10 Janvier 2020
Voilà un roman bien atypique. Pour moi. Le genre et la taille. Tout ce que je ne lis pas d’habitude. De la science-fiction et presque 700 pages !! Mais... pourquoi le lire, du coup ? Ben... parce qu’on me l’a offert ! Et que... je me suis laissé prendre par le style et l’histoire !!
Et là encore c’est atypique !! Le style, pas seulement littéraire – avec notamment sa foison de néologismes –, mais visuel aussi ! Oui oui ! Une quasi expérience, plus qu’une simple lecture habituelle ! Au cours des chapitres on change de narrateur, de personnage, et on le repère par la typographie et le style propre ! Ils sont 6-7 personnages principaux et l’on passe de l’un à l’autre. Au début c’est un peu perturbant puis on se familiarise et on se laisse prendre. Au début c’est plutôt par chapitre puis c’est de plus en plus resserré...
Et l’histoire... Imaginez dans quelques décennies, l'ultra-libéralisation de la vie, son ultra-ubérisation aussi, ou plutôt l’ultra-connectivité qui guiderait tout. Et un vent de révolution qui soufflerait... Sauf que nous serions dans une quasi dictature, sous couvert de démocratie et de quelques petits libres choix qu’on nous laisserait vivre...
Nous sommes à Orange. Aux côtés d’un homme qui a perdu sa fille. Mais qui la croit vivante. Il devient chasseur de « furtifs », des créatures qu’on ne connaît pas vraiment, sauf une section d’élite de l’armée qui s’y intéresse, des sortes d’hybrides hommes-animaux-esprits... Qui sont-ils ? Pourquoi vouloir les traquer et les comprendre ? Et si des enfants étaient enlevés par ces furtifs ? Ou s’ils étaient une sortie possible de ce monde devenant invivable – comme on va bien le comprendre – ?
Je me disais : mais quelle imagination !! Comment va-t-on inventer tout cela ? Comment peut-on avoir idée d’un tel imaginaire ? Sans parler aussi et par exemple de tous ces néologismes, intéressants en plus, bien vus, dont je faisais déjà mention plus haut ! Je pense encore et également à tous les rebondissements de ce roman dense et captivant. Du moins les 2 premiers tiers, après j’ai commencé à trouver un peu long...
Mais au final, qu’en retenir ? Ou plutôt qu’en penser ? On est pris, il y a quelque chose de fascinant dans cette histoire. On se sent d’ailleurs concerné quand on voit comment notre monde est hyper-connecté et le devient de plus en plus. Mais ces furtifs, que veulent-ils nous dire à nous lecteurs ? Ne se cache-t-il pas dernière ces étranges créatures un désir d’une vie autre ? Y compris après la mort ? Car cette enfant, est-elle vivante autrement ou n’est-elle pas comme une allégorie d’un monde des morts qui voudrait entrer en contact avec nous ? Car avouons-le, tout cela est bien à la mode... et la toute dernière page du livre m’a conforté dans cette question, la dédicace de ce long roman, à la fille de l’auteur visiblement disparue pendant la rédaction de ce long roman...
Qu’en penser alors ? Je ne sais trop... Juste que c’est quand même assez génial comme lecture et comme expérience. Et que ça se lit finalement plutôt bien, malgré la taille, car c’est bien mené et intrigant ! Et figurez-vous que celles et ceux qui aimaient tout particulièrement cet auteur et ses romans ont dû attendre 15 ans, je crois, pour recevoir et découvrir celui-ci !
Voyez quel courage vous auriez, pour une telle aventure... Voyez... Moi je ne regrette pas... même si tout cela est finalement assez alarmant car il y a, me semble-t-il, beaucoup à entendre ou au comprendre de ce qui est au final une grosse alerte sur les évolutions vertigineuses de notre société occidentale...
Un livre qui ne laisse pas indifférent en tout cas et qui a fait couler beaucoup d’encre dans la presse, avec des critiques plutôt élogieuses d’ailleurs. Un roman récompensé « Meilleur livre 2019 » par le magasine Lire... Et accompagné d’une expérience sonore à découvrir (mais que je n’ai pas encore tentée)...
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Alain Damasio, Les furtifs, éditions La Volte, avril 2019, 688 pages, 25€.