Dieu, apprendre ensemble à entendre ce que Dieu veut nous dire par cette Parole et au cœur de ce que nous vivons chacun.
Tout seul c’est difficile. Nos mages ils sont trois, ils se soutiennent, sans doute qu’ils se sont motivés aussi à continuer à avancer. Et ils acceptent qu’on leur dise où aller, grâce aux Écritures, ils ont besoin d’une aide extérieure à eux-mêmes, alors ils vont pouvoir rencontrer celui qu’ils cherchent, celui que nous célébrons et qui nous rassemble.
Certes, nous nous ne le voyons pas de nos yeux de chair. Il y a un acte de foi à poser, il nous faut faire confiance à celles et ceux qui nous précèdent et qui nous ont transmis la Bonne nouvelle de la résurrection. Comme les mages qui ont dû faire confiance à Hérode et aux grands prêtres et aux scribes de Jérusalem. Faire confiance à la Parole de Dieu, et faire confiance aussi que ce que nous célébrons est bien présence de Dieu qui nous est offerte aujourd’hui.
Parce que ce que nous célébrons ce soir encore c’est bien le sens de ce que nous fêtons à Noël et en ce jour d’Épiphanie : Dieu qui vient établir sa demeure parmi nous, Dieu qui veut établir sa demeure en nous pour naître à ce monde et y être présent. Dieu qui voudrait se donner à connaître de tous. Et nous savons qu’ils sont nombreux non seulement les chercheurs de sens comme ceux qui ne cherchent plus et qui subissent la vie. Nous avons une Bonne nouvelle à leur adresser et pour cela à vivre déjà nous-mêmes et entre nous.
Alors je nous souhaite que cette année 2020 soit belle de cela, de ce soutien à nous porter dans la prière et la vie fraternelle et à ouvrir ensemble les Écritures. Que nous fassions cette si belle expérience que ça parle, que ça vient me parler au cœur de ce que je vis. Et que même si ça déplace ça donne sens à ce que chacun nous avons à traverser, nous-mêmes ou avec nos proches.
Et qu’alors une rencontre de Dieu nous soit donnée, qu’elle nous renouvelle, comme il voudra. Et vous verrez, on continue le chemin différemment, autrement. Comme nos mages. En entendant cette autre Bonne nouvelle qu’ils sont pour nous : personne n’est jamais trop loin pour découvrir la présence et la lumière de Dieu. Personne…
Je ne sais pas ce que tout cela éveille en vous ou vient bousculer peut-être… Tout simplement nous prenons le temps d’écouter ce qui vient, de le laisser monter en nous et de le déposer dans le silence auprès du Seigneur, maintenant. Amen.