3 Mai 2020
4ème dimanche de Pâques - Année A
Messe des « confinés de l’évêché » (Grenoble) - Journée Mondiale de prière pour les Vocations
Frères et sœurs, je trouve que la liturgie a de l’humour. Alors que nous voudrions pouvoir aller et venir à notre guise, l’évangile de ce jour ne cesse de nous parler d’entrer et de sortir. Et comme la semaine dernière et celle qui précédait, c’est au cœur d’un enfermement qu’il y a à se laisser rejoindre pour se laisser conduire ailleurs.
La semaine dernière, vous vous en rappelez, nous cheminions avec les disciples d’Emmaüs que la rencontre du Seigneur faisait sortir de leur état de tristesse et de désespérance pour entrer avec Lui en dynamique pascale, celle d’une libération dans la foi.
Et la semaine encore avant, les apôtres étaient emmurés dans leur peur des juifs, et la venue du Christ au milieu d’eux les rendait à la joie et à la vie.
Ce matin il s’agit d’un enclos duquel les brebis vont sortir. Grâce au berger qui va entrer et surtout grâce à la Porte. De ce que Jésus nous dit, cette porte est comme l’axe central, le pivot de cette page d’évangile mais plus encore de notre vie avec Lui, le Christ. Il s’agit de passer par là, il s’agit de passer par cette porte. Et cette porte, c’est Lui, le Christ Jésus. Le berger doit passer par là pour entrer dans l’enclos, alors les brebis pourront sortir et suivre ce berger ; à sa suite elles trouveront un pâturage, celui-là même du psaume de ce jour, ce lieu du repos qui fait revivre et qui procure grâce et bonheur pour tout-jour.
Il s’agit de passer par le Christ, puisqu’il est la Porte, la Porte des brebis. C’est-à-dire vivre avec Lui en dynamique pascale. Et pour cela se laisser guider par ce berger qui lui-même aura consenti à ce même passage.
Vivre en dynamique pascale c’est faire ce même chemin que celui des disciples d’Emmaüs, dimanche dernier : c’est passer de la mort à la vie, avec le Christ, par la rencontre des Écritures et par la reconnaissance d’une Présence qui vient éclairer ce que nous traversons et qui vient nous conduire à cette vie nouvelle, cette vie renouvelée, qu’est celle de la foi en sa Présence de ressuscité, cette Présence que nous ne voyons pas mais que nous pressentons et qui fait entrer dans la joie des sauvés.
Passer par le Christ, nous le savons, c’est apprendre à écouter et à vivre les appels de l’Évangile, dans une vie baptismale vraiment eucharistique, jusque dans l’abaissement à hauteur de celles et ceux que la vie cloue au sol. Passer par le Christ c’est aussi souffrir et mourir avec Lui, dirait St Paul, pour se laisser guérir et sauver. Passer par le Christ c’est tout vivre en Lui, c’est s’abandonner à ce que notre vie à sa suite nous fera traverser, dans la confiance libérée et renouvelée que la vie est avec lui plus forte que les ravins de la mort, comme le disait le Psaume.
Cette vie à sa suite appelle la conversion, nous le savons et la 1ère lecture nous le redisait. Mais la conversion n’est pas de notre faire à nous – ce qu’à mon avis on laisse entendre trop souvent –, comme si nous allions y arriver par nous-mêmes. Non, la conversion est plutôt de l’ordre d’un laisser faire actif, comme les brebis qui se laissent conduire par ce berger qui les connaît chacune et qui connaissent sa voix.
La conversion est une grâce à demander ; elle est, elle aussi, un passage à vivre, celui d’un désir spontané et humain qui est désir de tout faire au mieux par nous-mêmes pour mieux correspondre aux appels de l’Évangile à cet autre désir qu’est celui de permettre à Dieu qu’il fasse en nous son travail de purification et d’émondage, comme il voudra et le permettra, qu’il fasse en nous ce travail de mise en lumière des chemins qu’il nous faut prendre pour suivre vraiment le Christ.
Qui va nous conduire pour cela ? Qui va nous permettre ce passage par la Porte ? Qui est-il ce berger dont parle notre évangile ? Ce n’est pas immédiatement le Christ, en tout cas pas dans ce que nous entendons ce matin, ça viendra juste après. Le Psaume nous a rappelé que le berger de son peuple c’est Dieu lui-même, et nous savons que tout au long de l’histoire du salut il vient nous conduire et nous sauver grâce à ceux qu’il va appeler et qui vont être envoyés en son nom. Toute l’Écriture raconte cela, et nous y appelle aujourd’hui encore, chacun selon nos charismes.
Le berger qui vient, il va falloir écouter sa voix, entendre s’il vient bien de Dieu ou s’il parle malheureusement en son nom propre, comme ces voleurs et bandits qui entrent dans l’enclos sans passer par la Porte.
La mention des pharisiens qui ne comprenaient pas ce que Jésus voulait leur dire exprime d’ailleurs quelque chose de cela. Rappelez-vous les mots de Jésus à leur encontre, par exemple en Mt 23,1-12 : « Ils disent mais ne font pas ». Appel pour nous tous à une vie en cohérence à la Parole de Dieu : vivre ce que nous croyons, vivre vraiment ce que nous annonçons.
Et je repense à ces mots de la liturgie de l’ordination diaconale quand l’évêque remet l’évangéliaire au nouveau diacre : « Recevez l’Évangile du Christ, que vous avez mission d’annoncer. Soyez attentif à croire à la Parole que vous lirez, à enseigner ce que vous avez cru, à vivre ce que vous aurez enseigné. »
Et nous, prêtres et évêques, ordonnés pour être pasteurs au nom du seul Pasteur, ordonnés pour permettre à tous les baptisés d’être pleinement prêtres, prophètes et rois, notre vie et nos paroles sont-elles bien cette voix qui appelle et qui accompagne chacun dans sa marche ? Et pour cela sommes-nous bien et tout-jour en dynamique de passage par la Porte, c’est-à-dire : vivons-nous, comme Jésus nous y appelle tous, en dynamique pascale, nous laissant conduire toujours et encore par sa Parole et nous laissant émonder par elle pour que Dieu vienne là encore nous convertir ?
Il s’agit de devenir disciples-missionnaires et pasteurs à l’image du Christ lui-même, le Christ qui donne sa vie pour tous, le Christ qui n’a pas sauvé sa peau mais qui s’est laissé conduire jusqu’à la Croix pour être sauvé par le Père, le Christ qui s’offre totalement et par amour, pour nous faire passer de la mort à la vie. Il nous le redit ce matin : il est venu pour que nous ayons la vie, la vie en abondance. Puissions-nous y croire tout-jour et le vivre vraiment...